Prof Nyabirungu : «La Cour de cassation se déclarera incompétente de juger l’ancien Premier ministre Matata»

Dans le procès mettant en cause l’ancien Premier ministre, Matata Ponyo Mapon, dans l’affaire du Parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, la Cour de cassation est encore à la recherche de sa compétence pour évoluer dans sa démarche. Coincée par les exceptions soulevées par la défense de l’ancien Premier ministre, et de ses deux co-accusés, Patrice Kitebi, ministre délégué aux Finances au moment des faits, et le Sud-africain Christo Grobler, la Cour de cassation devra attendre l’avis de la Cour constitutionnelle sur l’esprit et la lettre de l’article 162 de la Constitution. Elle devra aussi trouver des réponses claires, juridiquement inattaquables, à toutes les exceptions lui présentées par la défense. Elle aura du mal à échapper, pense l’avocat conseil du Sénateur Matata Mponyo Mapon, le professeur émérite Nyabirungu mwene Songa.
Au cours de la conférence de presse qu’il a animée, le lundi 8 août 2022, dans la salle Salonga du Pullman Hôtel (Kinshasa), le professeur Nyabirungu a demandé à la Cour de cassation de ne pas s’ériger en une juridiction de recours contre les arrêts de la Cour constitutionnelle, rappelant que « les arrêts de la Cour constitutionnelle n’étant susceptibles d’aucun recours, étant immédiatement exécutoires et obligatoires, et s’imposant aux pouvoirs publics, à toutes autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires, ainsi qu’aux particuliers, conformément à l’article 168 de la Constitution ». Le prof Nyabirungu est d’avis que « des magistrats de si haut niveau ne devront pas rester sourds à des notions aussi essentielles que l’Etat de droit, que la légalité, que la compétence d’attribution, que des immunités des Sénateurs ». Et de conclure : « La Cour de cassation se déclarera incompétente. La survie de l’Etat de droit dépend aussi de l’aboutissement de ce procès ».
Après la tribune du professeur Auguste Mampuya Kanunk’A-Tashiobo, le professeur Nyabirungu embraie sur le même sujet.
Tighana MASIALA

Conférence de presse du professeur Nyabirungu mwene Songa

Mesdames et Messieurs de la presse;
Chers journalistes et chers invités;
Nous sommes heureux de vous recevoir ce jour dans ce beau cadre de l’hôtel PULLMAN et tenons à vous remercier d’avoir bien voulu accepter de répondre à l’invitation de l’Honorable Sénateur MATATA PONYO MAPON et ce, malgré vos multiples occupations.
La conférence de presse que nous tenons ce jour a pour objectifs de :

  • Faire le point sur les poursuites judiciaires engagées contre l’Honorable Sénateur MATATA PONYO MAPON;
  • Relever les incertitudes procédurales dont est émaillé le procès.
    Permettez-nous de dire d’abord un mot sur l’Honorable Sénateur MATATA PONYO MAPON.
    Lors du lancement de la procédure des poursuites par le Procureur Général près la Cour constitutionnelle contre l’Honorable Sénateur MATATA PONYO MAPON, celui-ci bénéficiait de l’accueil et de l’hospitalité de la part des Autorités guinéennes de CONAKRY, qui tenaient à profiter de sa grande expérience en matière de l’économie et de la bonne gouvernance.
    Dès qu’il avait appris que la justice de son Pays avait besoin de lui, il a pris le premier avion pour Kinshasa, et a répondu positivement à la justice de son pays
    Tout récemment, après avoir appris que la Cour de cassation, malgré l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 15 novembre 2021, avait à son tour besoin de lui, il a interrompu son séjour pour soins médicaux aux Etats-Unis et, de nouveau est revenu, avec confiance et courage, devant la justice pénale de son Pays.
    Vous constaterez donc que l’Honorable Sénateur MATATA PONYO MAPON n’a jamais eu l’intention de se soustraire à la justice de notre pays en laquelle il a toujours cru.
    Et contrairement à certains commentaires qu’on entend ça et là, le Sénateur MATATA PONYO MAPON n’a jamais cherché à échapper à la justice, mais a toujours demandé à celle-ci de demeurer équitable par le respect de règles de procédures définies dans notre Constitution et dans notre Code de Procédure Pénale, ayant toujours présente à l’esprit cette pensée de Benjamin CONSTANT : « Ce qui préserve de l’arbitraire, c’est l’observance des formes. Les formes sont les divinités tutélaires des associations humaines; les formes sont les seules protectrices de l’innocence, les formes sont les seules relations des hommes entre eux (…). C’est aux formes seules que l’opprimé peut en appeler » (Benjamin CONSTANT, Principes de politique, chapitre XVIII, De la liberté individuelle, de la liberté chez les modernes, Paris, Pluriel, pp.408-415, spécialement p.411, Cité par Franklin KUTY, Justice Pénale et Procès équitable, Volume 2, Edition Larcier, Bruxelles, 2006, p.6).
    La défense devant la Cour de cassation, soulevé dix (10) exceptions dont 4 relatives à l’incompétence de la Cour de cassation, et six relatives à l’irrecevabilité de l’action publique.
    A l’audience du vendredi, 22 juillet 2022, la défense s’attendait à ce que les exceptions soulevées reçoivent une réponse appropriée avec la conséquence que la procédure s’arrêtait si l’une des exceptions était retenue, ou alors que la procédure suivait son cours en abordant le fond de l’affaire. Rien de tout cela n’arriva et on assista plutôt à un prononcé d’un arrêt qui ordonnait la surséance au double prétexte que, d’une part, il y avait une exception implicite d’inconstitutionnalité et que, d’autre part, il y avait une requête adressée à la Cour constitutionnelle en interprétation de l’article 162 de la Constitution. Cela ne pouvait que susciter des interrogations, aussi bien au sein de l’opinion publique que de la part des parties à la procédure.

