51 51

Alors qu’expire ce dimanche 22 juin le moratoir : la RDC suspendue à un choix crucial : prolonger ou lever l’embargo sur le cobalt ?

Le monde retient son souffle alors qu’expire, ce dimanche 22 juin, le moratoire de quatre mois sur les exportations congolaises de cobalt, un métal dont la RDC contrôle près de 70 % du marché mondial. Depuis février 2025, l’embargo a fait flamber les cours (près de 33 000 USD la tonne) et accentué les tensions sur les chaînes d’approvisionnement. Face aux attentes des industriels et investisseurs, Kinshasa garde le suspense entier : prolongation, levée partielle avec quotas, ou reprise totale ? Les prochains jours seront décisifs.

Le marché international du cobalt vit dans l’attente. Ce dimanche 22 juin expire le moratoire de quatre mois imposé par la République démocratique du Congo (RDC) sur ses exportations de cobalt, un métal stratégique dont elle assure près de 70 % de l’approvisionnement mondial. Depuis février 2025, Kinshasa a suspendu ses ventes à l’étranger, provoquant une flambée des cours et des tensions sur les chaînes d’approvisionnement.

UNE DECISION CRUCIALE POUR L’ECONOMIE MONDIALE

La mesure, justifiée par la nécessité d’évaluer l’impact des exportations massives sur les revenus de l’État et la stabilité du marché, a déjà eu des effets significatifs. Le prix du cobalt a rebondi pour frôler les 33.000 USD la tonne, tandis que les industriels, notamment dans les secteurs des batteries électriques et de l’électronique, commencent à ressentir les effets de la pénurie.

À quelques jours de l’échéance, le gouvernement congolais reste discret sur sa décision finale. Cependant, des indices laissent entrevoir trois scénarios possibles : une levée pure et simple du moratoire, une prolongation de l’embargo, ou une reprise partielle des exportations sous conditions.

LES PISTES ENVISAGEES PAR KINSHASA

Lors d’une visite récente aux installations de la Kamoto Copper Company (KCC) dans le Lualaba, la Première ministre Judith Suminwa Tuluka a assuré qu’une évaluation était en cours et qu’une annonce serait faite prochainement. «Notre objectif est de maximiser les bénéfices pour le pays, tout en maintenant un équilibre sur le marché», a-t-elle déclaré.

De son côté, le Président Félix Tshisekedi a évoqué la possibilité d’une prolongation du moratoire, soulignant la nécessité de garantir des revenus stables pour l’État et de renforcer la position des acteurs locaux. Toutefois, en cas de levée du moratoire, des mesures d’accompagnement – comme des quotas à l’exportation – pourraient être instaurées afin d’éviter un effondrement des cours.

DIVERGENCES ENTRE CMOC ET GLENCORE

Pendant ce temps, un bras de fer continue à opposer deux géants du secteur minier congolais – le Chinois CMOC, propriétaire de TFM, et l’anglo-suisse Glencore, opérant au travers KCC et MUMI – sur l’avenir de l’interdiction d’exportation du cobalt en RDC. En place depuis février, ce moratoire influe fortement sur l’équilibre de l’offre mondiale et sur les stratégies des industriels du secteur.

Le sommet sur le cobalt qui s’était tenu à Singapour il y a presque un mois avait permis de mettre en lumière les différentes postures des acteurs du secteur, leurs convergences et divergences sur l’industrie.

CMOC, premier producteur mondial de cobalt en RDC, réclame, depuis toujours, la levée rapide de la suspension des exportations. Kenny Ives, vice-président du groupe, avait averti que les stocks détenus par les clients chinois «s’épuisent rapidement» et que poursuivre l’embargo risquerait de pousser les constructeurs automobiles à accélérer leur transition vers des batteries lithium-ion sans cobalt, ce qui menacerait la demande future en ce métal stratégique.

L’information de M. Ives contrastait cependant avec celle de Shirley Wang, directrice de la Shanghai Metals Market, qui avait déclaré que les consommateurs chinois avaient assez de stock pour tenir six mois malgré l’interdiction.

À l’opposé, Glencore s’est montré plutôt favorable au maintien du statu quo afin de rééquilibrer le marché mondial. Pour le groupe, l’interdiction a permis de faire remonter les cours et de prévenir une nouvelle surabondance de l’offre. Glencore est allé jusqu’à proposer l’instauration d’un système de quotas mensuels d’exportation, plus souple qu’un moratoire total, et se disant prêt à soutenir cette mesure auprès des autorités congolaises.

Depuis l’instauration de l’embargo, le prix du cobalt a bondi de plus de 50 %, passant de 21.000 USD à plus de 33.000 USD la tonne sur le London Metal Exchange. Cette flambée du prix illustre la place centrale de la RDC dans l’approvisionnement mondial et le rôle déterminant de ses décisions politiques pour la filière des batteries électriques.

LES ENJEUX POUR LA RDC ET LE MARCHE

Le verdict congolais sur l’embargo sera scruté de près par l’ensemble des acteurs industriels et financiers. L’opposition de Glencore et CMOC se fait aussi sur fond de rivalité économique sur le marché. En 2023, à la suite de la chute des prix sur le marché mondial, Glencore avait dû ralentir sa production sur ses mines de KCC et Mutanda. Un ralentissement qui avait profité à CMOC qui, n’ayant pas ralenti sa production, est depuis devenu le premier producteur mondial.

La décision de Kinshasa aura des répercussions bien au-delà des frontières congolaises. Les grands consommateurs, comme la Chine, les États-Unis et l’Europe, suivent de près les annonces à venir. Les industriels redoutent une crise d’approvisionnement prolongée, tandis que les investisseurs spéculent sur une nouvelle hausse des prix si les restrictions persistent.

Pour la RDC, l’enjeu est double : optimiser ses revenus miniers, tout en évitant de perdre des parts de marché au profit d’autres producteurs, comme l’Australie ou l’Indonésie. Une sortie de crise équilibrée s’impose donc, sous peine de déséquilibrer durablement un secteur clé de l’économie mondiale.

La balle est désormais dans le camp des autorités congolaises. D’ici dimanche, le monde saura si le cobalt congolais retrouvera le chemin des marchés internationaux – et à quel prix.

Econews