Ultime sauvetage de Congo Airways : jusqu’où ira Sama Lukonde ?

Congo Airways, compagnie aérienne nationale de la République Démocratique du Congo, est en cessation d’activités à la suite d’un problème technique qui affecte sa flotte, composée à ce jour de deux Airbus A 320 et deux Bombardiers Q400. Depuis lors, le problème a été porté au niveau du Gouvernement pour une solution d’urgence. Avec les élections, relancer Congo Airways devient une urgence pour permettre non seulement la mobilité des candidats pendant la campagne mais assurer aussi celle des Congolais dans un pays où le transport aérien s’avère incontournable. Sur papier, Congo Airways a deux solutions : soit acheter quatre moteurs d’occasion d’un coût total de 28 millions de dollars américains, soit acquérir deux avions en location pour un coût estimatif de 33 millions USD. Ce sont les deux options qui ont été proposées mardi au Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge. Pour l’instant, voyager à l’intérieur devient un casse-tête, certains passagers sont obligés de passer par Addis-Abeba, Nairobi, Entebbe ou Dar es-Salaam pour se rendre dans un coin de la RDC. Un parcours du combattant difficile à supporter.

Créée en 2014 sous le Gouvernement Matata Ponyo, c’est en février 2015 que Congo Airways a lancé ses premiers vols commerciaux avec une flotte composée de deux Airbus A320 et deux Bombardiers Q400. La compagnie aérienne congolaise était vouée à un bel avenir avant que des erreurs de gestion ne puissent finalement précipiter sa chute. Tout a commencé avec le départ précipité de son ancien directeur général Désiré Balazire, mis en cause dans un rapport, dit « tendancieux », de l’Inspection générale des finances (IGF). Depuis lors, Congo Airways sombre jusqu’à ce que la compagnie déclare récemment son incapacité à continuer l’exploitation.

Ainsi, toute la flotte de Congo Airways, qui n’a pas pu être renouvelée depuis 2014, est clouée au sol.

Mardi à la Primature, le ministre des Transports, Marc Ekila, accompagné du directeur général de Congo Airways, le commandant José Dubier Lueya, ont été convoqués à la Primature pour une séance de travail avec le Premier ministre. Objectif : examiner les solutions urgentes à mettre en œuvre pour une relance rapide des activités de cette compagnie.

Cette rencontre intervenait au lendemain de la publication du communiqué de Congo Airways annonçant l’interruption momentanée de ses activités sur l’étendue nationale pour permettre d’améliorer l’efficacité de ses services.

Au sortir de l’audience, le ministre Marc Ekila, apparemment dépassé par l’ampleur de la situation, est paru évasif. «Comme vous le savez, la direction générale (Ndlr : Congo Airways) a lancé un communiqué faisant état de la cessation des activités, le temps de régulariser le contrôle au niveau des avions, mais aussi, il y a la question de la relance de l’exploitation en termes de pérennisation. Parce que, c’est un programme qui avait déjà été accepté par le Gouvernement. Le Premier ministre nous a invités pour lui donner plus de détails, notamment en ce qui concerne la faisabilité le plus rapidement possible. Nous sommes dans une période où il y aura une activité politique et surtout, il faut aussi assurer le déplacement de nos populations en général. Donc, il était question de lui donner encore de plus amples détails sur le plan de la relance que nous avons présenté et tel que le Chef de l’État l’avait souhaité.

Et là, au sortir de l’audience, le Premier ministre nous a rassurés. Il a pris le dossier en mains. Il va faire de son mieux pour que, le plus vite possible, ce plan de relance devienne effectif », a-t-il déclaré.

Pour sa part, le directeur général de Congo Airways a exprimé le souhait de voir les activités reprendre dans les jours qui viennent. «Nous avons posé assez rapidement le contenu des besoins que nous avons pour relancer assez rapidement l’exploitation. Nous avons effectivement eu une oreille attentive. Nous espérons, en tout cas, que dans les jours qui viennent une solution va être trouvée pour permettre à la Compagnie de reprendre le réseau très rapidement par l’acquisition de deux avions en location pour nous permettre d’assurer la continuité de l’activité et continuer justement le processus d’amélioration des conditions de sécurité de notre exploitation qui, du reste, demeure le mot clé de notre exploitation : ‘la sécurité d’abord’. C’était difficile de prendre cette décision. Mais, c’est inévitable. Congo Airways étant membre d’IATA, nous avons des normes à respecter. Le risque doit être évité. C’est après une évaluation des risques que nous avons été poussés à prendre cette décision. Mais, nous espérons, en tout cas, dans les jours qui suivent, pouvoir trouver une solution», a indiqué le commandant José Dubier Lueya.

