RDC : Félix Tshisekedi à l’heure du bilan

A huit mois des élections, un sondage s’est penché sur l’opinion que se font les Congolais de l’action du président et de son gouvernement. Près de 60% des personnes interrogées estiment que «le pays va dans la mauvaise direction».
Les attentes étaient fortes… la déception aussi. L’arrivée à la tête du pays de l’opposant Félix Tshisekedi, dans des conditions contestées, avait suscité beaucoup d’espoirs. Il faut dire qu’après 17 années d’un pouvoir sans partage de Joseph Kabila, la République Démocratique du Congo (RDC) n’avait toujours pas décollé économiquement, et le quotidien des Congolais ne s’était jamais amélioré. Félix Tshisekedi avait promis de s’attaquer au chômage, à la pauvreté, à la corruption, au manque d’infrastructures et à l’insécurité endémique à l’Est du pays. Un peu plus de 4 ans plus tard, le bilan est bien mince, et la déception est en rendez-vous.

Un trop-plein de promesses
Le sondage réalisé par le Groupe d’étude sur le Congo (GEC), Ebuteli et le bureau d’études Berci indique que 57,16% des Congolais interrogés considèrent que «les choses vont dans la mauvaise direction». Selon Jacques Mukena, chercheur pour Ebuteli, «Le quinquennat du chef de l’État a commencé avec des projets ambitieux promettant de changer le quotidien de la population en un temps record : projets de 100 jours, programmes d’assainissements, nouveaux avions pour Congo Airways, etc. Aujourd’hui, la corruption, la mégestion, le manque de planification ou de volonté politique freinent la tenue de ces promesses ».

Tshisekedi toujours fort dans les Kasaï
Dans un contexte pré-électoral tendu, où la présidentielle est théoriquement prévue pour le 20 décembre si la situation sécuritaire s’améliore à l’Est, la confiance dans le président Tshisekedi reste pourtant forte dans son fief des Kasaï. Le taux de satisfaction est très élevé au Kasaï (95,24 %), Kasaï-Oriental (86,34 %), et Lomami (70,16 %), ce qui n’est pas le cas dans les provinces du Haut-Katanga (26,61 %), Haut-Lomami (13,10 %), Maniema (8,54 %), Bas-Uele (6,90 %) et Kwilu (0,86 %).

Des promesses qui «n’ont rien changé»
L’étude d’opinion relève également que les Congolais ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour améliorer la situation du pays, à près de 58%. «Pour la même question, 19,55 % de l’opinion consultée estime qu’il faut une intervention divine», note le sondage. Malgré les multiples programmes de développement (programme des 100 jours, projet Tshilejelu, programme des 145 territoires…), 54,35 % des Congolais interrogés affirment que ces promesses «n’ont rien n’a changé», et 27,45 %, que la situation «a empiré ».

L’IGF sauve l’honneur
« Aucun service public ne donne satisfaction» estiment également les sondés. Seuls 39,23 % des répondants pensent que le secteur de l’enseignement «fonctionne bien». «Les plus faibles taux de satisfaction sont enregistrés en matière d’assainissement (2,75 %), de transport public (5,31 %) et de sécurité (9,53 %) ». Une institution trouve tout de même grâce aux yeux de la population, il s’agit de l’Inspection générale des finances (IGF). 55,50 % des Congolais estiment que l’IGF «est la seule institution qui s’investit dans la lutte contre la corruption».
Mais il y a un bémol de taille, puisque 55,75 % des personnes interrogées trouvent que le niveau de corruption «n’a pas changé ces 6 derniers mois ». Et 21,39 % des Congolais estiment que la situation s’est dégradée.

Une popularité en chute libre
Le gouvernement concentre l’essentiel de la déception des sondés, puisque 65,12 % de l’opinion se dit «insatisfaite du bilan du gouvernement Sama Lukonde». Par ricochet, la cote de popularité du président Félix Tshisekedi continue de chuter depuis son arrivée au pouvoir début 2019. Le chef de l’Etat passe de 63% d’opinion favorable en mars 2019 à 35,66% en janvier 2023… son plus faible score depuis son intronisation.
L’inflation, la corruption endémique, la guerre à l’Est qui s’est réactivée avec le retour du M23, et un quotidien qui ne s’améliore pas, expliquent ce faible taux de satisfaction. Reste à savoir quel impact ce mécontentement aura sur les prochaines élections ? Mais les Congolais sont avant tout pragmatiques et réalistes. Une majorité des sondés estiment en effet, que d’ici décembre 2023, «le chef de l’État ne va pas réaliser ses promesses électorales de 2018 »… et qu’il n’y aura donc pas de miracle.
Ce sondage a été réalisé du 14 au 17 janvier 2023 pour évaluer les quatre années de la gouvernance du président Félix Tshisekedi. L’enquête s’est déroulée auprès d’un échantillon de 4.000 répondants, dont 3 632 ont été retenus après nettoyage du fichier. La base de données utilisée provient du répertoire national d’enquêtes de Berci, répartis en 26 provinces de la République démocratique du Congo.
Christophe RIGAUD (Afrikarabia)