EXCEPTION DE L’INCONSTITUTIONNALITE
Face à ces exceptions d’incompétence, la Cour de cassation retient que cette exception est en réalité une exception d’inconstitutionnalité réclamant l’application de l’article 162 de la Constitution.
Il importe ici de préciser qu’aucun prévenu n’a soulevé l’exception d’inconstitutionnalité et n’a saisi la Cour constitutionnelle à cet effet. Les prévenus n’ont jamais évoqué l’article 162 de la Constitution et n’en ont jamais réclamé l’application devant la Cour de cassation. Il s’agit d’une initiative exclusive de la Cour de cassation, telle qu’elle est formulée dans l’arrêt sous RP.09/CR du 22 juillet 2022.
Or, aux termes mêmes de l’article 162 en ses alinéas 3 et 4, une juridiction, en l’occurrence la Cour de cassation, ne sursoit à statuer et ne saisit, toutes affaires cessantes, la Cour constitutionnelle que lorsqu’une des parties a préalablement saisi la Cour constitutionnelle par la procédure de l’exception de l’inconstitutionnalité.
Par ailleurs, un de nos publicistes internationalistes, nous avons cité le professeur Auguste MAMPUYA KANUNK’a-TSHIABO n’a pas manqué, à ce sujet, de relever ce qui suit : «Il est difficile de comprendre la décision de la Cour, dont l’unique point du dispositif dit qu’elle sursoit de statuer dans cette cause et saisit la Cour constitutionnelle. Normalement, les paragraphes qui précèdent le dispositif devraient expliquer la démarche du juge qui le conduit à la ou aux décisions figurant dans le dispositif; ils doivent exposer la motivation du dispositif, consistant à analyser juridiquement les moyens juridiques avancés par les parties, le Ministère public et le défendeur et fondant pourquoi le juge rejette tels arguments en retenant tels autres et construit son propre raisonnement et justifie sa propre décision. Ici, la Cour aurait dû examiner l’exception telle que l’a formulée la défense et expliquer pourquoi elle accepte ou rejette cette exception; avec la conséquence qu’en cas de rejet, le procès reprendrait pour alors examiner l’affaire dans le fond les faits reprochés à Monsieur MATATA, les infractions alléguées contre lui, tandis qu’en cas d’acceptation que l’exception est fondée, la Cour aurait dû mettre fin au procès engagé devant elle contre l’ancien Premier Ministre» (MAMPUYA, «L’Arrêt avant-dire droit RP.09/CR de la Cour de cassation dans l’affaire MATATA ou le miracle des noces de Cana, la transformation de l’eau en vin (Evangile de Jésus-Christ selon Saint Jean, 2 : 7 et 8 »).
Il faut donc constater que la surséance ordonnée par la Cour de cassation n’a pas de fondement constitutionnel dans la mesure où l’exception qu’elle invoque n’a pas été soulevée par une des parties à la procédure engagée.
A la limite, on peut même dire que la Cour de cassation, en se prononçant sur ce qui ne lui a jamais été demandé, a statué ULTRA PETITA.

