la RDC réclame 100 millions de dollars US à Glencore, condamné pour corruption aux USA

Condamné aux Etats-Unis à verser des millions de dollars américains pour des faits avérés de corruption dans certains pays, dont la République Démocratique du Congo, le géant suisse de négoce, GLENCORE, n’a rien payé au Gouvernement congolais à titre de réparation. A la Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF), un dossier a été ouvert dans ce sens. L’Etat congolais exige de GLENCORE environ 100 millions USD pour préjudices subis. C’est l’occasion pour la LICOCO (Ligue congolaise de lutte contre la corruption) de demander aussi «la divulgation des noms de ceux que GLENCORE admet avoir corrompu en RDC». Voici le communiqué de la LICOCO.
CONSIDÉRANT
que GLENCORE, une société multinationale de négoce de matières premières et d’exploitation minière dont le siège est à Baar, en Suisse, et qui possède des opérations et des filiales dans divers endroits du monde, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Afrique et en Amérique du Sud, a signé un accord de plaidoyer avec le ministère de la Justice des États-Unis d’Amérique le 24 mai 2022,
CONSIDÉRANT qu’aux termes de l’accord de plaidoyer, qui reste soumis à l’approbation du tribunal, Glencore a plaidé coupable à un chef d’accusation de complot visant à violer le FCPA, a accepté une amende pénale de 428 521 173 $ et a reconnu une responsabilité pénale de confiscation d’un montant de 272 185 792 $. Glencore a également fait l’objet d’accusations de la part du Serious Fraud Office (SFO) du Royaume-Uni et a conclu des résolutions parallèles distinctes avec le Ministério Público Federal (MPF) du Brésil et la Commodity Futures Trading Commission (CFTC).
Selon les termes de l’accord de plaidoyer, les différents ministères ont accepté de créditer à la société plus de 256 millions de dollars de paiements qu’elle effectue à la CFTC, au tribunal du Royaume-Uni ainsi qu’aux autorités suisses, au cas où la société parviendrait à un règlement avec les autorités suisses dans un délai d’un an;
ATTENDU QUE le ministère de la Justice a conclu son accord avec GLENCORE sur la base de plusieurs facteurs, notamment la nature, la gravité et l’omniprésence de la conduite offensante, qui s’est étendue sur une période de 10 ans, dans de nombreux pays, et a impliqué des employés et des agents de haut niveau de la société.
CONSIDÉRANT qu’un avocat du département américain a décrit la portée de l’affaire « Le système de corruption criminelle de GLENCORE est stupéfiant car Glencore a versé des pots-de-vin pour obtenir des contrats pétroliers. Glencore a versé des pots-de-vin pour éviter les audits gouvernementaux. Glencore a soudoyé des juges pour faire disparaître des poursuites judiciaires. Au fond, Glencore a versé des pots-de-vin pour faire de l’argent – des centaines de millions de dollars. Et elle l’a fait avec l’approbation, voire l’encouragement, de ses cadres supérieurs. Les accusations criminelles déposées contre Glencore dans le district sud de New York constituent une nouvelle étape pour montrer clairement que personne – pas même les multinationales – n’est au-dessus de la loi.»
ATTENDU QUE selon le procureur général adjoint Kenneth A. Polite, Jr «Dans l’affaire de corruption à l’étranger, Glencore International A.G. et ses filiales ont soudoyé des intermédiaires corrompus et des fonctionnaires étrangers dans sept pays pendant plus de dix ans. Dans l’affaire de manipulation du prix des matières premières, Glencore Ltd. a sapé la confiance du public en créant la fausse apparence de l’offre et de la demande pour manipuler les prix du pétrole.»
CONSIDÉRANT qu’en ce qui concerne l’Afrique en particulier, GLENCORE admet avoir soudoyé des fonctionnaires en COTE D’IVOIRE, en GUINÉE ÉQUATORIALE, au NIGÉRIA, au CAMEROUN, en RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO et au SOUDAN DU SUD;
ATTENDU qu’en juin 2022, à la suite d’enquêtes menées par le Serious Fraud Office du Royaume-Uni, GLENCORE a plaidé coupable d’avoir versé, par l’intermédiaire de ses employés et de ses agents, des pots-de-vin d’un montant supérieur à 28 millions de dollars pour obtenir un accès préférentiel au pétrole, notamment des cargaisons plus importantes, des qualités de pétrole supérieures et des dates de livraison préférentielles. L’audience de condamnation devant les tribunaux de Londres est fixée au mois de novembre 2022;
CONSIDÉRANT que, dans le cadre de toutes les procédures et démarches mentionnées dans le présent document, de lourdes amendes ont été imposées et que, bien que des détails sur les pratiques criminelles aient été donnés, pas un seul nom des personnes qui ont payé les pots-de-vin ou de celles à qui les pots-de-vin ont été versés n’a été révélé.
