Tsunami dans l’Union sacrée  : Félix Tshisekedi contre Moïse Katumbi : combat de cage

La belle alliance entre Tshisekedi et Katumbi autour de l’Union sacrée de la nation a finalement volé en éclats

On a minimisé son influence dans l’Union sacrée de la nation. Mais, avec la démission fracassante des ministres Christian Mwando du Plan, Chérubin Okende des Transports et Mme la vice-ministre de la Santé publique, on se rend bien compte que Moïse Katumbi, leader d’Ensemble pour la République, n’était pas du menu fretin. Dans tout schéma politique possible, «l’homme de Kashobwe» a fait comprendre qu’il faudra compter sur lui. Et l’exclure du débat politique pourrait être fatal pour ceux qui se hasarderaient sur ce terrain. Dans l’union sacrée de la nation, on a pris la mesure de l’urgence de se redéployer autour du Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Le tsunami Katumbi ne restera donc pas sans effet. Avec un pool économique totalement dégarni, marqué par les départs des ministres du Plan, des Transports et de la vice-ministre de la Santé publique, le réaménagement technique du Gouvernement s’impose. Dans la perspective du rendez-vous électoral du 20 décembre 2023, Tshisekedi veut s’entourer des personnalités d’une loyauté irréprochable. Il devra cependant faire face à une opposition qui s’abattra sur lui sur plusieurs fronts, avec des blocs aussi divers que disparates.
Entre le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, et Moïse Katumbi, qui a fait un passage éclair au sein de l’Union sacrée de la nation, la rupture est totale. Finies les belles accolades de l’année 2021 lorsque les deux leaders se sont rapprochés pour régler des comptes au Front commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila.
Candidat déclaré à la présidentielle de décembre 2023, Moïse Katumbi se présente désormais en véritable challenger face au Président Félix Tshisekedi. Entre les deux leaders, c’est un combat de cage dont le dénouement est attendu au sprint électoral du 20 décembre 2023.
Opposant à Félix Tshisekedi, Moise Katumbi peut s’appuyer sur un groupe de fidèles qui ont juré de l’accompagner jusqu’à la victoire finale. D’ores et déjà, au niveau du Gouvernement central, trois de ses lieutenants n’ont pas résisté à son appel de rejoindre la résistance. Il s’agit des ministres démissionnaires Christian Mwando Nsimba Kabulo du Plan et Chérubin Okende des Transports ainsi que de la vice-ministre de la Santé publique, Véronique Kilumba. Plus loin, un «katumbiste» engagé, Christian Momat, a également rendu le tablier au sein du gouvernement provincial du Haut-Katanga.
Sur son compte twitter, Katumbi les a couverts des fleurs : « Se battre pour des valeurs, des convictions et un destin collectif importe plus que les intérêts personnels du moment. En hommes et en femme d’Etat, Christian Mwando, Chérubin Okende et Véronique Kilumba et Christian Momat ont fait le choix d’un autre Congo. Merci à eux! »

Un remaniement s’impose
Amputé de ses ministres du Plan, des Transports ainsi que de la vice-ministre de la Santé publique, le remaniement du gouvernement Sama Lukonde s’impose au Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Il avait sans doute préféré poursuivre le travail avec des collaborateurs qu’il connaît. Mais les dynamiques politiques ont leurs règles. Elles ne sont pas toujours maîtrisées par le commun des mortels.
La dernière sortie du chef de file d’Ensemble pour la République, le populaire Moïse Katumbi Chapwe, ex-gouverneur du Grand Katanga et candidat investi pour la prochaine présidentielle du 20 décembre 2023, a provoqué cette tempête.
Ne pas réagir de manière appropriée revient à accepter que le coup a porté. Le remaniement ministériel par ces temps de retournement des alliances est la réponse politico-institutionnelle de ces départs. Le peuple retient qu’ils ont démissionné. Ils n’ont pas été chassés du Gouvernement. Le remaniement signifierait que le président de la République et son Premier ministre Sama Lukonde disposent d’un stock des compétences utilisables immédiatement. Un gouvernement ne peut se permettre de travailler avec un compartiment économique dégarni à ce point.

