Décidément, le président Rwandais Paul Kagame ne s’attendait pas à avoir en face de lui un président de la RDC, intransigeant et droit dans ses bottes. Face à Félix Tshisekedi, totalement engagé dans la défense de la RDC, Kagame a fini par perdre son sang-froid. Interviewé par Jeune Afrique, il a fini par se lâcher : « Félix Tshisekedi est capable de tout… ». Réponse du berger à la bergère, c’est devant le président du Soudan Sud, en visite à Kinshasa, que Félix Tshisekedi a répondu à l’homme fort de Kigali : « Paul Kagame est un perturbateur. Son régime n’est pas éternel ». Dans les conditions de cette passe d’armes, Luanda a encore du chemin pour une probable rencontre entre Tshisekedi et Kagame.
Les relations diplomatiques entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC) ont récemment pris un tournant tendu, mettant en lumière les différences profondes entre les présidents Paul Kagame et Félix Tshisekedi. Une confrontation inattendue qui a secoué la région des Grands Lacs.
Paul Kagame, président rwandais réputé pour son leadership fort, a été confronté à un Félix Tshisekedi intransigeant et déterminé à défendre les intérêts de la RDC. Lors d’une entrevue accordée à Jeune Afrique, Kagame a laissé échapper sa frustration en déclarant que «Félix Tshisekedi est capable de tout… ».
Ces propos ont mis en lumière les tensions croissantes entre les deux dirigeants.
En réponse, Félix Tshisekedi n’a pas mâché ses mots. Lors de la visite du président du Soudan du Sud à Kinshasa, il a qualifié Paul Kagame de «perturbateur» et a remis en question la longévité de son régime. Cette joute verbale a accentué les tensions déjà palpables entre les deux pays, laissant entrevoir des relations diplomatiques compliquées à l’avenir.
LUTUNDULA REMET UNE COUCHE
Face à cette déclaration de mauvaise foi manifeste, Kinshasa n’a pas tardé à réagir. Par la voix de son vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Christophe Lutundula s’exprimant lors d’un briefing de presse le lundi dernier, les autorités congolaises ont rétorqué qu’en réalité, «c’est lui (Paul Kagamé) qui ne mesure pas les conséquences de ce qu’il fait en hypothéquant l’avenir des peuples, en l’occurrence des Tutsis congolais ».
La déclaration du ministre congolais est intervenue moins d’une semaine après la Tripartite de Luanda (Angola) qui a mis face-à-face les chefs des diplomaties congolaise et rwandaise en prélude à une éventuelle rencontre des présidents Tshisekedi et Kagamé d’une part, et du sommet de la SADDC à Lusaka où les chefs d’Etat de l’organisation sous-régionale ont clairement condamné la position rwandaise prenant ombrage du déploiement de la force SAMIRDC dans l’Est de la République démocratique du Congo, où l’armée rwandaise est présente en appui à la «rébellion» du M23, d’autre part.
La passe d’armes engagée par les deux capitales augure d’un avenir des plus sombres et jette un doute sur la tenue de la rencontre entre les présidents Kagamé et Tshisekedi sous la médiation de l’Union africaine portée par l’Angolais João Lourenço. Il apparait clairement que Kigali n’est pas disposée à mettre en œuvre les conclusions de la rencontre entre Christophe Lutundula et Vincent Biruta en présence du chef de la diplomatie angolaise Téte Antonio.
Le compte rendu de la Tripartie de Luanda, en dépit des engagements pris par la partie congolaise qui s’engageait à mettre en œuvre un Plan de neutralisation des rebelles rwandais des FDLR, présents au Congo depuis 1994, met en demeure le Rwanda à procéder à son désengagement dans l’est de la RDC.
Or, la montée de la tension, quoique verbale, n’est pas de nature à favoriser la mise en application des bonnes intentions exprimées à Luanda. Tout comme la position ferme de la SADC vue d’un mauvais œil à Kigali aurait tendance à pousser le régime de Paul Kagamé à un radicalisme conduisant à un statu quo sur le terrain des opérations dans les zones occupées par le M23 dans le Nord-Kivu.
LUANDA A ENCORE DU TRAVAIL
S’il est à souhaiter dans l’opinion congolaise que les déclarations des uns et des autres ne se limitent qu’à une passe d’armes tendant à renforcer leurs positions respectives lors des négociations ultérieures, il n’en reste pas moins que la redéfinition des rapports des forces réside incontestablement dans un renforcement des opérations militaires sur le terrain et à repousser les velléités expansionnistes du Rwanda dans les régions du Kivu riches en ressources du sous-sol.
Le même rapport des forces exige en outre du pouvoir congolais une approche pragmatique dans sa diplomatie en direction non seulement de l’Union africaine, mais aussi des puissances occidentales dont il n’est un secret pour personne que leurs multinationales alimentent les mécanismes de pillage des ressources naturelles dans l’Est de la République Démocratique du Congo.
La situation a atteint un tel niveau de crispation que toute perspective de rencontre entre Tshisekedi et Kagame à Luanda semble encore lointaine. Les efforts de médiation et de rapprochement devront être déployés pour apaiser les tensions et favoriser un dialogue constructif entre les deux dirigeants.
Econews