ATTENDU que cela ne peut que favoriser l’impunité et encourager d’autres entreprises à faire de même et à accepter de plaider coupable et de payer des amendes qui ne représentent qu’une fraction insignifiante des profits tirés de la corruption mondiale à grande échelle.
CONSIDÉRANT que le Cameroun, la RDC, la Côte d’Ivoire et le Nigeria figurent sur la liste des pays membres de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), qui promeut une gestion ouverte et responsable des ressources pétrolières, gazières et minérales, tandis que GLENCORE figure dans la liste des entreprises soutenant l’ITIE;
ATTENDU qu’au paragraphe 12 de l’accord de plaidoyer signé avec le ministère de la Justice des Etats-Unis (DOJ), GLENCORE s’engage à «… coopérer pleinement avec d’autres autorités et agences nationales ou étrangères chargées de l’application de la loi et de la réglementation, ainsi qu’avec les BMD, dans le cadre de toute enquête sur le défendeur (GLENCORE)», ses filiales ou ses sociétés affiliées, ou l’un de ses dirigeants, administrateurs, employés, agents et consultants actuels ou anciens, ou toute autre partie…
ATTENDU QUE le procureur général des Etats-Unis, Merrick B. Garland, a clairement déclaré que «la règle de droit exige qu’il n’y ait pas une règle pour les puissants et une autre pour les impuissants, une règle pour les riches et une autre pour les pauvres. Le ministère de la Justice continuera à mettre en œuvre ses ressources dans ce type d’affaires, quelle que soit l’entreprise et quel que soit l’individu.»
CONSIDÉRANT que Joseph Biden, Président des Etats-Unis, a publié le 3 Juin 2021 un Mémorandum sur l’établissement de la lutte contre la corruption comme un intérêt fondamental de la sécurité nationale des Etats-Unis sur la base de la politique suivante :
«La corruption sape la confiance du public, entrave la gouvernance efficace, fausse les marchés et l’accès équitable aux services, sape les efforts de développement, contribue à la fragilité nationale, à l’extrémisme et aux migrations, et fournit aux dirigeants autoritaires un moyen de saper les démocraties dans le monde entier. Lorsque les dirigeants volent les citoyens de leur pays ou que les oligarques bafouent l’État de droit, la croissance économique ralentit, les inégalités se creusent et la confiance dans les gouvernements s’effondre».
CONSIDÉRANT que GLENCORE a fait preuve d’un mépris total de la transparence et des ravages sur le développement et la pauvreté résultant du fléau de la corruption en refusant de publier les noms des personnes impliquées dans le vaste système de corruption;
CONSIDERANT que GLENCORE a payé plus d’1 milliards USD à différentes institutions aux USA, UK, Suisse et Brésil pour mettre fin à ce scandale mais n’a rien payé aux pays victimes se trouvant en Afrique dont la République Démocratique du Congo.
CONSIDÉRANT que tous les pays cités par GLENCORE comme faisant partie de ceux dans lesquels des pots-de-vin ont été versés sont tous signataires de la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption qui, entre autres, stipule clairement ce qui suit :
«Préoccupés par les effets négatifs de la corruption et de l’impunité sur la stabilité politique, économique, sociale et culturelle des États africains et ses effets dévastateurs sur le développement économique et social des peuples africains.
Reconnaissant que la corruption sape la responsabilité et la transparence dans la gestion des affaires publiques ainsi que le développement socio-économique du continent;
Reconnaissant la nécessité de s’attaquer aux causes profondes de la corruption sur le continent;
Convaincus de la nécessité de formuler et de poursuivre, en priorité, une politique pénale commune visant à protéger la société contre la corruption, y compris l’adoption de mesures législatives et préventives appropriées;
Déterminés à établir des partenariats entre les gouvernements et tous les segments de la société civile, en particulier les femmes, les jeunes, les médias et le secteur privé, afin de lutter contre le fléau de la corruption»;
CONSIDÉRANT que la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption institue un Conseil consultatif contre la corruption en tant que mécanisme de suivi ayant pour mission, entre autres, de : Conseiller les gouvernements sur la manière de traiter le fléau de la corruption et des infractions connexes dans leurs juridictions nationales ; Collecter des informations et analyser la conduite et le comportement des sociétés multinationales opérant en Afrique et diffuser ces informations aux autorités nationales désignées en vertu de l’article 18 (1) du présent accord».
