Travail des enfants dans les mines en RDC : Apple, Microsoft, Google, Tesla et Dell blanchis par un tribunal américain

Une Cour d’appel fédérale des Etats-Unis d’Amérique a refusé mardi de tenir cinq grandes entreprises technologiques pour responsables de leur soutien présumé au travail des enfants dans les mines de cobalt de la République Démocratique du Congo. Pour la première fois, cinq entreprises technologiques américaines avaient été visées, fin 2019, par une plainte émanant d’une organisation de défense des droits de l’homme. L’action collective dénonçait les conditions de travail imposées à des enfants dans les mines de cobalt en RDC.

C’est la face sombre de la Silicon Valley. Fin 2019, cinq des plus grandes entreprises technologiques des Etats-Unis, à savoir Tesla, Apple, Google, Dell et Microsoft, ont été accusées de complicité de travail forcé d’enfants dans les mines de cobalt en RDC. Certains de ces enfants ont été tués et mutilés pour produire le cobalt utilisé pour fabriquer les batteries de téléphone.

Après cinq ans de procédure, aux Etats-Unis, la Cour d’appel du district de Columbia a statué en faveur de Google, Apple, Dell Technologies, Microsoft et Tesla, accusés de soutenir le travail des enfants dans les mines de cobalt de la République démocratique du Congo.

Les plaignants représentent quatorze victimes anonymes, des membres de familles d’enfants tués dans l’effondrement de tunnels ou de murs, ou des enfants mutilés dans les mêmes circonstances.Les plaignants accusaient les cinq entreprises de s’associer à des fournisseurs dans une entreprise de «travail forcé» en achetant du cobalt, qui sert à fabriquer des batteries lithium-ion largement utilisées dans l’électronique. Mais la cour d’appel a déclaré que l’achat de cobalt dans la chaîne d’approvisionnement mondiale ne constituait pas une «participation à une entreprise» au sens de la loi fédérale protégeant les enfants et les autres victimes de la traite des êtres humains et du travail forcé.

Le juge Neomi Rao a déclaré que les plaignants avaient le droit de demander des dommages-intérêts, mais qu’ils n’avaient pas prouvé que les cinq entreprises avaient plus qu’une relation acheteur-vendeur avec les fournisseurs, ou qu’elles avaient le pouvoir de mettre un terme au travail des enfants.

Genèse de l’action

Une première. Apple, Microsoft, Alphabet (maison-mère de Google), mais aussi Dell et Tesla avaient été visés par une plainte les accusant de profiter du travail d’enfants dans des mines de cobalt en RDC. Une action collective a été lancée à leur encontre aux Etats-Unis par International Rights Advocates (IRA), organisation de défense des droits de l’Homme.

La plainte a été déposée en décembre 2019 par l’IRA devant un tribunal de Washington. L’organisation représente quatorze victimes anonymes, des membres de familles d’enfants tués dans l’effondrement de tunnels ou de murs, ou des enfants mutilés dans les mêmes circonstances.

Le cobalt est un métal rare, très utilisé pour la fabrication des batteries de téléphones portables, des véhicules électriques et autres. Avec la prolifération des produits tech, la demande pour le minerai n’a jamais été aussi forte. La demande mondiale devrait atteindre environ 120.000 tonnes par an l’année prochaine, soit une hausse de 30% par rapport à 2016, selon des chiffres du cabinet d’études Darton Commodities, relayés par Fortune. Elle pourrait atteindre environ 357.000 tonnes d’ici 2030.

«Conditions de travail de l’Âge de pierre»

Les conditions d’extraction et de commercialisation du cobalt en RDC, premier producteur mondial, sont vivement contestées. Selon la plainte, les enfants gagneraient entre «deux à trois dollars par jour pour effectuer un travail extrêmement dangereux, pouvant les tuer ou les mutiler», pouvait-on lire dans la plainte déposée.

La plainte relaye plusieurs témoignages, tous anonymisés. Elle retrace notamment l’histoire de «John Doe 1 », contraint de quitter l’école à neuf ans car ses parents n’avaient plus les moyens de s’acquitter de six dollars mensuels pour payer son inscription scolaire. Commence alors sa vie de minier, où il porte sur son dos des sacs d’environ 30 kilos, à transporter sur 700 mètres, le long d’une montagne. En 2016, alors âgé de 15 ans, il chute d’environ 6 mètres de haut et devient paralysé.

«Il s’agit du contraste entre certaines sociétés parmi les plus riches au monde et les gadgets qu’elles fabriquent, et les enfants qui travaillent encore comme à l’Âge de pierre », avait déclaré auprès de Fortune Terrence Collingsworth, représentant de l’IRA. «Ces entreprises ont les ressources et le pouvoir de résoudre ce problème.»

Apple et Dell réagissent

L’organisation reconnaît que toutes les entreprises qu’elle accusait «ont toutes des politiques spécifiques prétendant interdire le travail des enfants dans leurs chaînes d’approvisionnement ». Et de poursuivre : « Leur incapacité à mettre en œuvre ces politiques pour mettre un terme au travail forcé des enfants dans l’extraction du cobalt est un acte intentionnel pour éviter de mettre fin à la manière d’obtenir du cobalt bon marché.»

Dell et Apple s’étaient exprimés dans les médias américains au sujet de la plainte, contrairement à d’autres entreprises, qui ne se sont livrées à aucun commentaire pour l’instant. «Nous n’avons jamais sciemment sourcé d’opérations utilisant une forme quelconque de travail involontaire, de pratiques de recrutement frauduleuses ou de travail des enfants», s’était défendu Dell dans plusieurs médias américains, tout en rassurant : «Nous travaillons avec les fournisseurs pour gérer leurs programmes d’approvisionnement de manière responsable. Tout fournisseur signalant une faute est soumis à une enquête et, en cas de faute, retiré de notre chaîne d’approvisionnement ».

De son côté, Apple a dit référencer l’intégralité de sa chaîne d’approvisionnement de cobalt depuis 2014. Elle publie une liste complète de tous les exploitants depuis 2016, et «100% d’entre eux participent à des audits indépendants réalisés par des tiers », avait affirmé auprès de Futurism un porte-parole, soulignant : «Si un raffineur n’est pas en mesure ou ne veut pas respecter nos normes, il sera retiré de notre chaîne d’approvisionnement. Nous avons ainsi retiré six raffineurs de cobalt en 2019»

Dans un rapport consacré sur le sujet en 2017, Amnesty International avait salué les actions prises par le fabricant d’iPhone.

Econews