Où trouver autant de millions USD ?

Intervenant sur les ondes de la radio Top Congo Fm, le commandant José Dubier Lueya a donné plus de détails sur le plan en cours d’étude pour sauver Congo Airways. C’est un plan qui exige plusieurs millions de dollars américains.

«Il faut 33 millions de dollars exactement (pour relancer Congo Airways). Nous faisons confiance au Gouvernement qui a pris acte du besoin immédiat de l’entreprise.

Nous sommes très ravis de constater que nous avons l’appui du président de la République qui veille à ce que la relance se fasse très rapidement. La situation est difficile, mais je ne pense pas qu’elle soit impossible. Je reste très optimiste», a-t-il affirmé, répondant aux questions de Christian Lusakueno de la radio Top Congo Fm.

Congo Airways est-elle pour autant condamner à mort ? Le commandant José Dubier n’y croit pas. «La compagnie nationale Congo Airways interrompt pour quelque temps ses opérations.

Plus d’avions, c’est trop dire. Les avions sont là, mais ils doivent aller en inspection, plus précisément les moteurs doivent passer en révision, suivant le programme de maintenance qui a été établi au niveau de la direction technique », se défend-il.

Mais, la situation de l’entreprise est bel et bien catastrophique, rappelle-t-il : «La compagnie n’a que trois avions, notamment un Airbus A320 et 2 Bombardiers Q400 dont un qui est, pour des raisons techniques, cloué au sol et un autre en maintenance à Malte».

Le commandant José Dubier note que l’arrêt d’exploitation de Congo Airways pouvait être évité si on avait anticipé dans le management.

Il dit avoir fait «un constat amer en prenant mes fonctions il y a 45 jours. Les deux avions en exploitation sont (en fin cycle de vie). Il y avait moyen de prendre un planning et anticiper la révision de moteur avant la butée.

Donc, il y avait moyen d’être proactifs ». Et de révéler : «Le Q400 a quitté Kinshasa quatre jours avant ma prise de fonctions. J’ai réuni très rapidement le staff de la maintenance pour avoir un overview, ensemble de planning qui avait été fait pour cet avion. Il m’a été informé que l’avion était parti pour une dizaine de jours. Mais au vu des documents qui étaient fournis, je me suis rendu compte que l’avion était parti pour un mois et demi, si pas 2 mois. En plus de la maintenance, il fallait une révision du train d’atterrissage. Il y a aussi de gros travaux de cellule qui doivent être faits au niveau de l’aéronef. Ça va encore repousser de quelques jours la remise en service de cet avion ».

Pour l’instant, l’urgence est de relancer Congo Airways. Pour son directeur général, deux options sont sur la table. «Nous avions deux possibilités. La première était d’envoyer les moteurs en révision et cela nous prendra entre 3 et 4 mois, c’est énorme, ou de trouver sur le marché des moteurs à acheter. Il s’agit de ceux qui ont un cycle de plus ou moins cinq ans d’exploitation ».

Qu’en est-il de leur coût d’acquisition ? De l’avis du commandant José Dubier, «C’est 14 millions de dollars US pour deux moteurs d’un avion. S’il faut faire les deux avions en même temps, il faut au moins 28 millions de dollars US. Mais, un moteur neuf, ça tourne autour de 10 et 12 millions de dollars US. Un avion d’occasion coûte autour de 25 millions de dollars US. Un avion neuf, un Airbus A320 tournerait dans les 55 millions de dollars US et ne serait pas disponible avant 2030 », tranche-t-il.

Entreprise du Portefeuille de l’Etat, détenue à majorité par l’Etat congolais qui partage l’actionnariat avec d’autres entreprises du même secteur, la balle se trouve donc dans le camp du Gouvernement pour mettre en œuvre le plan de sauvetage de Congo Airways.

Econews