REQUETE EN INTERPRETATION
A la lecture de l’arrêt avant dire droit rendu sous RP.09/CR du 22 juillet 2022, il apparait clairement qu’à partir de cette initiative qui lui est propre, la Cour de cassation saisit en réalité la Cour constitutionnelle en interprétation de la Constitution.
Il suffit de nous référer aux termes mêmes de l’arrêt en question : «Par ailleurs, se fondant sur les dispositions des articles 80 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à sa procédure et 108 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, elle demande à cette haute juridiction de lui donner la portée exacte de ces deux expressions «dans l’exercice de ses fonctions» et «à l’occasion de l’exercice de ses fonctions» en ce qui concerne les poursuites engagées actuellement contre le Sénateur MATATA PONYO MAPON Augustin pour les actes posés dans la période où il exerçait effectivement les fonctions de Premier Ministre ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ».
Or, la Constitution en son article 161, alinéa 1er, a donné et verrouillé la liste des institutions et personnalités ayant qualité pour saisir la Cour constitutionnelle en interprétation de la Constitution.
Il s’agit : «Du Président de la République, du Gouvernement, du Président du Sénat, du Président de l’Assemblée Nationale, d’un dixième de membres de chacune de chambres parlementaires, de Gouverneurs de Provinces et des Présidents des Assemblées provinciales».
De cette disposition constitutionnelle précitée, il est évident que la Cour de cassation n’y apparait pas et n’a donc ni qualité ni compétence de saisir la Cour constitutionnelle en interprétation de la Constitution.
Dans l’étude déjà citée du professeur MAMPUYA, celui-ci est catégorique : «La Cour de cassation ne peut pas saisir la Cour constitutionnelle … en interprétation». Procéder ainsi le serait en violation de la lettre et de l’esprit de la Constitution.
Par conséquent : «à mon avis, la Cour constitutionnelle devrait déclarer irrecevable pour défaut de qualité la demande en interprétation formulée par la Cour de cassation. Mieux, tout simplement, la Cour de cassation n’aurait pas dû tenter cette voie qui lui est refusée … En essayant d’assimiler l’exception d’incompétence à une exception d’inconstitutionnalité, pour en réalité demander à la Cour constitutionnelle l’interprétation d’une disposition de la Constitution, la Cour de cassation commet un détournement de pouvoir » (Loc.Cit).
Cette saisine en interprétation n’ayant aucun fondement constitutionnel, devra nécessairement et utilement être rejetée par la Cour constitutionnelle.
On peut se poser la question de savoir si, par le prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation du 22 juillet 2022, la Cour constitutionnelle est automatiquement saisie ou s’il faudra que la Cour de cassation rédige à l’intention de la Cour constitutionnelle une requête en interprétation d’une disposition constitutionnelle. Une telle requête devra néanmoins être rejetée, car présentée par une institution judiciaire sans qualité.
De même, la question se pose de savoir si la réponse à la requête de la Cour de cassation supposera au préalable un débat public et contradictoire entre les parties au procès aux fins de permettre aux prévenus d’exercer leurs droits de la défense qui sont, nous tenons à le rappeler, des droits non-dérogeables, conformément à l’article 61, point 5 de la Constitution.

SUITE A RESERVER PAR LA COUR CONSTITUTIONNELLE A LA LUMIERE DE SA JURISPRUDENCE
Sans préjuger de la suite que la Cour constitutionnelle réservera à la requête de la Cour de cassation, nous tenons à préciser que dans son arrêt RP.0001 du 15 novembre 2021 et dans celui sous R.CONST.1800 du 22 juillet 2022, la Cour constitutionnelle a déjà circonscrit un certain nombre de questions que se pose aujourd’hui la Cour de cassation et auxquelles elle a déjà donné sa réponse.
Il s’agit notamment :

DE L’ETAT DE DROIT
-« Dans le contexte congolais, la Constitution garantit, tant dans son préambule que dans son dispositif, entre autres valeur : l’Etat de droit, la démocratie pluraliste et les droits humains. La Cour constitutionnelle s’est aussi fondée sur cette position afin de préserver le règne du droit qu’incarne l’Etat de droit lequel repose sur trois piliers, à savoir : un ordre juridique relativement centralisé et hiérarchisé ayant pour clé de voute la loi fondamentale, la soumission de tous, personne privée et organe public au droit et la sanction de toute violation du droit » (R.CONST.1800, du 22 juillet 2022, page 15).

