à 15 mois de la fin du mandat présidentiel : Tshisekedi, leader d’une majorité dispersée, fait face à une opposition faible

Bientôt, le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, commandant de bord de l’Union sacrée de la nation, va amorcer la descente de son mandat présidentiel pour un atterrissage aux élections générales de 2023. à 15 mois de cette échéance électorale, le Président Félix Tshisekedi, qui a pu, entre-temps, consolider sa majorité au Parlement, est assuré de conquérir un second mandat. Car, en face de lui, il y a un vide avec une opposition affaiblie et sans âme. Jean-Pierre Bemba, leader du MLC, qui le sait, a d’ores et déjà choisi son camp, s’affichant désormais comme un allié indéfectible du Chef de l’Etat, contrairement à Moïse Katumbi d’Ensemble pour le République qui, lui, ne sait toujours pas se décider, obligé, bon gré mal gré, d’évoluer dans l’ombre de Félix Tshisekedi au sein de l’Union sacrée de la nation. Aux élections de 2023, rien n’est encore joué. Mais, face à une opposition affaiblie, Tshisekedi part avec toutes les faveurs des pronostics.
Dès le début de son mandat, tout était écrit à l’avance que Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, Chef de l’Etat, issu d’un grand parti politique d’opposition, ne devrait pas être un président puissant. Ayant une assise populaire réelle grâce à l’UDPS, Tshisekedi fils a été proclamé président de la République dans un environnement d’inconforts voulu et entretenu.
Joseph Kabila, qui savait très bien que plus personne ne pouvait l’accepter, avait tout fait pour faire passer dans l’opinion que c’était lui qui avait «nommé» Félix Tshisekedi, Président de la République, au détriment de Martin Fayulu. Les faits ont fini par détruire cette thèse.
Dans cette besogne, les Catholiques ont involontairement joué le jeu de Kabila et Fayulu, déterminés à maintenir Tshisekedi en position affaiblie. Les deux premières années de son mandat, Tshisekedi était ridiculisé par le camp Kabila qui disposait d’une majorité fabriquée au Parlement. Il ne pouvait pas diriger le pays sans l’aval de son allié Kabila qui se considérait comme son tuteur. La rupture n’a pas tardé. Usant de ses prérogatives constitutionnelles, Félix Tshisekedi a fini par inverser les tendances.
Deux années après son arrivée au pouvoir, il s’est défait, sans accroc, de ces alliés encombrants du FCC (Front commun pour le Congo) de Joseph Kabila.
Mais, cela ne l’a pas renforcé dans la mesure où, le changement de majorité à l’assemblée nationale, au Sénat et aux provinces s’est opéré à coups de billets verts versés et de pression. Cela avait laissé un goût amer du retour des pratiques décriées du passé : la corruption.

S’aligner ou partir
Sur ce registre, le régime Tshisekedi n’est pas épargné. Des scandales ont été signalés, affaiblissant davantage le régime. Pour prendre un nouveau souffle, Tshisekedi a créé l’Union sacrée de la nation.
Plutôt que d’être un bloc monolithique, les ambitions à un deuxième mandat a obligé le Chef de l’Etat à ignorer ses partenaires en annonçant sa candidature, sans des négociations préalables. «Ou vous acceptez ou vous dégagez », semblait-il vouloir dire. Moïse Katumbi l’a tout de suite compris et s’est immédiatement mis en position d’affirmer son indépendance. Jean-Pierre Bemba l’a aussi compris à sa manière en se rangeant derrière Tshisekedi, abandonnant son compagnon de tout le temps Moïse Katumbi.
Vital Kamerhe, qui vient de sortir vainqueur d’une longue bataille judiciaire, se montre plutôt malin et évite de moins en moins d’irriter le camp présidentiel. Sa dernière sortie médiatique, où il a fait part d’un « leadership visionnaire, rassembleur et éclairé » pour le développement de la RDC, a été retournée dans tous les sens dans la cour présidentielle. Si bien que le leader de l’UNC (Union pour la nation congolaise) s’est vu dans l’obligation, apprend-on, d’éclaircir sa pensée. En tout cas, pour l’instant, Kamerhe est encore gardé en laisse. Le Président de la République, qui reconnaît sa force de persuasion, ne souhaiterait pas l’avoir contre lui. Mais, pour combien de temps encore ? Quoi qu’il en soit, entre Tshisekedi et Kamerhe, le ciel semble totalement dégagé.