Tout peut arriver
La démission de trois ministres du gouvernement central, où ils représentaient Ensemble pour la République, est, de manière curieuse, tournée en dérision par les proches du pouvoir incarné par le président Tshisekedi et son parti, l’UDPS. En prenant la rare résolution de rendre le tablier, en conformité avec la rupture de l’alliance qui liait le parti de Moïse Katumbi à la coalition de l’Union sacrée, Chérubin Okende (Transports), Christian Mwando (Plan) et Véronique Kilumba Nkulu (Vice-ministre à la Santé publique) ont choisi la voie de la fidélité à leur leader. L’onde de choc s’est répandue jusqu’en province, où le ministre provincial du Plan du Haut-Katanga, Christian Momat, leur a emboîté le pas.
A l’inverse de leurs anciens collègues Lutundula (Affaires étrangères), Mutinga (Affaires sociales) et Muhindo Nzangi (Enseignement supérieur et universitaire) qui, de longue date, avaient renié leur origine politique ayant abouti à leur entrée au gouvernement, le trio Okende-Mwando-Nkulu bénéficie pourtant d’un élan de sympathie dans un pays où la démission des postes gouvernementaux relève de la chimère. Leur démarche rappelle la première démission de l’histoire politique congolaise, incarnée par Lunda Bululu, premier ministre de Mobutu au lendemain du lancement du processus démocratique consécutif au discours historique du Maréchal à Nsele le 24 avril 1990.
Les retombées de la défection des ministres d’Ensemble peut sembler anecdotique. Qu’on ne s’y trompe pas. La scission au sein de l’Union sacrée marque en effet un tournant majeur dans l’évolution politique congolaise à un an de la tenue des élections générales de décembre 2023.
Ce serait un leurre de considérer que le départ de Katumbi est un simple fait divers comme on a en connu dans l’histoire récente du pays. Loin d’être un pis-aller, la démarche de Moïse Katumbi et les siens vient imprimer un revirement dont les tenants du pouvoir devraient tenir compte. L’homme n’est pas un candidat pour rire. Sur la dizaine de candidats déclarés à la présidentielle, hormis l’ancien Premier ministre Matata Ponyo et l’opposant Martin Fayulu, il est de ceux qui peuvent ébranler les ambitions de Félix Tshisekedi à rempiler.
A la tête d’une fortune personnelle (qu’on dit immense), et soutenu par de puissants lobbies en Occident, Katumbi peut se prévaloir d’un bilan incontestablement reconnu au cours des huit ans passés à la tête de la province du Katanga avant son démembrement. La campagne tendant à le présenter comme un ressortissant étranger, loin de le desservir, risque en revanche de lui apporter un regain de soutiens dus à la victime d’un régime totalitaire.
En se démarquant du pouvoir de Félix Tshisekedi, avec lequel de toute façon il n’a jamais entretenu d’atomes crochus, le leader d’Ensemble est conscient du dommage qu’il inflige à une alliance désormais réduite au format de parti unique. Du parlement au pouvoir judiciaire en passant par les entreprises du Portefeuille de l’Etat, l’heure est désormais à une posture univoque.
De son côté, l’UDPS aurait tort de se croire débarrassé d’un boulet qui, à la longue, a fini par consacrer une dualité déstabilisante au sein de la coalition de l’Union sacrée de la nation. Ce que semble avoir compris ce cadre du parti présidentiel qui, se confiant à Econews sous le sceau de l’anonymat déclarait : «Qu’on ne s’y trompe pas. Le départ de Moise Katumbi laissera des traces dans l’Union sacrée. A mon avis, il vaut mieux avoir Katumbi avec soi que contre soi ».
Néanmoins, la rupture d’alliance entre l’UDPS et Ensemble est vue par une certaine opinion comme une avancée démocratique dans un environnement pollué par un culte de la personnalité généralisé aux relents de parti unique. Sous réserve que le leader d’Ensemble soit à l’abri de tracasseries habituelles tendant à écarter les candidatures d’opposants déclarés à l’exemple de Jean-Marc Kabund-a-Kabund qui croupit en prison, ou de la rocambolesque affaire des poursuites contre l’ancien Premier ministre Matata Ponyo dans le sulfureux dossier de la débâcle du projet du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo.

Econews