La vertu politique ou le principe qui fait agir l’Etat-éthique

La République désigne la chose publique, mieux, une société gouvernée par l’intérêt public et uniquement dans cet intérêt. Elle appartient à tous ses citoyens, sans exception. Mais, seuls ceux de ses citoyens dotés de la vertu politique, qui sont donc foncièrement attachés à l’intérêt collectif, font à l’État un sacrifice continuel d’eux-mêmes, de leurs répugnances, de leur égoïsme, de leur indiscipline, de leur avidité, bref, de tous leurs appétits personnels et qui sont épris d’équité et de justice, sont éthiquement appelés à la diriger du sommet à la base.

Cependant, ces qualités et compétences politico-idéologiques, indispensables à la bonne conduite des affaires de l’État, ne se trouvent jamais, mais alors jamais, concentrées et confinées dans une seule et même tribu, dans une seule et même ethnie, dans une seule et même entité linguistique, dans une seule et même entité territoriale de base, dans une seule et même province, ou dans une seule et même confession religieuse, par exemple.

Compétences politiques

Ces qualités et compétences politico-idéologiques, nécessaires à l’exercice des fonctions régaliennes de Président de la République, de chef de corps politiques constitués, de ministre et de toutes les autres responsabilités publiques sont plutôt trouvables chez quelques rares citoyens de toutes les tribus, de toutes les ethnies, de toutes les entités linguistiques, de toutes les entités territoriales de base, de toutes les provinces ou de toutes les confessions religieuses. A condition que le demandeur de ces oiseaux rares soit prémuni du courage et de la volonté politiques de les rechercher objectivement, méticuleusement, activement et systématiquement à travers tout le pays.

Et pour cause? Qu’on se le dise sans ambages: Quel que soit le degré des qualités et des compétences politiques avérées de certains de leurs ressortissants, il n’existe, dans aucun pays au monde, de tribu d’Etat, d’ethnie d’Etat, d’entité linguistique d’Etat, d’entité territoriale de base d’Etat, de province d’Etat ou de confession religieuse d’Etat, celle qui aurait reçu de Dieu ou de la Constitution la mission d’occuper exclusivement ou majoritairement les institutions politiques, les entreprises publiques et les services publics d’une République.

Incompétent politique

Si un leader politique prétend le contraire, en brandissant d’illusoires et de fallacieux prétextes d’ethnie, de province ou de confession religieuse possédant les meilleures compétences politiques du pays afin de justifier son comportement sociopolitique pourtant injuste, il faudrait alors le tenir à l’œil. Car, Il se pourrait qu’il s’agisse là d’un dangereux promoteur et défenseur du tribalisme, de l’ethnocentrisme, du chauvinisme linguistique, du régionalisme, du fondamentalisme religieux, etc., qui sont des constructions spirituelles humaines négatives. Ils expriment des sentiments d’attachement exagéré, excessif et maladif des humains à leur tribu, à leur ethnie, à leur entité linguistique, à leur région ou à leur confession religieuse. Sentiments xénophobes, ils enferment les gens dans leurs carcans tribaux, ethniques, linguistiques, régionaux ou religieux. Ceux qui sont imbus de ces sentiments xénophobes discriminent et excluent les « étrangers » à leur milieu d’origine. Ils divisent et séparent les communautés humaines entre elles. Ils conduisent souvent à des conflits intercommunautaires ou à la dislocation des États.

Un leader politique qui renforce les faiblesses et les défauts d’un État autoritaire, en y ajoutant la xénophobie, ne pourrait prétendre travailler pour l’avènement d’un État-éthique ou de droit. Il serait, dans le fond, politiquement incompétent. Autrement dit, il serait incapable de se mettre sincèrement au service du pays dans son ensemble et de tous ses concitoyens. Sans distinction ou discrimination.

Équilibres géopolitiques

En effet, le principe qui fait agir L’État-éthique ou de droit c’est  plutôt ce que les grands philosophes politiques tels qu’Aristote, Montesquieu, Jean-Jacques Rousseau et Jean-Jacques Chevallier désignent, à tour de rôle, par le vocable « VERTU POLITIQUE ». Les véritables hommes d’État sont justement ceux qui sont habités par la vertu politique, qui sont foncièrement attachés à l’intérêt public, qui font à l’État un sacrifice continuel d’eux-mêmes, de leurs répugnances, de leur égoïsme, de leur indiscipline, de leur avidité, bref, de tous leurs appétits personnels. Ce genre de leaders politiques ne transforme jamais, mais alors jamais, leur propre terroir ethnique ou provincial en centre d’intérêt national. Au contraire, censés se laisser toujours guider par les principes sacrés d’équité et de justice dans tout ce qu’ils entreprennent, ils visent le développement général et durable de toutes les entités sociopolitiques précitées et de tous leurs concitoyens. Et ce, en vue de la cohésion nationale et sociale de l’État qu’ils conduisent.