  • La Cour constitutionnelle « relève que telle que conçue, la Constitution du 18 février 2006 ne permet à aucun pouvoir organisé par elle de porter atteinte ni aux droits fondamentaux, ni à l’équilibre du système démocratique ou à l’équilibre des pouvoirs, ni à l’Etat de droit, sinon son écriture même ne serait qu’une farce absurde et qu’elle serait vide de sens et d’essence…
    Il est évident que le constituant n’a pas entendu laisser libre champ aux organes juridictionnels de porter atteinte aux valeurs fondamentales de l’Etat moderne telles que garanties par la Constitution de la République. Et la Cour, comme garde-frontière, a été instituée pour placer des digues afin d’éviter les débordements dans l’œuvre normative de toute autorité publique. A ce titre, elle est un instrument de réalisation et de garantie de l’Etat de droit, le dernier rempart, l’ultima ratio pour la préservation de l’Etat de droit qui emporte la soumission de tous, particuliers et institutions publiques, aux seuls règne et autorité du droit » (R.CONST.1800, du 22 juillet 2022, page 6).
    La proclamation, dans la Constitution, d’un Etat de droit est une condition nécessaire, mais non suffisante, de son existence. Il faut encore que cette proclamation soit suivie de bonnes pratiques et de politiques publiques qui garantissent la liberté des citoyens, jugulent l’arbitraire, l’abus, le détournement et l’excès du pouvoir et, enfin, concourent à la protection et à la promotion du bien commun. Plus grand sera l’écart entre le principe de l’Etat de droit et sa mise en œuvre, plus vite sera constatée l’autocratie aux dépens des droits et libertés du citoyen.

PRIMAUTE DE LA CONSTITUTION SUR TOUTES LES AUTRES REGLES

  • Pour la Cour constitutionnelle, «affirmer le primat de la Constitution sur toutes les autres règles juridiques matérielles dérivées ne va pas sans que certains mécanismes de contrôle soient mis en œuvre pour que ce principe de suprématie de la loi fondamentale ne demeure pas lettre morte, d’où le mécanisme de contrôle de constitutionnalité, facteur limitatif des excès de pouvoir de tous les pouvoirs institués, donne la possibilité d’écarter les actes inconstitutionnels de l’ordre juridique, la Constitution étant l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin de ce dernier» (R.CONST.1800 du 22 juillet 2022, page 5).
    C’est lorsque la Cour constitutionnelle exerce toutes ses compétences et rien que les compétences que lui donne la Constitution qu’elle assume et assure la primauté de la Constitution sur toutes les autres règles de droit.

DU PRINCIPE DE LA LEGALITE
«La Cour précise que l’exigence du principe de la légalité concerne aussi la procédure, ce qui revient à dire que ce principe exige que la procédure pénale à appliquer contre un justiciable doit être celle expressément prévue par les textes constitutionnels et législatifs en vigueur. De même, il n’y a pas de juge ou de juridiction sans la loi. Ce qui veut dire qu’une personne ne peut être poursuivie que devant une juridiction préalablement connue dans un texte de loi. Il s’agit là d’un principe constitutionnellement garanti par l’article 17 alinéa 2ème de la Constitution » (15ème feuillet de l’arrêt sous RP.0001) ;
Nous citons l’article 17 alinéa 2 : «Nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné qu’en vertu de la loi et dans les formes qu’elle prescrit ».
Le principe de la légalité est traduit par cette maxime latine : « Nullum crimen, nulla poena, nemo judex sine lege» : Nul ne peut être poursuivi qu’en vertu d’une règle de droit pénal préexistant à son acte. Le juge ne peut considérer comme infraction un fait que la loi ne définit pas comme tel, quelle que soit par ailleurs son appréciation personnelle sur la valeur morale de l’acte, quel que soit par ailleurs le dégoût que cet acte peut inspirer (M.L RASSAT, Droit pénal général, Collection Cour Magistrale, Edition Ellipse, Paris 2004, Cité par NYABIRUNGU, Droit pénal général, Editions Universitaires Africaines, 2007, page 55).
Toujours dans le cadre du principe de la légalité, nul ne peut être poursuivi que dans la forme prescrite par la loi. Il n’y a pas de juge ou de juridiction sans loi.