CONSIDÉRANT que les signataires de la présente déclaration se sont engagés, conformément à la Charte de Transparency …
International, à «prendre des mesures pour combattre la corruption et prévenir les activités criminelles qui en découlent afin de contribuer à l’édification d’un monde dans lequel le gouvernement, la politique, les affaires, la société civile et la vie quotidienne des personnes sont exempts de corruption, en raison du potentiel de la corruption à saper le développement économique, à générer la pauvreté, à favoriser l’instabilité politique et à créer une insécurité mondiale».
Considérant que pour la pleine réalisation de cet engagement, les sections africaines de Transparency International en Afrique dont la LICOCO fait partie;
DÉCLARONS CE QUI SUIT :

  1. SALUONS, le Département de la Justice (DOJ) des Etats-Unis d’Amérique et le Serious Fraud Office (SFO) du Royaume-Uni pour leur ténacité et leur rigueur à demander des comptes à GLENCORE.
  2. RECONNAÎSSONS le fait que les enquêtes approfondies menées par le DOJ et le SFO ont abouti à la reconnaissance de la culpabilité de GLENCORE.
  3. Cependant, nous déplorons le fait que ni les personnes qui ont payé les pots-de-vin, ni les bénéficiaires de ces pots-de-vin n’ont été nommés ou même mis en accusation jusqu’à présent.
  4. DÉPLORONS ÉGALEMENT le fait qu’indépendamment du fait que les documents judiciaires désignent en détail les institutions et les sociétés gouvernementales dont les employés ont été soudoyés dans les pays africains de la Côte d’Ivoire, du Cameroun, du Sud-Soudan, de la Guinée équatoriale, du Nigeria, de la République démocratique du Congo, aucun de ces pays n’a entrepris d’enquêter en interne ni même profité des obligations contenues dans l’accord de plaidoyer avec le DOJ qui oblige GLENCORE à coopérer comme indiqué jusqu’à présent.
  5. APPELLE :
    • Le Gouvernement de la RDC à travers le Parquet Général près la Cour de Cassation à convoquer urgemment GLENCORE et le condamner pour des faits de Corruption
    • Le Parquet Général près la Cour de Cassation à demander à Glencore de citer les noms de toutes les personnes qui avaient été corrompues et les poursuivre en Justice
    • Le DOJ et le SFO à publier les noms de toutes les personnes impliquées dans ce système de corruption sans précédent;
    • Les autorités gouvernementales des États-Unis désignées par le Président des États-Unis dans le Mémorandum sur l’établissement de la lutte contre la corruption comme un intérêt fondamental de la sécurité nationale des États-Unis de 2021, pour faire publier les identités de toutes les personnes impliquées dans le scandale de corruption GLENCORE;
    • Le Cameroun, la République démocratique du Congo, la Côte d’Ivoire, la Guinée équatoriale, le Nigéria et le Sud-Soudan à ouvrir des enquêtes dans leurs pays et à exiger de GLENCORE la publication des noms des personnes impliquées dans le scandale de corruption;
    • L’ITIE doit exiger de GLENCORE qu’il divulgue les noms de toutes les personnes impliquées dans le scandale des pots-de-vin ou qu’il soit suspendu en tant que pays de soutien;
    • Les organisations professionnelles et de la société civile africaines se joignent à la LICOCO pour demander la publication des noms des personnes impliquées dans le scandale de corruption de GLENCORE;
    • La Conférence Internationale Anti-Corruption (IACC) lors de sa 20th édition en décembre 2022 prévue à Washington DC et organisée en partenariat avec le gouvernement des Etats-Unis à demander la divulgation des noms de toutes les personnes impliquées dans le scandale de corruption GLENCORE.
    Fait à Kinshasa, le 10 octobre 2022
    Pour la LICOCO
    Ernest Mpararo
    Secrétaire Exécutif