Médiateur de la CEEAC, Tshisekedi réconcilie le pouvoir de N’Djaména et l’opposant Succès Masra

L’opposant tchadien, Succès Masra (à gauche du Président Tshisekedi), peur enfin envisager le retour à N’Djamena.

Médiateur de la CEEAC (Communauté économique des Etats de l’Afrique Centrale) dans la crise tchadienne, le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, a réussi un coup de maître en réconciliant les frères ennemis de N’Djaména par la signature, mardi à Kinshasa, d’un accord entre le gouvernement tchadien et l’opposant Succès Masra.
Ce mardi 31 octobre à Kinshasa, un accord a été signé, marquant la fin d’une année d’exil pour l’opposant tchadien Succès Masra, lui ouvrant la voie pour un éventuel retour au Tchad. L’accord a été conclu entre le ministre de la Réconciliation nationale, Abderaman Koulamallah, et l’opposant Succès Masra, sous l’égide du Président de la République, Félix Tshisekedi.
Cet accord a été signé entre le Gouvernement de la Transition de la République du Tchad, représenté par M. Abderaman Koulamallah, ministre de la Réconciliation et de la Cohésion Sociale, et le parti politique «Les Transformateurs», représenté par son président, le Dr. Succès Masra.
L’objectif de cet accord est de faciliter le retour au Tchad du président du parti politique «Les Transformateurs» ainsi que de tous ceux qui avaient été contraints de quitter le territoire tchadien en raison des évènements malheureux survenus le 20 octobre 2022.
La mission de Facilitation de la CEEAC pour le Processus de Transition au Tchad, mené par le Président Félix Tshisekedi, compte sur la bonne foi des parties signataires pour la mise en œuvre effective de cet accord.
Par ailleurs, la mission de Facilitation de la CEEAC a, dans un communiqué, réaffirmé son engagement à accompagner le peuple tchadien dans le processus de décrispation du climat politique en vue de l’organisation d’élections démocratiques, libres, transparentes et apaisées.
Pour rappel, Masra était visé par un mandat d’arrêt international, accusé, entre autres, de tentative d’atteinte à l’ordre constitutionnel et d’incitation à la haine. Ces accusations ont été accentuées suite à la répression sanglante des manifestations du 20 octobre 2022, qui protestaient contre la prolongation de deux ans du mandat du général Mahamat Idriss Déby. Le bilan officiel annonce 73 morts, tandis que la société civile et l’opposition évoquent plus de 300 victimes.
Bien que l’accord constitue une avancée significative, les modalités précises du retour de Masra, les conditions y afférentes et les garanties juridiques demeurent à définir, les deux parties s’étant montrées peu bavards à ce sujet.
Cet accord marque une étape cruciale dans la gestion de la crise tchadienne, et s’inscrit dans les efforts de médiation du président Félix Tshisekedi, initiés en 2021 suite à la disparition du président Idriss Deby.
Toutefois, de nombreux enjeux demeurent, notamment le désaccord persistant entre le pouvoir tchadien et l’opposition concernant l’éligibilité des dirigeants de la transition. Les autorités tchadiennes rappellent cependant que l’ambition de cette médiation est de parvenir à des élections transparentes, apaisées et inclusives à l’issue de la période de transition prévue jusqu’en octobre 2024.
En effet, Succès Masra, l’un des plus farouches opposants tchadiens, est arrivé, samedi 28 octobre à Kinshasa, à l’invitation du Président Félix Tshisekedi. Succès Masra avait quitté le Tchad après la sanglante répression de la manifestation contre le pouvoir de transition du 20 octobre 2022, visé, depuis lors, par un mandat d’arrêt international et a dû repousser son retour à Ndjamena pour laisser la médiation négocier la décrispation.
Samedi 28 octobre, devant la presse, le chef de la diplomatie congolaise, Christophe Lutundula, a reconnu la complexité de la médiation dans la crise tchadienne, alors que Succès Masra est en RDC. Il a évoqué le rôle délicat tenu par Félix Tshisekedi : «Le président est médiateur. Son travail est de recevoir toutes les parties du conflit pour voir ce qu’elles pensent, ce qu’elles proposent comme solutions et les rapprocher.»
Dans le même temps, à Ndjamena, un collectif d’avocats pour la défense du parti Les Transformateurs demande au procureur général, qui a émis le mandat d’arrêt international contre Succès Masra, de le retirer. L’un des avocats, Me Allatan Ndordji, estime au micro de notre correspondant Olivier Monodji que ce mandat est nul : « Nous avons démontré que l’auteur de ce mandat n’a pas le pouvoir de décerner, parce qu’il n’est pas magistrat. Il a quitté la magistrature en 2020, il est investi d’une charge notariale. La procédure même du mandat est fausse, les motifs qui constituent le contenu de ce document ne peuvent pas qualifier l’infraction ou les infractions.»
Pour l’avocat, «les autorités manipulent les institutions pour des règlements de comptes». «C’est déplorable! (…) L’auteur de cet acte doit le retirer, purement et simplement. C’est à la suite de ce mandat d’arrêt que des Transformateurs sont détenus arbitrairement, depuis environ un mois. On se demande s’il faut intenter une procédure contre le ministre et ses subordonnés pour détention arbitraire», précise-t-il.

Hugo Tamusa