«Crise humanitaire» en RDC, ONU : pyromane et sapeur-pompier

Des chiffres qui font froid dans le dos : 26 millions de Congolais seraient dans une situation de précarité avancée; 6,4 millions d’enfants en bas âge en situation de malnutrition alarmante; 5 millions de déplacés internes. La solution consisterait à mobiliser d’urgence plus de 2 milliards de dollars US, selon l’appel désespéré lancé par le Bureau de coordination des affaires humanitaires en République Démocratique du Congo (OCHA), l’un des départements du Secrétariat des Nations-Unies, conjointement avec le gouvernement congolais. Depuis la publication de ce rapport, son coordonnateur résident, Bruno Lemarquis, secoue ciel et terre, faisant valoir que le pays fait face à la plus grande crise humanitaire de tous les temps, et la levée de fonds lancée n’a pas son pareil dans l’histoire des Nations Unies. Il y a urgence, estime-t-il, avant que ne soit décrété l’état de famine généralisée en RDC.
L’information relayée par tous les médias internationaux a fait le tour du monde : la situation humanitaire en République Démocratique du Congo n’est comparable à nulle autre pareille au cours des dernières décennies dans le monde. Elle est même enduite du vernis plus qu’officiel, étant contenue dans le ’’Plan de réponse humanitaire’’ établi conjointement par OCHA et le gouvernement congolais, et portant sur un projet de financement des besoins humanitaires d’urgence. Un authentique appel à la communauté internationale à voler au secours d’un peuple menacé d’une disparition imminente.
Le Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l’Onu en RDC affirme d’une part que les besoins humanitaires sont d’une urgence extrême dans les provinces de l’Est du pays affectées par les agressions armées à répétition dont celle de la ‘’rébellion’’ du M23 ouvertement soutenue par l’armée rwandaise dans le Nord-Kivu, et qui a occasionné le déplacement de plus d’un demi-million d’habitants des territoires de Rutshuru et de Masisi; et de l’autre, que la situation de carence nutritionnelle n’épargne aucune des 26 provinces de la RDC.

Des interrogations
L’intérêt subite exprimé par la communauté internationale par le biais du Bureau des Nations Unies en RDC ne laisse pas de susciter quelques interrogations. Sa motivation ne serait pas étrangère à la déception des peuples congolais en particulier et africain en général, qui reprochent aux puissances occidentales de focaliser leurs forces et pressions multiformes sur la guerre russo-ukrainienne au détriment de la montée des mouvements djihadistes et autres dans le Sahel et en Afrique centrale.
Dans les milieux gouvernementaux à Kinshasa, l’on ne cache pas un certain scepticisme quant à l’aboutissement de la levée des fonds annoncée par OCHA, quoique avec l’assentiment des instances officielles. S’exprimant sous le sceau de l’anonymat, un proche du ministère des Affaires étrangères contacté par Econews estime que «le brusque intérêt de l’ONU pour la situation humanitaire dans notre pays est de la simple poudre aux yeux. En réalité, il est destiné à préparer la venue du président français Emmanuel Macron attendu à Kinshasa au début du mois de mars, et dont la visite n’est pas la bienvenue en raison de l’appui de son pays au Rwanda que du reste il n’a jamais condamné dans son agression contre la RDC».
Et il y a plus; la déception du pouvoir de Kinshasa dictée par la frilosité des membres du Conseil de sécurité des Nations Unies à exercer des pressions décisives sur le président rwandais pourrait l’amener à se trouver de nouveaux alliés plus combatifs. Ici, tous les regards se tournent vers l’organisation paramilitaire Wagner déjà présente sur le territoire centrafricain voisin.
Selon notre interlocuteur, «la probabilité que Wagner débarque à brève échéance dans l’Est de la RDC n’est pas à écarter. De toute façon, le président Tshisekedi n’a plus le choix. Il est désormais conscient du piège dans lequel il est tombé en adhérant à la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC), dont le corps expéditionnaire est inexplicablement inopérant».
L’intention d’OCHA est certes à saluer; mais les mécanismes de levée des fonds par des organismes des Nations Unies s’étalent sur des périodes allant de mois à plusieurs années. Lever 2 milliards de dollars US n’est pas une sinécure dans un environnement international miné par la crise énergétique et la guerre aux portes de l’Europe. Les alliés de la RDC par l’ONU interposés ont clairement d’autres priorités. Dans ce cas, Kinshasa devrait se déterminer. Et faire le choix cornélien de choisir entre le pyromane et le sapeur- pompier. Un choix difficile quand les deux ne font qu’un.

Econews