Pour une diplomatie plus dynamique

Il est indispensable et urgent que la RD Congo mette en place une stratégie diplomatique adaptée au contexte et à la conjoncture politique, économique et aux impératifs d’une coopération mutuellement avantageuse dans tous les secteurs d’activités. Cela exige l’élaboration préalable et rapide d’une politique de rationalisation consistant à identifier les priorités tant dans le déploiement des représentations diplomatiques et consulaires qu’en matière de coopération.
Le dictionnaire définit la diplomatie comme la connaissance des traditions qui règlent les rapports mutuels des Etats ou l’art de concilier leurs intérêts respectifs. C’est aussi la branche de la science politique qui concerne les relations internationales. La diplomatie est également comprise comme étant la conduite des négociations et de reconnaissance diplomatique entre les personnes, les groupes, les institutions ou les nations en vue de définir et d’aboutir à un accord. Elle correspond, enfin, à la mise en œuvre de la politique étrangère d’un Etat et couvre les rapports mutuels entre les Etats.
C’est ainsi qu’après son accession à l’indépendance, le 30 juin 1960, la RDCongo a été admise comme Etat souverain membrede l’Organisation des Nations Unies. Le pays a, par la suite,établi des relations diplomatiques avec plusieurs Etats à travers le monde.Il a adhéré,en même temps,à de nombreuses organisations régionales et internationales.La RD Congo compte à ce jour une cinquantaine d’ambassades et missions permanentes auprès des Organisations internationales.
A l’échelle continentale, la RDCongo est membre de l’Union africaine, de la SADC, de la CIRGL, de la CAE, de laCEPGL, de la CEEAC, de l’IGAD, du COMESA, del’IBN, etc. En sa qualité de pays membre de l’Organisation des Nations Unies, la RDCongo abrite des représentations des Agences du Système des Nations Unies, notamment le PNUD, l’UNICEF, la FAO, l’OMS, l’OIM, le HCR, l’OIT, l’UNESCO, le Bureau de Droits de l’Homme, lePNUE/FEM, l’OCHA, l’UNOPS, l’UN Habitat, etc. La RDCongo est en coopération avec les institutions de BrettonWoods, à savoir la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International. Elle est membre de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Enfin, bon nombre d’Organisations Non Gouvernementales de portée internationale, telles que le CICR, Interpol, Médecins Sans Frontières, etc. opèrent en RD-Congo en partenariat avec des institutions locales.

PROTECTION ET DEFENSE DE SES INTERÊTS
Quel est l’objectif poursuivi par la RDCongo dans les relations diplomatiques et de coopération qu’elle entretient avec ses partenaires bilatéraux et multilatéraux ?Quel que soit le type de coopération, le principal objectif poursuivi par la RDCongo est et doit être, en termes simples, la protection et la défense de ses intérêts.
Ces intérêts sont multisectoriels et s’étalent sur plusieurs domaines dont la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale, la sécurité, les échanges économiques, le commerce, le développement industriel et technologique, la promotion de la santé, des services et des produits, la négociation des contrats mutuellement avantageux, les droits humains et environnementaux, l’éducation et la culture, la formation et la recherche scientifique, les échanges sportifs, le tourisme, la circulation des personnes et des biens, les questions douanières, etc.

