Procès Bukanga-Lonzo : Matata envoie la Cour de cassation dans les cordes

Matata Ponyo en aparté avec son avocat, Me Nyabirungu

Après deux reports successifs, le procès mettant en cause l’ancien premier ministre, Matata Ponyo Mapon, dans l’affaire du Parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, a effectivement redémarré, jeudi 14 juillet, à la Cour de cassation. Aux côtés du sénateur Matata, son coaccusé le Sud-africain Christo Grobler, directeur gérant d’Africom Commodities, coactionnaire dans le projet de la province du Kwango, pour lequel un interprète a finalement été commis. Dans le box des accusés, il y avait également Patrice Kitebi, ministre délégué aux Finances au moment des faits. Dans une salle d’audiences à l’ambiance électrique, la défense de Matata a littéralement acculé les juges de la Cour dans les cordes, les contraignant à renvoyer l’affaire à la huitaine. Au regard des exceptions soulevées par la défense, la Cour s’est donné jusqu’au 21 juillet prochain pour rendre son verdict.

Interrogé à la sortie de l’audience, Me Laurent Onyemba, l’un des conseils de Matata Ponyo, a évoqué un «réquisitoire bâclé » du procureur général près la Cour de cassation. Dans les faits, il s’est plus agi, selon lui, d’une «narration en lieu et place d’un réquisitoire dans les règles», la Cour de cassation étant en difficulté pour expliquer par des arguments juridiques fondés sur la loi le mécanisme par lequel l’affaire dont la Cour constitutionnelle s’était dessaisie pour «incompétence» s’est trouvée dévolue à une juridiction inférieure qui se trouve ne pas être le juge naturel habilité à engager des poursuites à l’encontre d’un ancien Premier ministre pour des actes posés au cours de son mandat.

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Me Laurent Onyemba n’a laissé aucun répit à la Cour

Par la suite, les débats ont porté sur la sempiternelle question de l’irrégularité de la levée de l’immunité parlementaire du sénateur Matata en violation manifeste des textes légaux et réglementaires, sans omettre la confusion dans la demande de l’autorisation à engager des poursuites – une procédure tout aussi irrégulière, et qui risque de créer une mauvaise jurisprudence.

«Les faits relèvent de la qualité d’un ancien Premier ministre et non d’un sénateur. Dans un Etat de droit, pour qu’une personne soit jugée, il faut qu’on ait dans la loi, lever l’option sur le juge compétent, mais aussi sur la procédure pour le poursuivre. Pour le cas de Monsieur Matata, il n’y a aucune disposition de notre pays qui soutient justement le fait qu’il peut être justiciable devant la Cour de cassation pour le fait qui relève de sa qualité d’un ancien Premier ministre. Nous avons déroulé une batterie d’exceptions devant le juge de cassation pour lui montrer que le fait pour lequel que Monsieur Matata est poursuivi ne relève pas de sa qualité de sénateur, mais plutôt du Premier ministre », a rappelé Me Laurent Onyemba.

Aussi est-il d’avis que la Cour de cassation est incompétente à adresser une citation à comparaître à un ancien Premier ministre. D’où la sérénité affichée par la défense qui reste plus que confiante pour la suite de l’affaire renvoyée au 21 juillet 2022.

Le moins que l’on puisse dire est que la Cour de cassation se trouve dans un grand embarras. Il s’agit pour elle de résoudre l’équation d’expliquer à l’opinion, dans le cas d’une condamnation de Matata dont le dossier est manifestement vide, les arguties juridiques qui ont conduit à la relaxe de Vital Kamerhe dont l’insuffisance de preuves de détournements dans «l’Affaire des Cent Jours» avaient emporté la conviction intime des juges.

M.M.F.