«Loi Tshiani» vs discours de Christian Mwando : attention, danger !

Christian Mwando, cadre de Ensemble pour la République de Moïse Katumbi

S’exprimant à Kalemie dans son Tanganyika natal devant des jeunes membres d’Ensemble pour la République de Moïse Katumbi, le député national Christian Mwando Kabulo a révélé la position de son parti politique sur le projet de «loi Tshiani» sous la forme d’une menace à peine voilée. Usant d’une rhétorique bien rôdée des nostalgiques katangais d’une époque révolue, il a laissé entendre que« dans le cas où la candidature de Moïse Katumbi ne passe pas, les ciseaux vont passer au Katanga ». Expression indiquant que le Grand Katanga pourrait faire sécession et se détacher de la RDC. Car pour le parti politique Ensemble pour la République, la «loi Tshiani» ne vise qu’un seul et même objectif : barrer la route de la présidentielle à l’ex-gouverneur du Katanga, du fait que son père est un étranger.
Au moment où l’opinion publique est tenue en haleine dans l’attente des débats à l’Assemblée nationale autour du projet de loi dite Tshiani, qui entend réserver la fonction présidentielle aux seuls Congolais nés de père et de mère congolais d’origine, un autre son de cloche, tout aussi dérangeant, est venu en rajouter à l’inquiétude ambiante : c’est le discours qualifié de ségrégationniste tenu à Kalemie par le député national Christian Mwando.
Le député d’Ensemble pour la République en tournée dans sa circonscription électorale du Tanganyika a agité des menaces dont l’onde de choc a ébranlé jusqu’au plus haut niveau des institutions nationales à Kinshasa. Et pour cause : il a fait savoir qu’en cas d’adoption de ladite loi à la chambre haute du parlement, écartant de fait Moïse Katumbi de la course à la présidentielle, « les ciseaux seraient activés depuis le Katanga ». En clair, le Grand Katanga serait dès lors amené à se détacher de la RD Congo et à faire sécession.

Réaction mesurée de Patrick Muyaya
Invité lundi à exprimer la position du gouvernement lors du désormais traditionnel briefing de presse, le ministre de la communisation et médias, porte-parole du gouvernement, n’y est pas allé par le dos de la cuillère. Bien au contraire. Patrick Muyaya a attendu la malencontreuse sortie médiatique de Christian Mwando pour s’exprimer.
Tout en reconnaissant à l’élu de Moba le droit légitime d’émettre son avis sur une matière d’intérêt national, il a cependant fait remarquer : «Est-ce que c’est par un discours ségrégationniste qu’il faut répondre à une loi que l’on considère discriminatoire ?».
Pour la énième fois, Patrick Muyaya a répété que l’initiative de la «loi Tshiani» n’est nullement le fait du gouvernement congolais. Elle est, selon le porte-parole du gouvernement, l’œuvre d’un citoyen congolais, comme quiconque, à faire valoir son droit.
«Le gouvernement n’a rien à voir avec la « loi Tshiani », a-t-il martelé. «Ce n’est pas honnête de lier le gouvernement à une initiative portée par un individu bien connu», a-t-il renchéri.
Avant de préciser : «C’est une loi qui est portée par un individu qui a usé de son droit démocratique. Ici ce n’est pas une stratégie du gouvernement porté par le gouvernement pour dire qu’on va adopter cette loi. Je me réserve d’ailleurs de rappeler à ce sujet le point de vue du Président de la République qui est bien connu. Et lorsque nous parlons par exemple du processus électoral, le président a rappelé qu’il s’assurerait que tout congolais puisse avoir le droit de participer. Alors, pourquoi voulez-vous que le gouvernement s’exprime sur un sujet qui démontre à suffisance que la République démocratique du Congo est dans un processus de maturation de sa démocratie. Le moment venu, parce que c’est à l’Assemblée nationale que cela se débat, l’Assemblée nationale consultera le gouvernement pour avis en ce moment-là, le gouvernement pourra se prononcer. Mais le gouvernement ne peut pas commencer systématiquement à se prononcer sur tout le débat qui peut être suscité dans l’opinion et qui fait preuve de la vitalité de notre démocratie ».
Quant au sort qui serait réservé au projet de loi dite «sur la congolité», le membre de l’Exécutif central a préféré botter en touche, indiquant que nul, à ce stade, ne saurait prédire son adoption ou son rejet par la plénière de l’Assemblée nationale. «Les députés nationaux sauront quelle voie donner à la République. Mais nous n’avons aucun intérêt à aller dans le sens des initiatives qui pèchent contre l’unité nationale», a-t-il déclaré.
A la question de savoir ce qu’il pensait de la virulente charge de l’archevêque de Kinshasa contre le projet de « loi Tshiani » qu’il a qualifiée, lors de la messe pascale, d’une loi « qui divise plus qu’elle ne nous unit », Patrick Muyaya a laissé entendre que le cardinal Ambongo ferait œuvre utile en invitant aussi bien Noël Tshiani que Christian Mwando, auxquels il transmettrait son message de paix de vive voix.
Le porte-parole du Gouvernement n’a pas caché son dépit : «Vous avez parlé de l’homélie du cardinal, j’étais à la messe hier et je l’ai entendu, j’espère que le cardinal fera aussi une homélie pour répondre à Christian Mwando qui utilise un discours ségrégationniste pour répondre à un discours discriminatoire. Vous voyez que nous sommes dans le jeu des extrêmes et que si nous n’étions pas dans un contexte démocratique, ah là on dirait, et M. Tshiani et M. Mwando leur place, c’est en prison. Alors parce qu’on a fait le choix de la démocratie, il faut accepter que les opinions s’expriment même si nous ne sommes pas d’accord par rapport au contenu de la loi ».
Une proposition de loi, dite «discriminatoire », face à un discours «ségrégationniste», on est bien en face d’une bombe à retardement. Il est temps que les esprits s’apaisent de part et d’autre pour éviter une éventuelle déflagration, dont les conséquences seront imprévisibles pour l’avenir de la République Démocratique du Congo.

Econews