D’où, parmi les diverses stratégies qu’ils utilisent pour y parvenir, s’impose obligatoirement, outre les qualifications et les compétences politiques,  l’établissement des équilibres géopolitiques entre les différentes entités tribales, ethniques, linguistiques, territoriales de base, provinciales, religieuses, etc., surtout lors de la désignation des candidats au sein de leurs partis politiques, de la nomination discrétionnaire des personnalités à des postes de hautes fonctions politico-idéologiques, politico-judiciaires, politico-administratives, politico-économico-financières, politico-socioculturelles, politico-militaires, politico-sécuritaires et lors de la répartition des investissements publics et privés à travers leur pays.

Mettre l’accent sur l’établissement des équilibres géopolitiques, c’est exiger la distribution équitable et juste des postes à caractère politique et des investissements tant publics que privés entre les diverses composantes de la société. Et ce, en vue du développement intégral, intégré, harmonieux et durable du pays. En tenant compte des spécificités et des aspirations de chacune des entités territoriales décentralisées.

En effet, la géopolitique, telle qu’inventée par les socio-démocrates suédois il y a 98 ans, se veut d’abord être l’étude approfondie des rapports entre les données naturelles de la géographie et la politique d’administration et de gestion des Etats avant de s’étendre aux rapports régissant les divers États entre eux. Que ce soit sur le plan interne ou externe, les équilibres géopolitiques sont donc l’expression de l’équité et de la justice. A l’interne, ils combattent, notamment, les antivaleurs telles que le tribalisme, l’ethnocentrisme, le régionalisme, le fanatisme linguistique, le fondamentalisme religieux et leurs cohortes de discriminations, d’exclusions, d’injustices, etc., en matière de gouvernance publique. Ils valorisent, rapprochent, rassemblent et unissent les diverses communautés humaines. Ils renforcent ou consolident la conscience nationale, l’unité nationale et la cohésion sociale, surtout dans les États de peuplement composite comme la Rd-Congo.

La large intégration de cet État multiethnique, multiculturelle, multilingue, multiconfessionnelle, etc, se réalisera, lentement mais sûrement, notamment par le biais des équilibres géopolitiques mûrement réfléchis et stratégiquement montés durant les différents régimes politiques qui le dirigent. Les subterfuges communautaristes des leaders politiques égocentriques, enclins à nommer prioritairement et majoritairement des ressortissants de leur propre tribu, de leur propre ethnie, de leur entité linguistique, de leur entité territoriale de base, de leur propre province ou de leur propre confession religieuse à des postes de hautes responsabilités publiques et à drainer l’essentiel des investissements tant publics que privés de leur mandat politique vers leur propre terroir ethnique ou provincial, en se retranchant derrière de chimériques et de fallacieux prétextes, sont susceptibles de conduire un État de peuplement composite comme le nôtre vers d’inextricables tribulations ou vers l’implosion.

Quelques exemples concrets pour s’en convaincre? Après 69 ans d’existence en tant qu’Etat uni, l’omnipotente URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques) s’est désintégrée, tel qu’un amas de sable soufflé par un très puissant vent, à cause, essentiellement, de la géopolitique de domination inouïe et insupportable de la Russie par rapport aux autres républiques soviétiques. De même, la Yougoslavie post-Tito s’est émiettée en raison, principalement, de l’hégémonie géopolitique insoutenable de la Serbie comparativement aux autres républiques yougoslaves. Tout près de la Rd-Congo, le Soudan s’est scindé en deux États distincts et séparés suite aux déséquilibres géopolitiques criants entre le Nord, arabe et musulman, et le Sud, noir, chrétien et animiste. Enfin, le Sri-Lanka vit, depuis 49 ans, d’inextricables tribulations dues à la domination inqualifiable du Sud, indien et bouddhiste, sur le Nord, tamoul, hindou et chrétien.

État-éthique

À partir de cette vérité implacable, les planificateurs officiels des programmes et projets de développement et les chasseurs des meilleures têtes politiques, hautement qualifiées et compétentes, doivent s’armer d’intégrité morale, de courage et de volonté politiques leur permettant d’appliquer le principe démocratique d’égalité des chances à l’égard de toutes les entités ethniques, linguistiques, territoriales de base, provinciales et religieuses et de tous les citoyens remplissant les conditions objectives prescrites dans la Constitution.

Quand les planificateurs officiels du développement identifient sérieusement et objectivement les différents sites des 145 territoires devant recevoir des investissements et que le gouvernement finance et réalise effectivement tous les projets de ce programme, le développement intégral, intégré  et durable du pays peut alors être espéré. Lorsque tous les rares génies politiques de toutes les tribus, de toutes les ethnies, de toutes les entités linguistiques,  de toutes les entités territoriales de base, de toutes les provinces et de toutes les confessions religieuses deviennent précieux aux yeux de l’écrasante majorité des caciques des partis politiques, de l’écrasante majorité des chasseurs des têtes politiques les plus qualifiées et les plus compétentes et de l’écrasante majorité des électeurs, les droits inaliénables de tous les citoyens sont particulièrement et indistinctement respectés.

Quand tous les gouvernants réellement institués de Dieu, selon Romains 13: 1-7, se consacrent sincèrement à l’intérêt général, la Rd-Congo peut alors se retrouver foncièrement intégrée. Une RD Congo dans laquelle les citoyens pourraient s’asseoir, ensemble, à la table de la convivialité que vise tout véritable Etat-éthique ou de droit.

MUSENE SANTINI BE-LASAYON