Opposition trop faible
D’un autre côté, il y a l’opposition. Plutôt que de se constituer en une force cohérente en vue de l’alternance à la tête de l’Etat aux échéances électorales de 2023, elle se fourvoie dans des considérations qui ne peuvent pas conduire le pays à des lendemains qui chantent. Joseph Kabila, qui a été honni hier, est devenu l’allié privilégié devenant du coup le grand faiseur des rois en République Démocratique du Congo. Dans l’opposition, tous cherchent à s’affilier pour exister politiquement.
Martin Fayulu, donné pour être le «vrai vainqueur », clament toujours ses fanatiques, de la présidentielle de 2018, ne donne pas l’impression d’avoir encore les deux pieds sur terre. Déjà entre lui et son grand allié de Lamuka, Adolphe Muzito du Nouvel Elan, les violons ne semblent plus s’accorder. Ne bénéficiant plus du soutien de ses alliés d’hier, tels que Jean-Pierre Bemba du MLC et Moise Katumbi d’Ensemble pour la République, il a repris sa vraie dimension d’un leader qui n’a pas d’envergure nationale. Cela se constate à travers son parti politique qui n’a pas pris de l’épaisseur dans l’entre-temps alors que de nouveaux venus comme Nouvel Élan d’Adolphe Muzito est en train de gagner tous les coins de la République où il dispose de sièges et de membres visibles.

Katumbi pour équilibrer une opposition essouflée
De son côté, Moïse Katumbi qui ne se détermine toujours pas, court le risque de rejoindre l’opposition en retard et rendre son discours inopérant, lui qui est candidat président de la République pour mettre à mal le président sortant. Plutôt que d’attendre, le chairman d’Ensemble pour la République n’a pas d’autre choix que de quitter le navire Union sacrée pour renforcer l’opposition. Que lui restera-t-il encore en tournant le dos à Félix Tshisekedi ? Se rallier à Fayulu ou retourner là où a commencé sa carrière politique, c’est-à-dire dans le FCC de Joseph Kabila. Un vrai dilemme pour l’homme de Kashobwe.
Depuis son Katanga natal, des notables travaillent pour un rapprochement entre les deux personnalités. Le dernier forum pour la réconciliation des Katangais a jeté les bases de cette union. Mais, sur le terrain politique, tous les éléments du puzzle tardent à se mettre, rendant presqu’hypothétique la reconstitution de la paire Kabila – Katumbi.
Katumbi qui déclare à voix audible qu’il ne partagera pas le bilan de la gouvernance actuelle de Tshisekedi est un potentiel candidat présidentiel qui mettra en difficulté le président sortant. Sa popularité n’attend plus que de s’accompagner d’un discours politique qui aura de l’écho dans l’opinion attentive à l’heure du bilan.
Mais, le camp présidentiel ne le voit pas concurrencer Félix Tshisekedi. «Katumbi ne sera jamais président de la République dans ce pays. Il rêve. On connait ses limites et on sait jusqu’où il peut aller », a confié dernièrement à Econews un membre influent dans la cour présidentielle.
A tout prendre, pour le pouvoir en place à Kinshasa, Katumbi ne représente plus une menace. Son parti, Ensemble pour la République, n’est plus non plus une menace. L’UDPS, le parti au pouvoir, criant plutôt que l’opposition parvienne à refaire son unité. Ce qui n’est pas acquit. Déjà, avec Lamuka, où Fayulu et Muzito sont restés les deux derniers gardiens du temple, des divergences sont telles qu’une désintégration paraît presqu’inévitable.
Quant à Martin Fayulu, le leader de l’ECIDé est plus nostalgique de 2018 qu’il ne sait plus se projeter dans l’avenir.
Comme en 2011, il manque à l’opposition ce poids lourd capable de faire basculer les choses non pas parce qu’il dispose des moyens financiers, mais parce qu’il transpire la détermination dans ses engagements. En 2023, quoi que leader d’une majorité qui peine à se stabiliser, Félix Tshisekedi n’aura pas du mal à se frayer la voie d’un second et dernier mandat présidentiel.

Econews