Mines et investissements en RDC : officiels américains et chinois se livrent une guerre ouverte

Entre Peter Pham, ancien envoyé spécial des Etats-Unis en République Démocratique du Congo (RDC), et l’ambassadeur chinois à Kinshasa, la guerre est totale. Sur Twitter, les accusations se succèdent donnant la nette impression que deux charognards se disputent un cadavre.

Contrairement aux discours officiels, Américains et Chinois se livrent une guerre frontale et impitoyable en République Démocratique du Congo. Les premiers à dégainer sont des Américains qui sont accusés d’avoir sous-traité la question de l’indexation des Chinois en livrant en pâture leurs investissements, particulièrement dans le secteur minier.

Des reportages visiblement ciblés et orientés ont été réalisés à charge des Chinois présentés comme l’incarnation de la fraude et de la corruption dans le secteur minier congolais.

L’ambassadeur chinois en RDC, Zhu Jing, n’a pas tardé à réagir. « La République Démocratique du Congo ne doit pas être le terrain de combat des grandes puissances. Personne n’a le droit de se servir du pays, un État souverain et indépendant, pour satisfaire ses propres intérêts », a écrit le diplomate sur son compte Twitter.

La réplique des Etats-Unis n’a pas tardé. « Le gouvernement de Kinshasa examine un accord de 2008 qui a donné à la Chine du cobalt et d’autres ressources en échange de neuf (9) milliards de dollars US (réduits plus tard à six (6) milliards de dollars US) en infrastructures, la plupart n’ayant même jamais commencé.

Dans le même temps, les USA ont donné au Congo quelque 12 milliards de dollars US d’aide humanitaire et sanitaire, sauvant d’innombrables vies », a relevé Peter Pham dans son compte twitter.

Entre Washington et Pékin on assiste désormais à une guerre impitoyable. Il faut craindre que la RDC serve finalement de terrain à la grande bataille d’hégémonie que se livre les deux pays.

Grand activiste dans la Société civile, Jean-Claude Katende, président de l’Asadho, ne cache pas ses inquiétudes. Réagissant à la déclaration de l’ambassadeur de Chine en RDC, il note que « ce tweet ci-dessous doit éveiller la conscience de tous les politiciens et citoyens congolais. Ceci nous avertit que la guerre pour le contrôle de nos minerais a déjà commencé ! La République Démocratique du Congo ne doit pas être le terrain de combat des grandes puissances. Personne n’a le droit de se servir du pays, un État souverain et indépendant, pour satisfaire ses propres intérêts ».

Tshisekedi sur une corde raide

Depuis quelque temps, Kinshasa ne cache pas son désir de revoir ses relations avec Pékin par la révisitation du contrat, dit su siècle, signé en 2008 entre les deux pays.

Treize ans après, Kinshasa relève que seuls quelques projets ont été lancés depuis que les deux capitales ont signé leur accord de coopération de 2008, qui prévoyait la construction de bâtiments publics et de routes pour l’équivalent de six milliards Usd.

A ce propos, le Président Félix Tshisekedi a demandé à ses ministres en charge des Mines et des Infrastructures de faire le point sur l’exécution technique et financière de divers projets de construction – dans le cadre de l’accord signé durant le mandat de son prédécesseur, Joseph Kabila.

En 2008, Joseph Kabila avait ouvert des négociations avec la Chine. Il a troqué du cuivre et du cobalt congolais – extraits notamment par la société sino-congolaise Sicomines au Katanga – contre la construction d’infrastructures d’une valeur de 9 milliards Usd, renégociée à 6 milliards Usd en 2009 après quelques pressions du FMI. Deux sociétés chinoises, Sinohydro et CREC (China Railway Engineering Corporation), ont été mandatées pour réaliser ces travaux d’infrastructure.

Le contrat de 2008 prévoyait cependant la construction de plus de 3.500 km de routes, autant de kilomètres de voies ferrées, des infrastructures routières à Kinshasa, 31 hôpitaux de 150 lits et 145 centres de santé étaient prévus. Pas moins de 2.000 logements sociaux dans la capitale et 3.000 en provinces ainsi que deux universités modernes.

            Or, selon une note technique de l’Agence congolaise des grands travaux (ACGT), les projets que les groupes chinois ont menés ne tiennent pas leurs engagements.

«Compte tenu du retard dans la mise en œuvre du projet minier (destiné à rembourser les travaux d’infrastructure via l’extraction de cuivre et de cobalt), l’enveloppe budgétaire globale du programme sino-congolais a été réduite à 1,05 milliard de dollars US», indiquait le document.

Selon l’ACGT, près de 900 millions de dollars US (un montant 10 fois inférieur à ce qui avait été promis en 2008) ont été dépensés pour ces projets achevés et en cours.

La main noire des Etats-Unis

Plusieurs observateurs soupçonnent la main noire des Etats-Unis derrière cette volonté affichée de Félix Tshisekedi à revisiter le contrat de 2008. Ce qui irrite terriblement la Chine qui se livre déjà, ailleurs dans le monde, à une rude bataille avec Washington.

Pour le moment, entre Kinshasa et Pékin, on est encore loin de la rupture. Mais, au niveau de Pékin, le sujet commence sérieusement à gêner.

A Kinshasa, les diplomates chinois s’emploient actuellement à reprendre la communication avec les autorités et à rétablir la collaboration.

A tout prendre, dans la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, la RDC passe pour le dindon, ne sachant par quel bout mener les négociations à son avantage.

Econews