Vive tension dans le Nord-Kivu : l’étau se resserre sur Goma

Trafic routier coupé entre la ville de Goma et Masisi, depuis la prise de Shasha sur la route de Sake. Par la voie Nord, la route du Rutshuru est devenue incertaine depuis la prise de Bunagana et la progression des rebelles du M23. Coupée de ses principales voies d’accès, en l’occurrence Sake et Rutshuru, la ville de Goma est au bord de l’asphyxie. Les prochains jours seront intenables pour les Gomatraciens, plus que jamais envahis par la peur. Pour le moment, les forces loyalistes ont décrété un couvre-feu partiel dans la ville, après qu’une bombe, vraisemblablement tirée par les rebelles du M23, a occasionné mort d’homme dans un quartier populaire de la ville. Le chef-lieu de la province du Nord-Kivu vit dans une psychose généralisée, de plain-pied dans l’état de siège. Entre-temps, la ville est coupée du reste du monde et ne reste accessible que par les voies aériennes et lacustres.

La ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, sous état de siège depuis plus d’une année, vit dans la peur, avec la forte progression des rebelles du M23. Coupé de sa partie Nord, par la route de Rutshuru, Goma est en train de perdre aussi la zone d’approvisionnement de Sake qui l’ouvre à celle du Sud-Kivu.

Dans une ville de Goma, hyper militarisée où se côtoient diverses unités armées (FARDC, troupes de la SADC, Monusco…), les tensions sont vives.

Selon radio Okapi, le trafic sur la route nationale 2 (RN2) Goma-Bukavu est coupé à partir du centre de Shasha (Nord-Kivu), depuis samedi 3 févier en fin de journée, à la suite des combats entre les rebelles du M23 et les FARDC ainsi que les milices locales.

«Il n’y a plus de trafic entre Goma-Sake-Minova depuis la prise de Shasha, samedi, par les rebelles qui auraient ensuite érigé une barrière en plein centre de ce village, situé à 9 km de la cité de Sake dans le groupement Mupfuni Shanga », rapporte radio Okapi, citant des sources locales.

En conséquence, la cité de Sake et la ville de Goma sont privées de tout approvisionnement en produits vivriers en provenance de Minova et Bweremana, constate radio Okapi.

Avec la prise de Shasha par le M23, la psychose s’est aussi emparée des habitants de Minova, dans le territoire de Kalehe au Sud-Kivu, rapporte la Société civile de cette cité. Elle parle d’un afflux à Minova de déplacés des villages Nguba, Kirotshe, Kiluku, Shasha, Kituva, Bweremana, Kihindo fuyant les combats. D’autres déplacés ont pris la direction de Sake.

Le M23 nargue l’ONU

Au moment où le secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des opérations de maintient de la paix, Jean-Pierre Lacroix, séjourne en République Démocratique du Congo, par ses provinces d’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, le M23, soutenu par les RDF (l’armée rwandaise), fait montre d’une fébrilité inhabituelle.

Le vendredi 2 février, un obus est tombé à proximité de l’école primaire Nengapeta du quartier Mugunga dans la commune de Karisimbi à Goma. Le bilan est de deux blessés et d’importants dégâts matériels.  Des témoins affirment que le projectile aurait été tiré par le M23/RDF. Le même jour, un hélicoptère de la MONUSCO effectuant une évacuation sanitaire a essuyé des tirs des présumés rebelles M23 aux environs de Karuba dans le territoire de Masisi (Nord-Kivu).  Deux casques bleus ont été blessés au cours de l’attaque.

C’est sur ces entrefaites que Jean-Pierre Lacroix arrivait à Beni (Nord-Kivu), première étape d’un séjour d’une semaine en RDC. Officiellement, la délégation onusien, (qui comprend, entre autres, Christian Saunders, coordinateur spécial pour l’amélioration de la réponse des Nations Unies à l’exploitation et aux abus sexuels, et Catherine Pollard, Secrétaire générale adjointe chargée de la stratégie de gestion, de la politique et de la conformité. etc.), a par la suite  visité ce dimanche la base de la MONUSCO située à Mikenge dans le territoire de Mwenga Sud-Kivu) où la force de l’ONU assure la protection des milliers de déplacés internes qui campent autour de la base, et qui sera transférée aux autorités congolaises dans le cadre du désengagement de la force onusienne de cette province au cours de la première phase du retrait accéléré de la Monusco.

VIVE TENSION A GOMA

Dès lors, on se pose la question de savoir les raisons qui poussent le M23/RDF à accentuer leur  emprise sur les environs de Goma, le chef-lieu du Nord-Kivu, une effervescence qui coïncide curieusement avec la présence d’une mission de haut niveau de l’ONU dans la région.

Des sources indiquent en effet qu’après l’occupation de Shasha et Kirotse, le M23 aurait désormais un accès sur le lac Kivu. Il contrôlerait  la route  reliant Goma à la province du Sud-Kivu et avancerait vers la cité de Minova. Ainsi, la ville de Goma serait totalement enclavée au nord, à l’est et à l’ouest. La seule voie sûre pour atteindre ou quitter Goma restant celle lacustre ou aérienne.

Selon des observateurs de la crise dans cette partie du pays, la menace du M23/RDF sur la ville de Goma procède de la stratégie qui consisterait à tester les intentions de la force de la SADC en cours de déploiement, après le départ des contingents de l’EAC. Il s’agit de se rendre compte si, contrairement aux troupes de l’EAC la force commandée par le général sud-africain Monwabisi Dyakopu est pourvue d’un mandat résolument offensif.

L’ONU ENTRE SANCTIONS ET NÉGOCIATIONS 

Le secrétaire général adjoint de l’ONU Jean-Pierre Lacroix devrait avoir des entretiens avec le président Félix Tshisekedi à l’issue de sa tournée dans  l’Est du pays. Nul doute que le dirigeant congolais saisira l’occasion de transmettre au Conseil de sécurité de l’ONU l’urgence de prendre des sanctions à l’encontre du régime de Kigali.

Les processus de Luanda et de Nairobi quasiment tombés en désuétude, et face à l’arrogance du régime de Kigali à se conformer aux multiples recommandations des instances internationales, une seule alternative : des négociations directes entre le gouvernement congolais et le M23, voie que semblent privilégier l’ONU et certains membres d’organisations sous-régionales, et que Kinshasa rejette catégoriquement, et la pression militaire qui n’a pas apporté à ce jour les résultats escomptés. Il faudra à Jean-Pierre Lacroix des trésors de diplomatie pour parvenir à couper la poire en deux alors que la MONUSCO plie bagages et laisse la mission d’assurer la sécurité des milliers de déplacés internes sous la responsabilité des FARDC.

Econews