Wazalendo, ce couteau à double tranchant entre les mains de Kinshasa

Les Wazalendo, ces jeunes patriotes qui impressionnent par leur exploit dans la partie Est de la République où ils sont en train de reconquérir des territoires, autrefois sous contrôle des terroristes du M23, intriguent à la fois. Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Qui les approvisionnent en armes ? Pour quelle cause se battent-ils ? Autant de questions qui alimentent la chronique et laisse presque perplexe l’opinion publique nationale. Au Gouvernement, on salue leur bravoure, tout en évitant de se reconnaître dans leurs actions. Même attitude dans les rangs des Forces armées de la RDC, qui se disant respectueuses du cessez-le-feu signé dans le cadre du processus de paix de Luanda, ne se reconnaissant pas non dans ces Wazalendo. Pourtant, en interne, les Congolais ne cachent pas leur soutien aux prouesses de ces compatriotes. Mais, dans la région des Grands Lacs, l’activisme de Wazalendo suscite déjà de vives protestations. C’est notamment celles émanant des troupes ougandaises déployées au sein de la Force régionale de l’EAC, agressées, selon elles, par les Wazalendo. Ces derniers seraient-ils finalement un couteau à double tranchant entre les mains de Kinshasa. Suspense !
Des informations parcellaires relayées principalement dans les réseaux sociaux font état au cours des dernières semaines des conquêtes territoriales engrangées par les Wazalendo, ces groupes armés formés de « patriotes » dans la lutte qu’ils mènent contre l’occupation des pans entiers des territoires de Rutshuru et d’une partie du Masisi (Nord-Kivu) par le M23, ouvertement soutenu par les forces armées rwandaises. Une collusion avec le Rwanda amplement documentée par l’ONU et certains cercles politiques de l’Union européenne.
Les appels au régime rwandais à retirer ses troupes du sol congolais sont restés lettre morte, le maître de Kigali campant mordicus sur sa position selon laquelle la crise sécuritaire est une affaire strictement congolo-congolaise.
Ces Wazalendo, faut-il le rappeler, sont issus des groupes armés qui naguère combattaient les troupes loyalistes dans l’Est de la République Démocratique du Congo, mais qui avaient favorablement répondu aux différents rounds des négociations avec le gouvernement congolais dans le cadre du Processus de Nairobi. Ils acceptaient de déposer les armes et de rejoindre le programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (PDDRC-S). Or, le M23, à l’instigation du Rwandais Paul Kagamé avait brillé par son absence tant à Luanda qu’à Nairobi, s’en tenant à sa demande à son leitmotiv devenu suranné : celui de négociations directes avec le pouvoir de Kinshasa.
Mettant à profit l’apathie de la force sous-régionale de l’EAC que Kinshasa accuse de connivence avec la « rébellion » du M23 et les troupes rwandaises, ces dernières se sont employées à opérer un maillage territorial dans cette région riche en ressources minières allègrement pillées au profit de Kigali, et faisant régulièrement peser la menace d’une prise de la capitale régionale, Goma.
L’avancée des Wazalendo interroge sur leurs capacités militaires qui leur permettent de tenir tête avec un certain succès à une armée que même le secrétaire général de l’ONU jugeait publiquement dotée de moyens dont même la MONUSCO était dépourvue.
Pendant que l’armée nationale observe le prescrit principal du Processus, dit de Luanda de novembre 2022, instituant une forme de cessez-le-feu, comptant sur une hypothétique bonne foi d’un ennemi à la solde de l’étranger, les Wazalendo mettent à contribution leur connaissance du terrain, étant essentiellement constitués de jeunes originaires des contrées du Nord-Kivu qui leur permet d’infliger des revers aux forces coalisées M23-RDF.

Un dangereux revers de la médaille
Quand on lui pose la question sur le subit activisme des groupes armés hier encore opposés aux forces loyalistes, Patrick Muyaya, ministre de la Communication et Médias, de surcroît porte-parole du Gouvernement, réserve une réponse immuable : « Nous, en tant que Gouvernement, nous nous en tenons au cessez-le-feu dans le cadre du Processus de Luanda. En revanche, nous ne pouvons pas nous opposer à la volonté des compatriotes qui ont décidé de défendre leur patrie avec les moyens qui sont les leurs », ajoutant que l’institution d’une réserve de l’armée nationale en cours de légalisation est parfaitement en adéquation avec la recherche de l’instauration de la paix dans la partie Est de la RDC.
«Cela ne signifie pas que les Wazalendo, une fois la paix rétablie seront intégrés de manière automatique au sein de nos Forces armées. Un travail fouillé d’identification sera opéré pour nous assurer de la loyauté et des compétences des uns et des autres » a-t-il ajouté.
La question qui se pose est justement celle de savoir le sort qui sera réservé aux Wazalendo dans le cas où ces derniers seraient amenés à revendiquer des gains significatifs dans leur reconquête des territoires perdus depuis la prise du poste frontalier de Bunagana à la mi-juin 2022. Au-delà de la classique demande de l’intégration dans les forces armées loyalistes et le dispositif politique, ils pourraient tout aussi bien engager le gouvernement de Kinshasa à leur concéder une administration autonome au nom de sacrifices consentis dans la libération d’une région longtemps meurtrie.
Mais ceci reste l’une des gageures majeures auxquelles le pouvoir post-élections devra faire face.
A tout prendre, à l’éternel problème sécuritaire de la région meurtrie de l’Est de la République Démocratique du Congo, la montée en puissance des Wazalendos en crée un autre, plus complexe que ce pourquoi ils ont décidé de mettre leur vie en danger.
Dans la région, l’activisme des Wazalendos soulève déjà de vives protestations dans les rangs des partenaires de la RDC au sein de la Communauté de l’Afrique Australe (EAC, en anglais). La récente altercation entre les Wazalendo et les troupes ougandaises opérant dans le cadre de la Force régionale de l’EAC a donné toute l’étendue de ce problème, remettant en cause la sincérité de Kinshasa dans les actions convenues aussi bien à Luanda qu’à Nairobi.
Loin de résoudre l’équation sécuritaire en récupérant du terrain par rapport au M23, les Wazalendo risquent de devenir un vrai problème autant pour Kinshasa que l’ensemble de la région des Grands Lacs.

Ne pas irriter les Nations Unies
Alors qu’au Conseil de sécurité des Nations unies, des lignes en faveur de la RDC, l’intrusion des Wazalendo risque de compliquer la donne.
Ainsi, on apprend que le Conseil de sécurité a condamné lundi le soutien extérieur apporté aux rebelles du M23 et appelé à y mettre un terme et à se retirer immédiatement de la RDC. C’est ce qui ressort d’un communiqué de presse, rendu public par le Conseil de sécurité sur son site, suite à une réunion sur la situation en RDC, lundi.
«Le Conseil condamne le soutien apporté au M23 par toutes parties extérieures et exige d’elles qu’elles y mettent un terme et se retirent immédiatement de la RDC», peut-on lire dans le document.
Le Conseil de sécurité s’est, par ailleurs, déclaré «profondément préoccupé par les informations présentées par le Groupe d’experts sur la RDC concernant l’appui militaire extérieur fourni au M23 et le soutien apporté également aux Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) par des forces militaires [congolaises, ndlr] ». Il a ainsi appelé «au calme » et à «une intensification du dialogue entre la RDC et le Rwanda pour faire avancer une paix durable dans la région ».

Econews

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