DIFFICULTES CONJONCTURELLES ET EFFORTS CONSENTIS
Dans le contexte socio-économique et politique de l’heure, point n’est besoin de souligner, de prime abord, la situation difficile à laquelle la RDCongo fait face à l’instar de tant d’autres nations en Afrique et dans le monde. Dans le domaine diplomatique, objet de notre réflexion, force est de reconnaître qu’en dépit des restrictions dictées par la conjoncture internationale, des efforts substantiels ont été consentis ces dernières années par la RDCongo pour alléger, tant soit peu, les difficultés récurrentes et quasi-structurelles qui ont longtemps plombé ce secteur. Nous citons, notamment, les difficultés relatives au fonctionnement et à la gouvernance des missions diplomatiques (besoins en formation et recyclage du personnel diplomatique, besoins en équipements de travail et en moyens de déplacement, irrégularité dans la mise à disposition des frais de loyer, de fonctionnement, de salaires des diplomates, etc.). Tout en appréciant, à juste titre, des avancées notoires réalisées dans ce domaine, il sied de souligner que l’irrégularité dans l’acquittement des contributions annuelles de la RD-Congo aux organisations régionales et internationales demeure encore un écueil qu’il faut absolument surmonter.
Il est vrai que les aléas conjoncturels extérieurs auxquels le pays est confronté depuis plus d’une décennieet qui échappent au contrôle du gouvernement expliqueraient, en grande partie, cet état de choses. Est-ce pour autant qu’il faille assister impuissants au dépérissement de la situation et rester les bras croisés devant le ternissement de l’image de marque de la diplomatie congolaise aux niveaux régional et international ? Par ailleurs, la RDCongo devrait-elle forcément continuer à élargir tous azimut le cercle de coopération et de relations diplomatiques et adhérer à toutes les organisations régionales ou internationales au risque de se retrouver dans l’incapacité d’honorer ses engagements vis-à-vis de toutes ces organisations?
La position géostratégique de la RDCongo au cœur du continent devrait-elle servir d’alibi pour l’adhésion du pays à toutes les organisations régionales avoisinantes?
Le moment n’est-il pas venu de procéder à des arbitrages sérieux et à des choix stratégiques appropriés en termes de partenariats et/ou de coopération bi ou multilatérale utiles pour le pays? En clair, quelle stratégie diplomatique et de coopération adopter pour l’atteinte des objectifs que le pays s’est fixés dans ces domaines ?

STRATEGIE DIPLOMATIQUE
En réponse à ces questionnements et à bien d’autres, il nous semble nécessaire et urgent qu’il soit mis en place une stratégie diplomatique adaptée au contexte et répondant, en même temps, aux impératifs d’une coopération mutuellement avantageuse dans tous les secteurs d’activités. A cet égard, la stratégie de  rationalisation  consistant à identifier des priorités, à se focaliser sur l’essentiel et à éliminer toute duplication tant dans le déploiement des représentations diplomatiques qu’en matière de coopération nous paraît appropriée. Cette stratégie passerait par :
1.La mise en place d’un Comité interinstitutionnel chargé de faire un état des lieux exhaustif des activités de diplomatie et de coopération, secteur par secteur;

