Mauvaise affectation des fonds BAD : Matata «exhorte» le ministre des Finances à payer la créance due à Congo Challenge

Congo Challenge, un Think tank basé à Kinshasa, continue toujours à réclamer le paiement de ses factures relatives aux quatre études, réalisées suivant une commande en bonne et due forme du Gouvernement.
Tout commence lorsque la pandémie de Covid-19 surgit, début 2020, ramassant tout sur son passage. Ce vent de panique ne va pas épargner l’économie congolaise. Fragile et trop dépendante de l’extérieur, la RDC cherchera à se mettre à l’abri en commandant quatre études sur l’impact du Covid-19 dans différents compartiments de l’économie congolaise. Le choix sera alors porté sur Congo Challenge pour mener ces études.
Depuis lors, trois de ces quatre études ont été livrées au Gouvernement sans que le Gouvernement ne débourse un seul rond au profit de Congo Challenge. Des années passent, maintenant le statu quo dans une affaire où la politique a fini par prendre le relais. A ce jour, Congo Challenge réclame « l’urgence du paiement d’un montant de 1,9 millions USD » pour des études réalisées, «à la demande expresse du Gouvernement en 2020 ».
C’est ce que réclame le sénateur Matata Ponyo Mapon, par ailleurs président du Conseil d’administration de Congo Challenge, dans une correspondance datée du 9 novembre 2022 et adressée au ministre des Finances, ordonnateur des fonds de la Banque africaine de développement (BAD) destinés à la riposte post-Covid.
Pourquoi le Gouvernement tarde-t-il à remettre le bureau Congo Challe-nge dans ses droits? A quel niveau se trouve le blocage ? C’est tout le mystère que tente de comprendre le sénateur Matata Ponyo dans la correspondance au ministre des Finances.
Ancien ministre des Finances sous le régime Kabila, avant de passer à la Primature, Matata Ponyo rappelle à Nicolas Kazadi la procédure en la matière pour autant que les fonds destinés à financer ces quarre études devaient être prélevés sur une ligne de crédit de la BAD.
Enclin au fonctionnement des institutions financières internationales, Matata lui rappelle poliment que « la Banque africaine de développement a déjà décaissé les fonds destinés précisément au paiement de ces études. Malheureusement, ces fonds ont été affectés par le ministère des finances à d’autres fins. Ce qui n’est pas conforme aux exigences de gouvernance à la fois de cette Banque et de notre pays ».
Toutes les démarches menées par Congo Challenge s’étant avérées sans suite, Matata s’étonne que le ministre des Finances bloque ces paiements par le simple fait qu’il se soit déclaré candidat à la prochaine présidentielle.
«Tout en respectant vos convictions, je suis étonné de cette justification d’autant plus que lorsque ces études ont été commandées, le gouvernement savait bien que j’étais actionnaire de Congo Challenge et acteur politique dans l’opposition. Par ailleurs, l’Institution Congo Challenge, dans laquelle je ne preste pas, est une personnalité morale différente de la personnalité physique que je suis. Bien plus, les fonds destinés au paiement de ces études ne sont pas de fonds du gouvernement congolais. Enfin, vous m’avez rassuré vous-même à plusieurs reprises que vous ordonnerez le paiement de ces fonds», écrit-il.
La crédibilité de la RDC étant en jeu dans cette sombre affaire qui remet tout autant en cause le crédibilité du Gouvernement, Matata «exhorte» dès lors le ministre des Finances « à pouvoir payer les fonds destinés à Congo Challenge d’autant plus que vous vous félicitez d’avoir accru significa-tivement les recettes publiques. Il en va de la crédibilité du gouvernement congolais auprès de cette institution africaine, du reste apolitique, qui est astreinte à des exigences de gouvernance stricte que vous connaissez bien en tant qu’ancien économiste au PNUD et actuel gouverneur de la RDC auprès de cette même institution». «Il en va aussi de votre propre crédibilité», lui rappelle le sénateur Matata Ponyo.
Intégralité de la correspondance du président du Conseil d’administration de Congo Challenge au ministre des Finances, Nicolas Kazadi Kadima-Nzuji.
Econews

A Monsieur le ministre des Finances
Concerne : Réclamation du paiement des factures relatives aux quatre études
Monsieur le Ministre,
J’ai l’honneur de vous rappeler l’urgence du paiement d’un montant de 1,9 millions de dollars (USD 1.900.000) en faveur du Bureau d’Études Congo Challenge qui a réalisé, sur demande expresse du gouvernement en 2020, quatre études en rapport avec : (1) la mobilisation des recettes publiques, (2) la diversification de l’économie et le renforcement du secteur privé, (3) l’impact de la Covid-19 sur le secteur minier, et (4) le plan quinquennal de transport.
Pour votre rappel, la Banque africaine de développement a déjà décaissé les fonds destinés précisément au paiement de ces études. Malheureusement, ces fonds ont été affectés par le ministère des finances à d’autres fins. Ce qui n’est pas conforme aux exigences de gouvernance à la fois de cette Banque et de notre pays.
Le Directeur général de Congo Challenge m’a fait rapport sur les multiples lettres qu’il vous a écrites pour solliciter le paiement de ces factures et qui sont demeurées sans suite. Cherchant à savoir pourquoi le paiement n’est pas effectué alors que les études sont terminées, certaines sources fiables m’indiquent que vous refusez de payer parce que le Président du Conseil d’administration de Congo Challenge, que je suis, est candidat président de la République aux prochaines élections de 2023. Et que, tout paiement à ce Bureau d’études est considéré par vous comme l’octroi de moyens de campagne à un candidat-président non membre de la coalition (Union sacrée) au pouvoir à laquelle vous appartenez. Les fonds de la BAD sont donc utilisés comme une arme politique contre les opposants dans le pays.
Tout en respectant vos convictions, je suis étonné de cette justification d’autant plus que lorsque ces études ont été commandées, le gouvernement savait bien que j’étais actionnaire de Congo Challenge et acteur politique dans l’opposition. Par ailleurs, l’Institution Congo Challenge, dans laquelle je ne preste pas, est une personnalité morale différente de la personnalité physique que je suis. Bien plus, les fonds destinés au paiement de ces études ne sont pas de fonds du gouvernement congolais. Enfin, vous m’avez rassuré vous-même à plusieurs reprises que vous ordonnerez le paiement de ces fonds.
Je tiens à vous rappeler que c’est sur base de la crédibilité de la BAD (pourvoyeuse de ressources) que Congo Challenge, avait préfinancé les quatre études dont trois ont déjà été mises à la disposition du gouvernement, la quatrième étant presque terminée. Il est anormal que vous puissiez désaffecter les fonds de la BAD et refuser finalement de payer à Congo Challenge arguant des raisons politiques; ce qui est professionnellement inacceptable.
Je vous exhorte, Monsieur le ministre, à pouvoir payer les fonds destinés à Congo Challenge d’autant plus que vous vous félicitez d’avoir accru significativement les recettes publiques. Il en va de la crédibilité du gouvernement congolais auprès de cette institution africaine, du reste apolitique, qui est astreinte à des exigences de gouvernance stricte que vous connaissez bien en tant qu’ancien économiste au PNUD et actuel gouverneur de la RDC auprès de cette même institution. Il en va aussi de votre propre crédibilité.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma parfaite considération.
Matata Ponyo Mapon
Président du Conseil d’administration de Congo Challenge