Sommet de Luanda : la guerre RDC-Rwanda retardée

24 heures après le mini-sommet de Luanda, les armes ont de nouveau crépité sur la ligne de front du territoire de Rutshuru. A l’initiative du président angolais Joao Lourenço, les Président Félix Tshisekedi de la République Démocratique du Congo et Paul Kagame du Rwanda se sont séparés mercredi sans jamais parvenir à jeter les bases d’un retour imminent de la paix dans la partie Est de la RDC. Entre Kinshasa et Kigali, les rapports restent tendus. La rencontre de Luanda, censée aller dans le sens de la désescalade, n’a pas résolu le problème. A Kinshasa, on ne croit plus en la sincérité de Kigali. «Le mensonge ne peut pas durer», a lancé, jeudi soir, le porte-parole du Gouvernement congolais, Patrick Muyaya. Comme si Kinshasa était prêt à jouer sur tous les tableaux, le chef de la diplomatie congolaise, Christophe Lutundula, s’est voulu rassurant : « Nous allons gagner…». Autrement dit, le mini-sommet de Luanda a juste retardé la survenance d’une confrontation armée entre Kinshasa et Kigali. De part et d’autre, le décor est à la guerre – la diplomatie s’étant enfermée dans ses circonlocutions.
La situation est explosive entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda. Le sommet de Luanda tenu sous la médiation du président angolais Joao Lourenco a accouché d’une souris naine. Le contraire aurait surpris dans la mesure où la fourberie du président rwandais ne pouvait donner lieu à un accord solide. Pour se mettre à l’abri, Kagame tient mordicus à faire passer ce conflit pour une affaire congolo-congolaise.
Le contingent de l’armée rwandaise battant pavillon M23, peut attaquer au Congo, puis en cas de repli redevenir rwandais sur le sol de son pays. Les dénégations du Rwanda qui nie ne jamais être au front à Bunagana, malgré toutes les preuves possibles, ne sont pas le fait d’un quelconque hasard. Il s’agit d’une stratégie bien huilée. L’avantage avec la diplomatie «fatshiste» est qu’il faut rendre la faute indiscutable. C’est ainsi que des positions des FARDC ont été dégarnies volontairement. Les M23-RDF, têtes baissées, ont récupéré ces positions. Poussant l’outrecuidance jusqu’au bout, le M23 a revendiqué publiquement avoir récupéré sous son contrôle ces positions. Cela, au lendemain de la déclaration de cessez-le-feu décidé à Luanda.
Confirmant l’adage que «Jupiter rend fou ceux qu’il veut perdre », Willy Ngoma, porte-parole des terroristes du M23, a nargué les chefs d’Etat, ayant fait le déplacement de Luanda, en déclarant que son groupe n’était pas concerné par le cessez-le-feu signé dans la capitale angolaise.
A Kigali, l’écho est le même : il faut neutraliser les FDLR. Le retrait du M23 ne le concerne nullement. Pour Kigali, il faut que le gouvernement de Kinshasa signe directement un cessez-le-feu avec ses sous-traitants du M23.
Kinshasa ne l’entend pas de cette oreille. Etant entendu qu’à Kinshasa, ce groupe est déjà classé dans la catégorie terroriste – donc sur la liste des infréquentables. Impossible de discuter avec eux, sauf si Kigali consent de son côté à négocier avec les FDLR. Chose difficile, voire impossible, vue de Kinshasa.
Pourquoi Kigali tient-il à imposer le M23 au président Tshisekedi ? C’est le nœud du problème et c’est ce qui fait dire aux observateurs neutres que la guerre entre la RDC et le Rwanda est simplement retardée. Le président Lourenco le sait très bien.
En réalité, le mini-sommet de Luanda n’a pas résolu le problème. Il est plutôt passé à côté parce que les parties en présence ont évité de nommer le vrai problème.
Ne dit-on pas que pour résoudre un problème, il faut d’abord reconnaître qu’il en existe un. Or, à Kigali, le problème, délibérément créé par le Rwanda, a été superbement méconnu. On s’est limité au M23, sans indexer ouvertement le Rwanda.
C’est pour cette raison que la rencontre de Luanda n’a pas produit un communiqué conjoint. Chacun a pris ce qui l’arrange. Chacun a pris les conclusions qui font son affaire.

Guerre retardée
En laissant au M23 et à l’armée rwandaise prendre des localités à l’intérieur des frontières congolaises, les autorités congolaises sont en train de prendre à témoin tout le monde, particulièrement la communauté internationale. Ce n’est donc pas par faiblesse. C’est une stratégie de combat qui est diplomatique et militaire. Le Chef de l’Etat congolais dispose d’éléments consistants qui vont justifier la suite des événements. La contre-offensive sera impitoyable et foudroyante. Ce sera l’occasion de remettre les choses en place. Kigali s’est rendu compte que l’infiltration savamment mise en place est en train d’être détricotée par la stratégie de Félix-Antoine Tshisekedi.
Des officiers qui n’étaient pas loyaux envers la République ont été indexés et mis hors de nuire. La stratégie marche. S’étant rendu compte qu’à plus ou moins brève échéance, des Congolais qui parlent kinya-rwanda, notamment les Batutsi et les Bahutu, ont choisi le camp de la patrie.
Dans l’armée, ils sont en première ligne pour défendre la mère patrie contre les envahisseurs rwandais. Kigali perd le contrôle de cette partie du pays. Des informateurs faisant désormais défaut, il faut forcer des négociations et imposer des nouveaux infiltrés au sein de l’armée. Félix-Antoine Tshisekedi bloque. C’est le sens de la remise en service du M23, depuis Kigali.
Mais, la nature enseigne qu’on ne gagne pas sur tous les coups. Après deux décennies de balade en RDC, Kigali ne sait plus imposer son discours. Au sein de la communauté internationale, ses soutiens s’affaissent.
Dos au mur, Kigali est dans la position d’un naufragé qui cherche sur quoi s’agripper pour un probable sauvetage.
On apprend que, profitant de l’absence de l’Ougandais Yoweri Museveni, le Kigali a accusé l’Ouganda à Luanda de fournir de l’aide logistique au M23. Un bel exemple de reflexe d’un naufragé.
A tout prendre, Kigali n’a plus le contrôle du monstre qu’il a créé, le M23. Il veut en faire un problème inter-congolais, sans se voiler la face. Pure machination !
Tant que Kinshasa bloquera le processus d’infiltration, le spectre de la guerre sera toujours là. Et d’ailleurs, cette fois-ci, les FARDC disposent de moyens pour faire la guerre. La contre-offensive congolaise aura comme point de chute le minuscule territoire rwandais.
Econews