La Cour constitutionnelle actionne la procédure «par défaut» : et si le sort de Matata était déjà scellé…

Les juges constitutionnels au procès Matata

Dans le procès Matata, ouvert depuis lors à la Cour constitutionnelle, Dieudonné Kamuleta, son président, a finalement concrétisé sa promesse de poursuivre l’audience, avec ou sans la présence de l’ancien Premier ministre. Malgré l’insistance de sa défense qui a présenté un certificat médical, légalement notarié, Dieudonné Kamuleta n’a pas bougé d’un iota. Matata et ses deux co-accusés, à savoir Deogratias Mutombo mwana Nyembo, ancien gouverneur de la Banque Centrale du Congo, et le sud-africain Christo Grobler, patron d’Africom, seront donc jugés par défaut dans le présumé détournement de 88 millions USD de «Marché international de Kinshasa», un investissement greffé au projet de Parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo.
Dans le procès Matata, mettant en cause l’ancien Premier ministre et ses deux co-accusés, à savoir Deogratias Mutombo mwana Nyembo, ancien gouverneur de la Banque Centrale du Congo, et le sud-africain Christo Grobler, patron d’Africom, entreprise gestionnaire du Parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, la Cour constitutionnelle a décidé, malgré l’opposition de la défense, de passer à la vitesse supérieure.
Dans l’affaire «Marché international de Kinshasa» pour la quelle Matata est accusé d’avoir détourné environ 88 millions USD, la Cour constitutionnelle a décidé, lundi 16 octobre, de juger le Premier ministre «par défaut», quoi qu’absent du pays pour raisons médicales. Les exceptions soulevées par sa défense, avec certificat médical dûment notarié, n’ont donc pas convaincu la Cour qui a opté pour la méthode forte.
A l’audience de lundi, le juge-président Dieudonné Kamuleta a presque donné le ton. La Cour «retient le défaut à l’égard de Monsieur Matata et prie ses avocats de se retirer », a déclaré le président Dieudonné Kamuleta, après une brève suspension de la séance.
Il s’agit d’une «décision inique qui ne préserve pas le droit de la défense», a réagi auprès de l’AFP Me Laurent Onyemba, l’un des avocats de Matata.
Matata Ponyo Mapon, candidat à l’élection présidentielle, sera jugé et condamné. C’est ce qui se profile à la Cour constitutionnelle, commente son équipe d’avocats.
L’un des membres de son collectif d’avocats note ce qui suit : «La violation par la Cour constitutionnelle de son droit à la santé, pourtant garanti par l’article 47 de la Constitution, en dépit de la présentation par ses avocats d’un certificat notarié, est la preuve de plus qu’il n’a pas et n’aura pas droit à un procès équitable. Cet empressement de la Haute Cour ne cache que mal une volonté manifeste d’en découdre avec un adversaire politique. N’oublions pas que la Cour constitutionnelle est partie prenante au processus électoral et que Matata est candidat président de la République».
Quoi qu’il en soit, la Cour constitutionnelle n’est pas prête à suspendre l’instruction. Malade ou pa²s, le président Dieudonné Kamuleta a promis d’aller jusqu’au bojut de la procédure.
Candidat à la présidentielle du 20 décembre 2023, Matata court le risque d’être écarté de la liste, en raison de son procès à la Cour constitutionnelle. «C’est ce qui sera fait. Le juge Kamuleta a été nommé à ce poste pour exécuter cette sentence», a fait part à Econews un haut cadre de LGD (Leadership et Gouvernance pour la Développement), parti politique de Matata Ponyo Mapon.
Pour le moment, Matata Ponyo est en déplacement à l’étranger pour raisons de santé, confirme son entourage. Alors que certaines langues prédisaient déjà son exil pour se soustraire à la justice, son parti, LGD, a catégoriquement rejeté cette thèse. Sans doute qu’à la prochaine audience, Matata sera devant les juges constitutionnels pour plaider sa cause.
Pour rappel, c’est en novembre 2020 que l’Inspection générale des Finances (IGF) avait conclu, dans un rapport, que 205 millions de dollars US sur 285 millions USD décaissés par le Trésor public pour le parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo avaient été détournés, mettant en cause Matata Ponyo Mapon, Premier ministre au moment des faits, comme «auteur intellectuel » de ce détournement.
Le 15 novembre 2021, la Cour constitutionnelle, la plus haute juridiction du pays, qui juge en premier et dernier ressort, sous administration Dieudonné Kaluba, avait estimé qu’elle n’avait pas compétence pour juger un ancien Premier ministre, coupant court aux poursuites contre lui.
En juin 2022, l’affaire était ramenée devant la Cour de cassation qui, le mois suivant, renvoyait l’ancien Premier ministre devant la Cour constitutionnelle pour être jugé à nouveau.
Le 18 novembre 2022, la Cour constitutionnelle, passée entre-temps sous administration Dieudonné Kamuleta, avait fait volte-face, s’estimant désormais «compétente» de juger un ancien Premier ministre. C’est sur base de ce dernier arrêt, censé annuler celui du 15 novembre 2021, que la Cour constitutionnelle juge Matata Ponyo dans l’affaire «Marché international de Kinshasa », malgré la vague de protestations des praticiens du droit.

Francis N.