Le Niger gagne le premier round de son bras de fer envers la France : Sylvain Itté, le diplomate français, a quitté Niamey

Le diplomate français, natif de Bamako a quitté le Niger, en proie à une crise sans précédent, ce mercredi 27 septembre. Une exigence des militaires au pouvoir à laquelle Paris a fini par céder après plusieurs semaines de bras de fer.
Sylvain Itté a plié bagage. L’ambassadeur français au Niger a quitté le pays ce mercredi 27 septembre, d’après des sources officielles auprès de l’AFP, confirmant une information publiée dans la matinée par RTL. Selon nos confrères, il devrait arriver à Paris dans la journée.
Dimanche soir, le président français Emmanuel Macron avait annoncé le retour à Paris de Sylvain Itté «dans les prochaines heures». Le lendemain, le régime nigérien arrivé au pouvoir par un putsch le 26 juillet avait dit attendre «que cette déclaration soit suivie d’actes officiels émanant des autorités françaises compétentes ».
Les militaires exigeaient le départ du diplomate du pays depuis fin août. Ils lui avaient retiré son immunité et son visa diplomatiques, mais Paris refusait jusqu’ici de le rappeler. La France affirme depuis le coup d’État qu’elle ne reconnaît pas la légitimité des militaires au pouvoir et que son interlocuteur reste le président renversé Mohamed Bazoum.
Né à Bamako en 1959, Sylvain Itté était en poste depuis un an, quasiment jour pour jour, au Niger. Diplomate depuis 35 ans, il a été nommé ambassadeur en Uruguay en 2013, puis été ambassadeur en Angola de 2016 à 2020.

Le terrible aveu d’impuissance de la France
A l’issue d’un bras de fer de deux mois avec le régime militaire nigérien, Emmanuel Macron a finalement annoncé le retour à Paris de l’ambassadeur à Niamey et le retrait du Niger des troupes françaises d’ici à la fin de l’année. Un terrible aveu d’impuissance…
La France va finalement quitter le Niger avec armes (troupes françaises) et bagages (diplomates) après avoir fanfaronné ces deux derniers mois qu’il n’était pas question de céder aux putschistes. Le président français Emmanuel Macron a fini par annoncer dimanche soir lors d’un entretien télévisé le retour à Paris de l’ambassadeur à Niamey et le retrait du Niger des troupes françaises «d’ici la fin de l’année» en concertation avec les putschistes parce que «nous voulons que cela se passe dans le calme». Soit environ 1.500 soldats français dans ce pays sahélien affectés à la lutte anti-djihadiste. Le départ de Sylvain Itté et le retrait des troupes françaises étaient deux demandes du général Abdourahamane Tiani, nouvel homme fort du Niger. Elles avaient été formulées en août par la junte.
«Dans les prochaines heures notre ambassadeur avec plusieurs diplomates rentreront en France», a précisé le Chef de l’État. La France met également fin à sa coopération militaire avec «les autorités de fait du Niger car elles ne veulent plus lutter contre le terrorisme». Cette décision d’Emmanuel Macron met donc fin à la présence des militaires français au Niger «dans les semaines et les mois qui viennent » après leur départ du Mali et du Burkina Faso, où des putschs militaires ont renversé les présidents élus. «Nous ne sommes pas là pour participer à la vie politique pour être en quelque sorte les otages des putschistes », a expliqué Emmanuel Macron, qui s’est entretenu dimanche au téléphone avec le président du Niger «légitime» Mohamed Bazoum, otage de la junte au pouvoir depuis le coup d’État du 26 juillet avec sa famille.

Un message de fermeté qui fait pschitt ?
Mais où est le message de fermeté d’Emmanuel Macron asséné fin août à la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs ? Cette fermeté de la France devait fin août reposer sur «le courage du président Bazoum, sur l’engagement de nos diplomates, de notre ambassadeur sur le terrain, qui restent légitimes, malgré les pressions et malgré toutes les déclarations d’autorités grâce à l’engagement de nos forces de sécurité intérieure et de nos militaires», avait claironné le Chef de l’État. Cette fermeté a fait long feu alors que le président nigérien, élu par son peuple depuis le 21 avril 2021, continue de se battre sur le plan juridique pour faire valoir le droit.
Cette décision de la France fera également peut-être tâche auprès de tous les pays partenaires de la France. «Dans quelle capitale africaine on peut dire qu’on a une politique de partenariat avec un dirigeant si quand il subit cela, on ne peut pas être en soutien ?», s’était alors interrogé fin août Emmanuel Macron, qui s’était permis de faire la leçon aux opinions publiques étrangères qui demandent à la France de quitter le Niger, «de Washington, en passant par d’autres capitales européennes». C’est là le cœur du problème : soit la France signe des partenariats stratégiques avec des pays alliés et s’engage jusqu’au bout, soit elle ne le fait pas parce qu’elle se sait incapable de les respecter. Il en va clairement de la crédibilité de la France dans le cadre de ses partenariats stratégiques (Grèce, Brésil, Émirats Arabes Unis, Inde, Croatie…).

La Cedeao timorée
La France, coincée entre sa volonté d’agir et les critiques pour son paternalisme en Afrique (la fameuse Françafrique), comptait s’appuyer sur une intervention des pays de la la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). « Nous soutenons l’action diplomatique de la Cedeao et militaire quand elle le décidera, dans une approche de partenariat », avait expliqué fin août Emmanuel Macron. Après le coup d’État au Niger, la Cedeao a brandi la menace d’une intervention militaire, dont elle avait annoncé la préparation, pour rétablir l’ordre constitutionnel, libérer le président renversé Mohamed Bazoum et le restaurer dans ses fonctions. Une date de cette intervention serait même prévue. « Nous devons continuer avec force de le soutenir (Mohamed Bazoum, ndlr) et j’appelle tous les États de la région à avoir une politique responsable », avait plaidé Emmanuel Macron. En vain jusqu’ici…
«La faiblesse que d’aucuns ont d’ailleurs montré à l’égard des putschs précédents a nourri des vocations régionales », avait insisté fin août Emmanuel Macron. Il n’a pas été écouté en raison des divisions au sein de la Cedeao et des velléités de certains pays africains. D’autant que le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont signé mi-septembre un pacte de sécurité prévoyant que les trois pays se portent mutuellement secours en cas de rébellion ou d’agression extérieure. Aussi, pour l’heure, la Cedeao, qui a imposé de lourdes sanctions économiques à Niamey, semble privilégier l’action diplomatique. A moins que le retrait français soit une décision tactique dans la préparation d’une intervention militaire au Niger…

Econews