Kinshasa-Kigali : la guerre se poursuit aux Jeux de la Francophonie

Ceux qui avaient espéré quelque tempérance, le temps des Jeux de la Francophonie, entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda avaient tout faux. Cette fête des peuples et cadre du renforcement des liens au sein de la communauté francophone aura, au contraire, été aussi bien le prétexte qu’une arène des joutes qui caractérisent les relations entre les deux pays depuis que le second a agressé le premier sous le couvert de la résurgence du M23.

C’était donc une chimère de croire que la Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Louise Mushikiwabo, oublier sa nationalité rwandaise pour venir en terrain aussi hostile que Kinshasa, malgré le couvert de la Francophonie. Et la partie congolaise peut beau tirer le drap du protocole de son côté, en arguant qu’étant organisatrice, Louise Mushikiwabo n’avait pas besoin d’une invitation pour venir à Kinshasa, elle ne fera pas oublier que Christophe Lutundula, le patron de sa diplomatie avait pris l’engagement de lui porter, en mains propres, ladite invitation. La vérité est que des tractations avaient bien été menées pour garantir la sécurité à Mushikiwabo au-delà de la Secrétaire générale de l’OIF qu’elle est.

Car malgré ce statut diplomatique internationale, cette «dame de fer» n’est pas moins une des pièces maîtresses du pré-carré du pouvoir de Paul Kagame dont elle était encore l’intraitable patronne de la diplomatie lorsque Kigali a réussi à la faire placer aux commandes de la Francophonie avant de l’y faire rempiler pour un second mandat. Pas question donc de la laisser se faire essuyer les crampons dans la fournaise ardente de Kinshasa.

Une opinion anti rwandaise sur les travées du Stade des Martyrs

Kinshasa qui, dans le fonds, ne souhaitait pas vraiment avoir dans ses murs un hôte aussi indésirable, surtout lorsqu’il allait falloir gérer l’opinion des travées si libertines du stade des martyrs. Une présence qui n’allait donc pas manquer d’être entachée de manquements diplomatiques. Surtout que la partie congolaise ne tenait pas à rater cette tribune pour dire sa cause dans l’espoir de mobiliser à sa cause l’opinion de la communauté francophone si fragmentée sur la question sécuritaire en RDC et dans les grands lacs.

Ce n’est, en tout cas, pas à Félix Tshisekedi que les obligations d’un hôte allaient être imposées. D’où ce paragraphe bien senti dans son discours lorsqu’il met en parallèle l’amitié des peuples au sein de la Francophonie avec l’agression dont son pays est victime de la part de «pays voisins ».

«Ces neuvièmes jeux sont aussi un symbole fort en ce qu’il représentent la solidarité des francophones avec les Congolais victimes d’une agression injuste à l’Est de notre pays et du pillage massif de nos richesses naturelles par des groupes armés et terroristes de tous bords avec l’appui de pays voisin ».

Par sa part, Mu-shikiwabo a tenu à être de la partie, quoique loin de Kinshasa. Sur son compte Twitter, en effet, la Secrétaire générale de l’OIF revendique sa stature et, comme De Gaulle s’adressant aux français à partir du Londres, galvanise la jeunesse francophone réunie à Kinshasa : «A notre jeunesse francophone : je vous souhaite de magnifiques Jeux de la Francophonie à Kinshasa! Qu’ils puissent incarner l’échange, le partage et la diversité, des valeurs partagées dans tout notre espace francophone ! Mais surtout, que vous puissiez vous dépasser dans toutes les compétitions et profiter au maximum de cet événement qui vous est pleinement dédié». Avant de décrocher un très significatif «On est ensemble !», comme pour laisser entendre qu’elle n’a pas été exclue comme le prétendrait une opinion congolaise.

Décidément donc, la Francophonie est loin d’être un asile de réconciliation pour Kinshasa et Kigali. Déjà en ce qui concerne le processus électoral en cours, les congolais n’avaient pas voulu que le fichier électoral subisse un audit externe de l’OIF qui le faisait pourtant dans les précédents cycles électoraux.

Sous prétexte de la sensibilité que représenteraient les données de ce fichier, la CENI avait fini par emboucher la même trompette des politiques pour défénestrer l’expertise de l’OIF. Simplement parce que celle-ci est aujourd’hui coiffée par une rwandaise.

JDW