La Banque Centrale du Congo en opération de sauvetage à Afriland First Bank CD

La filiale congolaise de la banque camerounaise Afriland First Bank traverse une zone de très fortes turbulences. Avec le conflit créé en interne par son actionnaire majoritaire, le Camerounais Paul K. Fokam, avec les autres actionnaires minoritaires, Afriland First Bank CD est en mauvaise posture. Ce qui a fini par alerter la Banque Centrale du Congo (BCC), autorité monétaire de la République Démocratique du Congo, qui a décidé de mettre en place un comité provisoire pour sauver ce qui reste encore de cette institution bancaire.
Par un avis au public, signé le 20 juin 2022, Mme la gouverneure de la BCC,  Malangu Kabedi Mbuyi «informe le public que, conformément aux dispositions des articles 41 à 48 de la Loi n° 003/2002 du 02 février 2002 relative à l’activité et au contrôle des Etablissements de Crédit, Afriland First Bank CD s.a. est mise sous gestion d’un Comité d’administration provisoire ».
Par la même décision, la BCC a désigné les personnes chargées de coordonner ce Comité d’administration provisoire. Il s’agit, spécialement de : Monsieur Mudiay Mpinga, président; M. Mbulu Mombito, membre; M. Tshibambe Kishi, membre; M. Mukendi wa Buadi, membre; M. Ngankoy Kampwo Markamp, membre; Mme Masime Zihindula, membre; M. Muwawa Lokenye, membre.
En conséquence de cette décision, «la Banque Centrale du Congo informe le public, les actionnaires, administrateurs, déposants et toute personne disposant à un titre quelconque d’un droit sur les fonds ou avoirs conservés ou détenus par AFRILAND FIRST BANK CD s.a. que le Conseil d’Administration et la Direction Générale de cette banque sont dessaisis de leurs pouvoirs de gestion, à dater du 20 juin 2022 ». Et de préciser : « A cet effet, il leur est substitué le Comité d’administration provisoire, ayant pour tâches essentielles d’assurer la gestion courante de la banque, de servir d’interface avec toutes les parties prenantes à la résolution de la situation de crise qui prévaut dans la banque et de préparer dans un délai de cent quatre-vingts (180) jours francs, à dater de l’affichage du présent Avis au Siège Social, le plan de redressement de AFRILAND FIRST BANK CD s.a.».

Avis des experts
La mise sous tutelle d’Afriland First Bank CD est diversement commentée dans les milieux des experts.
Certains estiment que la BCC, dans son rôle de régulateur du secteur bancaire, n’a pas tiré de leçon de la récente faillite de la BIAC. «Il faut réformer le secteur bancaire. Il faudrait optimiser les règles prudentielles pour amener les banques à être plus résilientes. Les défaillances de la Banque Centrale du Congo comptent pour beaucoup dans cette débâcle attendue. Avant d’être une Banque centrale, elle est aussi une banque. Ce faisant, il faut une autorité pour s’occuper du respect des règles prudentielles comme dans toutes les économies monétaires ordonnées et organisées. La faillite de la BIAC n’a pas enseigné…», note un expert du secteur.
Un autre se décharge tout autant sur la BCC qui, selon lui, a laissé faire, alors les indicateurs d’Afriland First Bank CD viraient déjà au rouge.
«La Banque Centrale constate toujours après tout le monde – ce qui parait être étonnant au regard de la communication quasi quotidienne de la situation financière des banques commerciales – que les ratios d’équilibre de la structure financière des banques privées (commerciales) ont atteint un niveau irrémédiable de restructuration», pense-t-il. Cependant, il est d’avis que «le problème se situerait peut-être plus au niveau de la corruption de nombreux dirigeants de cette banque ou de l’ingérence des autorités politiques qu’à celui des compétences avérées des dirigeants et du personnel de la banque centrale. Parce qu’il n’y a pas qu’à la chambre de compensation où l’on pourrait se rendre compte de la situation financière difficile d’une banque, il y a aussi l’analyse de la situation bilantaire que les banques commerciales communiquent hebdomadairement à la Banque Centrale qui peut alerter la banque centrale sur la gestion hasardeuse de leurs ressources».
Il exprime enfin son dépit : «Mais, tout cela laisse indifférente la Banque centrale qui constate après tout le monde qu’une banque commerciale ne peut plus redresser sa situation financière ! C’est étonnant et à la fois incompréhensible ! »
Quoi qu’il en soit, pour le moment, Afriland First Bank CD n’est pas en situation de faillite déclarée. A la BCC, on rassure que son sort est encore loin de ce qu’a connu la BIAC, en liquidation depuis des années. Avec la mise en place du Comité d’administration provisoire, l’Institut d’émission pense la tirer du gouffre dans lequel l’a plongée son actionnaire majoritaire, le Camerounais Paul Kammogne Fokam.

F.K.