Censée décanter la situation autour de la reprise imminente du nouveau format du championnat de la Ligue nationale de football, la réunion, prévue jeudi entre le ministre des Sports et Loisirs, François-Claude Kabulo mwana Kabulo, et les membres du Comité de normalisation de la FECOFA (Fédération congolaise de football association) n’a pas eu lieu. Pour cause, les membres du CONOR ont boycotté la rencontre, apprend-on. Le bras de fer est donc engagé entre les deux camps. Dans une tribune (voir ci-dessous), l’analyste sportif Rombaut Kasongo avait lancé l’alerte sur l’immixtion du ministre des Sports dans une matière qui ne relève pas de sa compétence.
Le statu quo est donc maintenu entre le CONOR et l’ADFCO, cette association qui regroupe les dirigeants des clubs de football, malgré la médiation du ministère des Sports.
L’on apprend qu’à la réunion du jeudi 10 août 2023, les dirigeants des clubs se sont retrouvés seuls au salon bleu du stade des Martyrs de la pentecôte alors que le CONOR a opté pour la politique de la chaise vide. Aucun de deux camps ne veut donc céder du terrain pour permettre un début de championnat en toute sérénité avec une formule issue de la concession qui prévoit deux groupes de dix clubs chacun, répartis par zone géographique. Voici, en intégralité, la tribune prémonitoire de Rombaut Kasongo.
Econews
«CONOR : comment le ministère des Sports joue avec le feu ! »
Alors que les Congolais continuent d’applaudir la bonne organisation des IXèmes Jeux de la Francophonie, tenus du 28 juillet au 6 août 2023, une lettre signée, le 4 août 2023, par le secrétaire général au ministère des Sports, Body Ilonga, risque de freiner le bel élan qui pointe à l’horizon en ce qui concerne la relance des activités sportives en RDC.
Dans cette lettre, le chef de l’administration du ministère des Sports instruit les dirigeants du Comité de Normalisation de la Fédération Congolaise de Football Association (CONOR) de suspendre le démarrage du championnat de la Ligue nationale de football (Linafoot) prévu le 25 août 2023.
«Il vous est demandé d’instruire toutes les Ligues et Ententes provinciales de football de surseoir à l’exécution du calendrier des matches pour la saison 2023-2024 publié par la Linafoot en attendant la décision du gouvernement de la République sur le rapport des travaux de la Commission mixte chargée de l’élaboration de la nouvelle formule réaliste et consensuelle du championnat national de football congolais ». C’est l’essentiel du message contenu dans la lettre que le secrétaire général aux Sports a adressée aux membres du Comité de Normalisation de la Fédération Congolaise de Football Association.
En lisant cette lettre entre les lignes, un verbe a attiré mon attention : instruire. En réalité, le ministère des Sports instruit les membres du CONOR d’instruire, à leur tour, les Ligues et Ententes provinciales. Pour ceux qui suivent le fonctionnement de la Confédération Africaine de Football (CAF) et la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), s’il y a un verbe que ces institutions qui gèrent le football à travers le continent africain et le monde entier détestent chaque jour, c’est «instruire ». En clair, la CAF et la FIFA n’ont jamais toléré que les politiques puissent donner des instructions aux responsables des fédérations nationales quant à l’organisation du football.
Or, l’histoire renseigne que plusieurs pays ont vu la CAF et/ou la FIFA suspendre leurs fédérations à la suite des conflits entre les instances politiques et celles qui gèrent le football. Il faut rappeler que la guéguerre entre le ministère des Sports et le CONOR date depuis que les dirigeants de cette dernière institution avaient rejeté l’idée du ministre des Sports de la RDC, Claude-François Kabulo, de mettre en place une Commission pour élaborer le calendrier du championnat de la Linafoot pour la saison sportive en cours.
Pour montrer qu’ils veulent travailler dans l’indépendance, les dirigeants du CONOR avaient, par le biais de la Linafoot, sorti un calendrier fixant le début du championnat le 25 août.
Certes, la lettre porte la signature du secrétaire général aux Sports, mais une question s’impose : le ministre des Sports, Claude-François Kabulo, n’était-il pas au courant du contenu de la lettre que son SG adressait au CONOR ? Je dis rapidement non parce qu’une copie doit lui avoir été réservée. Cela signifie que le ministre des Sports avait donné le quitus au secrétaire général de son ministère d’adresser cette lettre aux dirigeants du CONOR. Et une autre question traverse mon esprit : en laissant le secrétaire général Body Ilonga écrire une telle lettre, le ministre Kabulo a-t-il calculé les conséquences qui peuvent en découler ?
Cette deuxième question me replonge dans le passé en me rappelant que journaliste sportif à la Radio-Télévision Nationale Congolaise (RTNC), François Kabulo condamnait l’attitude de ceux de ses prédécesseurs qui s’ingéraient dans la gestion de la FECOFA. Il ne cessait de rappeler à ses compatriotes que la FECOFA est l’organe technique quant à la gestion du football en RDC. Pourquoi aujourd’hui veut-il faire subir le même martyr aux responsables du CONOR comme l’ont fait ses prédécesseurs avec les différents comités de la FECOFA ?
Avec l’interpellation le mois passé des membres du CONOR par les services de sécurité congolais, le ministre des Sports devrait réfléchir deux fois avant de chercher à engager un bras de fer avec la CAF et/ou la FIFA par la FECOFA interposée. Car, selon des sources, les membres du CONOR, refusant de travailler sous la conduite d’un membre du gouvernement, seraient prêts à se plaindre auprès des dirigeants de la CAF et de la FIFA. Or, si leurs plaintes sont prises en compte, les conséquences sont déjà connues : la FECOFA sera suspendue, avec elle toutes les sélections nationales et les clubs qui prennent part aux compétitions interclubs organisées par la CAF.
La conséquence directe est que les Léopards A qui sont presque qualifiés pour la prochaine CAN qui aura lieu en janvier 2024, en Côte d’Ivoire, et les joueurs du TP Mazembe, du FC Lupopo et de l’As V.Club devront ranger leurs bottines parce que privés de compétition. Dans un pays où la population va noyer ses soucis dans des stades pour oublier sa misère et à la veille des échéances électorales, priver les Congolais de son menu (à cause des humeurs de certaines personnes), serait tout simplement suicidaire. Déjà, la RDC peine à faire homologuer les stades des Martyrs (Kinshasa) et Kibasa Maliba (Lubumbashi), il ne faut pas lui ajouter un autre fardeau.
Au ministre Claude-François Kabulo nous demandons une chose : réécouter les critiques qu’il formulait contre les ministres des Sports qui avaient l’habitude de s’immiscer dans la gestion du football en RDC. Cet exercice pourra lui permettre de se ressaisir. Sinon, il risque de donner raison à ceux qui affirment ce qui suit : « La critique est facile, mais l’art est difficile» .
Rombaut Kasongo Mabia
Journaliste et analyste sportif