  1. Ce Comité aurait la charge de procéder à l’identification des domainesde diplomatie et de coopérationdevant être considérés comme prioritaires et indispensables pour le pays. Pour ce faire, il pourrait recourir àcertains outils d’analyse, notamment un tableau matriciel d’analyse comparative des activités diplomatiques et de coopération, secteur par secteur, passant au crible et évaluant les «forces et faiblesses», les «risques et opportunités», les «avantages et inconvénients» de chacune d’elles pour la RD Congo;
  2. Il pourrait, ensuite, procéder à la classification, par ordre de priorité, des domaines de coopération ayant un caractère indispensable et des actions subséquentes à entreprendre à court, à moyen et à long terme en se basant bien évidemment sur les objectifs tels que définis dans le Plan de développement du pays;
  3. Enfin, à partir de ces analyses, le Comité pourrait élaborer un rapport étayé d’arguments solides pouvant servir de document de travail pour permettre au gouvernement de lever des options idoines en vue de la redynamisation de la coopération bi et multilatérale.
    Sur la base de ce travail,le gouvernement pourrait être amené à décider du désengagement et/oudu retrait éventuel de la RDCongo des organisations régionales ou internationales dans lesquelles les intérêts vitaux du pays ne s’avèrent pas très évidents ou ne sont pas suffisamment prouvés.
    Cette démarche présente l’avantage de focaliser et de concentrer l’affectation des ressources de l’Etat, qui sont déjà très limitées, dans des activités diplomatiques et de coopérationqui tiennent comptedu contexte et qui sont en adéquation avec la Vision et les objectifs définis dans le Pland’Action du Gouvernement.De même, cette démarche contribuerait à réduire sensiblement les dépenses publiques des secteurs diplomatique et de coopération et à rendre plus opérationnelle la part du budget national affecté à ce secteur. Cette stratégie pourrait conduire, entre autres, à la réduction éventuelle du nombre de missions diplomatiques et consulaires de la RDCongo au strictnécessaire et/ou au regroupement des juridictions diplomatiques par l’application des principes de subsidiarité et des ambassades non- résidentes.
    Ces actions devraient bien évidemment aller de paire avecle respect des règles de bonne gouvernance, notamment le contrôle strict de l’exécutiondu budget alloué au fonctionnement des ambassades et missions diplomatiques, le paiement régulier des salairesdu personnel diplomatique, le suivi et l’évaluation des activités de coopération, etc.
    Dans lamême perspective, l’adhésion de la RDCongo serait limitée aux seules organisations régionales et/ou internationales où les intérêts stratégiques avéréset les dividendes attendues sont indiscutablement clairs et bénéfiques pour le pays. 
    Enfin, cette démarche contribuerait à rendre plus efficace, plus dynamique, plus attractif et plus compétitif le fonctionnement des missions diplomatiques et consulaires de la RD-Congo. Elle inclurait, entre autres, la mise en place, dans les ambassades congolaises, d’un système moderne, fiable et rapide de gestion des données (digitalisation). Ce système faciliterait l’accès des requérants à toute documentation pertinente sur la RD Congo, aux informations utilessur les institutions congolaises, aux données statistiques, socio-économiques, commerciales, culturelles, industrielles et touristiques sur le pays. De même, des mesures pourraient être prises pourrendre moins lourdes les procédures administrativeset pour assurer la fluidité, la rapidité dans le traitement et la mise à disposition des informations recherchées et imprimer de l’efficacité dans l’organisation interne des services dans les chancelleries congolaises. Pour les mêmes raisons, des réformes pourraient être envisagées (pourquoi pas !) pour rendre moins onéreux le coût d’octroi des visas d’entrée en RD Congo ainsi que les frais d’obtention des divers documents administratifs auprès de nos ambassades, à l’instar d’autres chancelleries des pays africains. L’engouement pour la demande d’entrée en RD Congo des partenaires au développement, des investisseurs sérieux et crédibles, des visiteurs intéressés et des touristes dépend, en partie, de l’efficacité et de la qualité des services offerts par nos missions diplomatiques.
    REDORER DAVANTAGE L’IMAGE DE MARQUE DU PAYS
    Ainsi, à travers ces quelques actions, la RD Congo réussirait-elle à redorer davantage son image de marque à l’extérieur, àfaire entendre davantage sa voix dans divers fora et à faire participer de manière effective ses représentants aux instances de prise de décision dans les organisations régionales et internationales. Le versement régulier par la RD Congo de ses contributions annuelles auprès des organisations internationales qui auront été préalablement et objectivement sélectionnées constituerait, à coup sûr, un message diplomatique fort et une manière adéquate d’honorer les engagements pris par le paysvis-à-vis de ces institutions.
    Le souci exprimé, à travers cet article, n’est autre que celui de vouloir apporter notre modeste contribution à la réflexion sur la meilleure manière de protéger et de défendre les intérêts et l’image de marque de notre pays auprès de ses partenaires extérieurs. La stratégie proposée s’inscritdans une logique de rationalisation dansla gestion des ressources très limitées affectées par le trésor publicà la diplomatie età la coopération dans un contexte conjoncturel socio-économique, politique et sécuritaire difficile.
    Joseph LITITIYO AFATA