Le mixage et le brassage concernaient aussi les institutions animées par des civils !

Vital Kamerhe (représentant le pouvoir en place à Kinshasa) et Olivier Kamitatu, représentant la branche politique du MLC de Jean-Pierre Bemba

Quand on parle d’infiltration en RDC, on ne voit que l’armée (FARDC), la police (Police nationale congolaise) et les Renseignements (ANR, DGM et DEMIAP). Les termes désormais à la mode sont «mixage» et «brassage». Les premiers à en parler le plus dans les réseaux sociaux semblent ne pas savoir que ces deux opérations ont concerné également et surtout les Institutions de la République comme l’Assemblée nationale, le Sénat, le Gouvernement ainsi que les Cours et Tribunaux (ceci au niveau national) ainsi que les Gouvernements provinciaux (au niveau

professionnel). Dans l’Administration publique, il y a aussi la Diplomatie, le Portefeuille, les Médias officiels. Les mêmes opérations se sont effectuées en plus sur les Institutions d’appui à la démocratie, en l’occurrence la Commission électorale indépendante (CEI), l’Observatoire national des droits de l’homme (ONDH), la Haute autorité des médias (HAM), la Commission vérité et réconciliation (CVR) et la Commission de l’Ethique et de la Lutte contre la Corruption (CELC).

Pour étaler l’étendue du mixage et du brassage civil, quoi de plus éloquent que l’Accord global et inclusif (Agi) issu du Dialogue intercongolais après Sun City 2 clôturé le 4 avril 2023.

Pour mémoire, le round Sun City 1 s’était tenu du 28 février au 19 avril 2002, jour de signature de l’ Accord de Sun City (baptisé par dérision Accord des Cascades, du nom du complexe hôtelier où il avait été négocié).

N’y ayant pas trouvé leur compte, l’Udps (pour non désignation d’Etienne Tshi-sekedi comme Président de la République) et le Rcd (pour non désignation d’Azarias Ruberwa en qualité de président du Parlement) avaient réclamé un nouveau round. D’où la création de l’Alliance pour la Sauvegarde du Dialogue, Asd. Les parties prenantes vont se retrouver à Pretoria où, à l’issue des négociations, sortira le 16 décembre 2002 l’Accord global et inclusif instaurant le 1+4 (1 Président et 4 Vice-Présidents de la République). Le signataire (sous réserve) pour l’Udps était le conseiller politique d’Etienne Tshisekedi, Valentin Mubake, celui-là même qui dira dans «Le Potentiel» n°3193 du 9 août 2004 à propos des postes : «…Quand nous sommes arrivés à Sun City, nous nous sommes battus non pour avoir des postes, mais pour l’avènement de ce cadre juridico-politique. (…) Nous avons même été plus loin : les différents postes réservés à l’UDPS au gouvernement, à l’Assemblée nationale et au Sénat, nous les avons cédés à ceux qui en voulaient. Nous, ce n’est pas le poste».

Pour rappel, la Transition issue de Sun City 2 avait été enclenchée le 30 juin 2003. C’est-à-dire plus d’une année plus tôt.

OPÉRATIONS NÉGOCIÉES DANS LE CADRE DU ROUND DE PRETORIA

S’agissant de l’Armée, voici ce que les parties prenantes avaient convenu : «A l’issue du Dialogue inter-congolais, il y aura un mécanisme pour la formation d’une Armée Nationale, restructurée et intégrée incluant les Forces Armées du gouvernement de la République Démocratique du Congo, les Forces Armées du Rassemblement Congolais pour la Démocratie et les Forces Armées du Mouvement de Libération du Congo, conformément au point 20 de l’article 3 des principes de l’accord de Lusaka. Dans un souci de paix, d’unité et de réconciliation nationale, le mécanisme précité devra inclure le RCD-ML, le RCD-N et les Maï-Maï, selon des modalités à définir par les institutions politiques de la transition issues du Dialogue inter-congolais. Une réunion des Etats-Majors FAC, RCD, MLC, RCD-N, RCD-ML et Maï-Maï sera convoquée avant l’installation du gouvernement de la transition. Elle procédera à l’élaboration du mécanisme militaire chargé de la formation des autres Etats-Majors jusqu’au niveau des régions militaires».