DU PRINCIPE DE LA COMPETENCE JURIDICTIONNELLE D’ATTRIBUTION
«La Cour relève que la compétence juridictionnelle étant d’attribution, le Prévenu MATATA PONYO MAPON Augustin, qui a cessé d’être Premier ministre en fonction au moment où les poursuites contre lui sont engagées, doit être poursuivi devant son juge naturel, de sorte que, autrement il serait soustrait du juge que la Constitution et les lois lui assignent, et sont en violation de l’article 19, alinéa 1er de la Constitution » (RP.0001 du 15 novembre 2021, 15ème feuillet), §3;
Nous citons l’article 19, alinéa 1er : « Nul ne peut être ni soustrait ni distrait contre son gré du juge que la loi lui assigne ».

DE L’INTERPRETATION STRICTE DU DROIT PENAL
«La Cour rappelle que la théorie de l’interprétation du droit pénal est marquée par le caractère strict de l’interprétation et, est basée sur le principe de la légalité des délits et des peines. De même, la procédure pénale est caractérisée par le principe selon lequel la loi doit être prévisible et accessible. Une décision judiciaire condamnant un prévenu au mépris de ce principe ne peut être régulière » (RP.0001, du 15 novembre 2021, 15ème feuillet, §5).
Ce principe est une conséquence de la légalité du droit pénal. Il signifie qu’un fait ne rentrant pas dans les termes de la loi pénale ne peut être puni sous prétexte qu’il présente une similitude fondamentale avec un autre fait réprimé par elle, ou pour le motif que son impunité constituerait une lacune dangereuse pour l’ordre public. C’est en application de ce principe que l’interprétation analogique est prohibée (NYABIRUNGU, op.cit, page 74).
Il résulte de ce qui précède que selon l’appréciation de la Cour constitutionnelle et à l’état actuel de la Constitution et des lois de la République, aucun texte ne prévoit la procédure pénale à appliquer contre un ancien Premier Ministre, ni aucune juridiction compétente pour le juger pour des infractions politiques ou de droit commun commises dans l’exercice de ses fonctions ou à l’occasion de l’exercice de celles-ci.
La personne du Premier ministre (qualité) échappe aux juridictions de l’ordre judiciaire, y compris la première d’entre elles, suivant cette interprétation de la Cour constitutionnelle : «Elle (la Cour) observe que l’article 164 reconnait au Président de la République et au Premier ministre un privilège de juridiction tout simplement parce qu’il s’agit d’une question présentant un caractère politique trop accentué pour être examinée par une juridiction de l’ordre judiciaire. En plus, il est nécessaire que le Président de la République ou le Premier ministre soit à l’abri de poursuites comme tout citoyen, qui empêcheraient l’exercice des pouvoirs que leur confère la Constitution » (RP.0001 du 15 novembre 2021, treizième feuillet).

CONCLUSION
Nous concluons en disant que les arrêts de la Cour Constitutionnelle n’étant susceptibles d’aucun recours, étant immédiatement exécutoires et obligatoires, et s’imposant aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires, ainsi qu’aux particuliers, conformément à l’article 168 de la Constitution, la Cour de cassation devra éviter de s’ériger en une juridiction de recours ou de renvoi contre les arrêts de la Cour constitutionnelle, et voudra bien se déclarer incompétente pour ces motifs.
Par conséquent, nous considérons que la Cour de cassation n’est pas le juge naturel d’un Premier ministre honoraire et se déclarera incompétente vis-à-vis d’un Premier ministre honoraire.
Quelle que soit la juridiction qui prétendra juger l’ancien Premier Ministre MATATA PONYO MAPON, on doit se rendre à l’évidence qu’aucune juridiction ne peut le juger alors qu’il est Sénateur en plein exercice de son mandat et dont les immunités n’ont jamais été levées.
En tout état de cause, la Cour de cassation n’ayant ordonné que la surséance, elle demeure seule saisie de l’affaire Bukanga Lonzo et le moment venu, elle se souviendra de la primauté de l’Etat de droit, de la suprématie de la Constitution et de la légalité des infractions, des peines et de procédures.
Mesdames et Messieurs de la presse,
Nous vous remercions pour votre attention soutenue et nous nous mettons à votre disposition pour répondre à vos questions s’il y en a.
Professeur NYABIRUNGU mwene SONGA