Vital Kamerhe à la (ré) conquête de l’Est

Arrivé à Goma lundi dernier, Vital Kamerhe a poursuivi mardi son périple en territoire de Masisi dans la localité de Rubaya. Au-delà de la justification ou de la raison de ce déplacement annoncé peu avant son séjour européen, il est indéniable que la question de la présence rwandaise à Bunagana en soutien au mouvement rebelle du M23 s’invitera immanquablement à l’une ou l’autre étape de sa tournée.
Officiellement, la tournée entreprise par Vital Kamerhe dans le Grand Kivu a pour objectif de « remercier les populations de cette partie du pays pour son soutien lors des moments difficiles qu’il a traversés, et d’apporter sa contribution à la restauration de la paix ».
Qu’il ait entrepris ce voyage pour remercier les populations à travers son parti politique – l’UNC -, cela se conçoit et va de soi. Mais qu’il apporte sa contribution au rétablissement de la paix ne manquerait pas de laisser dubitatif. D’abord, le leader de l’UNC, quoique ancien directeur de cabinet du chef de l’Etat, n’est revêtu d’aucun mandat politique. Ensuite, sa seule appartenance à la province du Sud-Kivu, de par ses origines, ne constitue nullement un facteur de négociation avec les groupes armés, tâche dans laquelle il se serait engagé à s’impliquer.
Cependant, des sources recoupées laissent entendre que VK serait investi d’une mission spéciale secrète. Devant la difficulté pour le Gouvernement à prendre à bras-le-corps la délicate question de l’occupation de la cité de Bunagana et de repousser les terroristes du M23, fortement soutenus par le Rwanda, il fallait un joker qui entreprenne une forme de négociations dont l’aboutissement serait le retrait du M23 et ses soutiens du territoire congolais.
Cette thèse est d’autant plus plausible qu’en déclarant le M23 mouvement terroriste, Kinshasa avait tiré une balle dans le pied des pourparlers, tant il est universellement admis qu’un Etat responsable ne négocie pas avec des terroristes. Du moins au grand jour face aux caméras.
C’est dans ces conditions qu’il ne serait pas impossible que Kamerhe se soit vu investi par le Chef de l’Etat de la mission sensible de ramener dans son escarcelle, sinon une paix dûment ficelée, au moins un début de solution qui épargne des vies humaines de civils et de militaires.
Cette démarche s’expliquerait également par la frilosité des médiateurs de la première heure qui, dès la reprise des hostilités à la mi-juin, avaient fait montre d’un activisme qui, à la longue, est en passe de s’émousser. Ni le président angolais qui est parvenu à mettre face-à-face le Congolais Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagamé, ni les envoyés de l’Union africaine ne sont parvenus à un début de solution.
Les observateurs ont particulièrement retenu l’appel lancé par VK aux rebelles du M23 lors de son meeting, le 12 septembre, au stade Afia de Goma : « Je m’adresse aux rebelles du M23. Je sais que vous m’écoutez. Si vraiment vous êtes des Congolais, déposez les armes, quittez le lieu que vous occupez et vos revendications seront analysées après. Aujourd’hui vous avez envahi Bunagana, est-ce une République à part ? Etes-vous contents de voir vos frères errer ou mourir dans la forêt? Nous pouvons planifier et terminer ce problème ».
Les démarches diplomatiques achoppent régulièrement sur la position immuable du Rwanda qui continue à voir dans la présence du M23 une affaire strictement congolo-congolaise, tout en dénonçant une collaboration entre les FARDC et les rebelles rwandais des FDLR présents dans les collines du Kivu depuis la guerre civile au Rwanda en 1994. Justifiant incidemment les incursions récurrentes de son armée en terre congolaise.
Le voyage de Kamerhe, au deuxième jour de son séjour kivutien, ne semble pas englober un volet électoral. Mais c’est un sentiment trompeur. Allié de Félix Tshisekedi en dépit de déboires judiciaires qu’il a connus il y a quelque temps, le président de l’UNC ne saurait déroger au devoir de solliciter de ses compatriotes leur soutien en vue de la réélection du Chef de l’Etat. Tâche délicate dans ces régions qui ploient au rythme des assassinats des civils et des déplacements massifs des populations.
Avec le monde qu’il draine dans son Kivu natal, c’est mieux d’avoir Kamerhe avec soi que contre soi. Un message directement adressé à l’Union sacrée de la nation qui peine à prendre de l’envol.
M.M.F.