Faut-il préciser que dans la Constitution de la Transition issue du Dialogue intercongolais, il est clairement spécifié que «l’Accord global et inclusif et la Constitution constituent la seule source du pouvoir pendant la transition en République Démocratique du Congo». Et à son article 190, il est tout aussi clairement spécifié que «Le Conseil supérieur de la défense donne un avis conforme sur la proclamation de l’état d’urgence, l’état de siège et la déclaration de guerre» et que «Sans préjudice des lois en vigueur, le Conseil supérieur de la défense donne un avis sur toutes les matières portant sur : la formation d’une armée nationale, restructurée et intégrée; le désarmement des groupes armés; la supervision du retrait des troupes étrangères; toutes les autres questions relatives à la défense nationale».

858 82
Ernest Wamba dia Wamba (RCD/Goma) et Jean-Pierre Bemba, leader du MLC, alors mouvement rebelle

C’est pour dire que le mixage et le brassage sont des opérations négociées dans le cadre du round de Pretoria suscité par l’ASD et couchées dans l’Accord Global et Inclusif signé par les composantes Gouvernement, RCD/Goma, MLC, Opposition politique et Forces vives (Société civile), de même que par les entités RCD-Kml, RCD-N et Maï-Maï, et avec pour témoins le Président sud-africain Thabo Mbeki et l’Envoyé spécial du Secrétaire général de l’Onu pour les Grands Lacs, le sénégalais Moustapha Niasse.

LA LOGIQUE VA DEVOIR RÉCLAMER AUSSI LA TÊTE DES CIVILS !

Le chapitre III comprend 6 annexes relatives respectivement à la «Répartition des responsabilités», aux «Entreprises publiques», à la «Commission de suivi de l’Accord», à la «Garantie internationale», aux «Questions sécuritaires» et à la « Répartition des responsabilités».

Chacune des composantes et des entités avaient son quota de postes ou de mandats bien défini pour l’Assemblée nationale, le Sénat, le Gouvernement, les Gouvernements provinciaux, les entreprises publiques et la Commission de suivi de l’Accord.

L’Annexe 5 relatives aux «Questions sécuritaires» mérite d’être étalée, elle aussi, pour saisir la dimension du mixage et du brassage. En effet, elle organise la sécurité des dirigeants politiques à Kinshasa, siège des Institutions.

Son premier point est ainsi formulé : «Chaque dirigeant politique aura 5 à 15 gardes du corps pour assurer sa sécurité personnelle. Aucune force armée congolaise supplémentaire ne pourra être acheminée à Kinshasa afin d’éviter toute possibilité de confrontation armée. La réunion des Etats-Majors FAC, RCD, MLC, RCD-N, RCD-ML et Mai-Niai pourra proposer des mesures de sécurité additionnelles pour certains dirigeants selon les besoins».

Son deuxième point est : «Les mesures de sécurité intérimaires suivantes seront mises en place. Une force de police intégrée sera chargée d’assurer la sécurité du Gouvernement et de la population. La Communauté internationale apportera son soutien actif à la sécurisation des institutions de la transition».

Au regard de cette démonstration, le débat en cours sur le mixage et le brassage tel que développé par certaines forces politiques et sociales dans les réseaux sociaux est loin de la réalité et de la vérité des faits. Il est tellement réducteur qu’il traduit une volonté délibérée de manipulation de l’opinion. Car, s’il faut réclamer la tête des militaires, des policiers et des agents de sécurité « infiltrés», la logique réclame aussi la tête des civils !

Et là, tapit un tsunami susceptible d’emporter une bonne partie des forces politiques et sociales, c’est-à-dire de balayer l’ordre institutionnel issu des élections de décembre 2023.

Suivez mon regard !
Omer Nsongo die Lema
@omernsongo
E-mail : [email protected]
Facebook : Omer Nsongo
WhatsApp : +243003833277