« Vive inquiétude » de RSF après l’arrestation du journaliste Sosthène Kambidi

Des dossards de presse distribués le 24/11/2011 au commissariat général de la PNC à Kinshasa par Journaliste en danger (JED). Radio Okapi/ Ph. John Bompengo

En République Démocratique du Congo (RDC), le journaliste Sosthène Kambidi est en prison. Il enquêtait sur l’assassinat des deux experts de l’ONU dans la région du Kasaï, en 2017. Un dossier sur lequel il travaillait depuis quatre ans, aux côtés de Sonia Rolley, journaliste à RFI. Son interpellation, suivie de son incarcération préoccupent vivement les ONG de défense de la liberté de la presse.

Reporters sans frontières (RSF) a fait part vendredi de sa «vive inquiétude» à propos du journaliste congolais Sosthène Kambidi, inculpé et détenu depuis lundi soir dans l’enquête sur la mort d’experts de l’ONU en 2017 en RDC.

RSF et son organisation partenaire congolaise Journaliste en danger (JED) « expriment leur vive inquiétude concernant le journaliste de @RFI @afpfr et @actualitecd détenu depuis quatre jours par la justice militaire » dans cette affaire, a tweeté l’organisation de défense de la presse.

Le journaliste, rappelle-t-elle, «est accusé de terrorisme et d’association de malfaiteurs pour avoir été en possession d’une vidéo de l’assassinat des experts, qu’il n’a jamais diffusée et qu’il avait transmise aux autorités». «Il s’était également dit disposé à collaborer avec la justice», souligne RSF.

Selon l’ONG, «la détention prolongée de ce journaliste est d’autant plus préoccupante qu’elle s’effectue sous le regard de l’ONU qui participe aux auditions dans le cadre d’un mécanisme mis en place pour assister la justice militaire congolaise».

Correspondant de l’AFP et du média congolais en ligne Actualite.cd à Kananga, le chef-lieu du Kasaï-central, Sosthène Kambidi, également collaborateur occasionnel de RFI, a été arrêté à son hôtel de Kinshasa dans la nuit de lundi à mardi.

Des propos étonnants pour Amnesty International

Des sources au sein de la justice militaire assuraient que le journaliste Sosthène Kambidi avait été arrêté, car il avait obtenu dès le lendemain du meurtre des informations précises sur ses circonstances et un mois plus tard la vidéo de ce double assassinat. Il était question de l’interroger sur la manière dont il avait obtenu ses informations.

Ce n’est pas la version du porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Stephane Dujarric : «Nos collègues du mécanisme assurent qu’à aucune étape, durant ses deux jours, M. Kambidi ne s’est vu demander de révéler ses sources. Le soutien qu’ils apportent aux autorités congolaises inclut des conseils pour que tout se déroule en accord avec les lois internationales et d’après ce que je comprends, M. Kambidi a maintenant accès à des avocats qui étaient présents durant l’une de ces auditions»

Toutefois, Sosthène Kambidi a été arrêté dès le lundi soir aux environs de 23h40 dans un hôtel de la capitale congolaise et pendant 36h, il n’a pas eu accès à un avocat. Ce qui n’a pas empêché les experts de ce mécanisme de l’ONU de l’interroger en présence de magistrats congolais.

«D’après ce que je comprends, il a d’abord été entendu comme témoin, puis il a été entendu comme suspect. Durant tout le temps où l’équipe du mécanisme de suivi était là, ils n’ont pas eu l’impression qu’il y avait une quelconque violation de ce qu’ils comprennent de la loi congolaise», assure Stéphane Dujarric.

Une remarque qui étonne Jean Mobert Senga, chercheur à Amnesty International, qui rappelle que le journaliste était sous le coup d’un mandat d’amener, avec une liste d’accusations, ce qui n’est pas le cas quand on est un simple témoin.

Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a, de son côté, estimé que « les autorités congolaises devraient immédiatement libérer» Sosthène Kambidi et s’assurer que la presse peut « travailler sans crainte ni intimidation dans tout le pays».

Deux experts des Nations Unies, la Suédoise Zaida Catalan et l’Américain Michael Sharp, avaient été tués le 12 mars 2017. Selon la version officielle des autorités de l’époque, ils ont été exécutés par des miliciens de la secte Kamuina Nsapu, alors en guerre contre l’armée régulière.

                Le conflit a fait 3.400 morts et des dizaines de milliers de déplacés entre septembre 2016 et mi-2017 dans la région du Kasaï.

Une trentaine de personnes sont accusées d’avoir participé à ce meurtre. Mais le procès ouvert le 5 juin 2017 piétine. L’ONU a désigné un expert judiciaire pour accompagner la justice militaire congolaise.

Econews avec VOA