Dédollarisation : davantage de pays cherchent des alternatives au dollar américain

Depuis plus d’un demi-siècle, le dollar américain domine en tant que monnaie de réserve internationale. Cette hégémonie vigoureusement protégée permet aux États-Unis de soumettre nombre de pays à leur politique et à celle de leur Banque centrale. Mais plusieurs événements récents ont donné naissance à un mouvement de dédollarisation qui ne cesse de grandir, notamment depuis le conflit ukrainien. Vers quel nouveau système monétaire se dirige-t-on ? Si l’hégémonie du dollar américain n’est pas menacée à court terme, deux blocs distincts, celui de l’Occident et celui des partisans d’un autre système monétaire international, semblent en train d’émerger, ouvrant la voie à la dédollarisation.
Le dollar américain a dominé le commerce mondial et les flux de capitaux pendant de nombreuses décennies. Cependant, de nombreux pays recherchent des alternatives au billet vert pour réduire leur dépendance vis-à-vis des États-Unis. La dollarisation, qui n’épargne aucun pays du monde, paraît comme un monstre à plusieurs têtes, plombant plusieurs économies, à l’instar de celle de la République Démocratique du Congo, fortement dollarisée.

La domination du dollar US
Les États-Unis sont devenus, presque du jour au lendemain, la première puissance financière après la première guerre mondiale. Le pays n’est entré en guerre qu’en 1917 et en est ressorti bien plus fort que ses homologues européens.
En conséquence, le dollar américain a commencé à remplacer la livre sterling en tant que monnaie de réserve internationale et les États-Unis sont également devenus un destinataire important des entrées d’or en temps de guerre.
Le dollar américain a ensuite acquis un rôle plus important en 1944, lorsque 44 pays ont signé l’accord de Bretton Woods, créant un régime de change international collectif indexé sur le dollar américain, qui était, à son tour, indexé sur le prix de l’or.
À la fin des années 1960, les exportations européennes et japonaises sont devenues plus compétitives, à l’instar des exportations américaines. Il y avait une grande quantité de dollars américain dans le monde, ce qui rendait difficile de soutenir des dollars avec de l’or. Le président américain, Nixon a mis fin à la convertibilité directe des dollars américains en or en 1971. Cela a mis fin à la fois à l’étalon-or et à la limite de la quantité de monnaie pouvant être imprimée.
Bien qu’il soit resté la monnaie de réserve internationale, le dollar américain a de plus en plus perdu son pouvoir d’achat depuis lors.

Les pas de la Russie et de la Chine vers la dédollarisation
Préoccupés par la domination des Etats-Unis sur le système financier mondial et la capacité du pays à le «militariser », d’autres nations ont testé des alternatives pour réduire l’hégémonie du dollar américain.
Alors que les États-Unis et d’autres pays occidentaux imposaient des sanctions économiques à la Russie en réponse à son invasion de l’Ukraine, Moscou et le gouvernement chinois se sont associés pour réduire la dépendance au dollar américain et établir une coopération entre leurs systèmes financiers.
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, le commerce rouble-yuan a été multiplié par quatre-vingts. La Russie et l’Iran travaillent également ensemble pour lancer une crypto-monnaie adossée à l’or, selon l’agence de presse russe Vedmosti.
De plus, les banques centrales (en particulier celles de Russie et de Chine) ont acheté de l’or au rythme le plus rapide depuis 1967 alors que les pays s’efforcent de diversifier leurs réserves loin du dollar américain.

Comment les autres pays réduisent leur dépendance au dollar
La dédollarisation est un thème dans d’autres parties du monde. Ces derniers mois, le Brésil et l’Argentine ont discuté de la création d’une monnaie commune pour les deux plus grandes économies d’Amérique du Sud.
Lors d’une conférence à Singapour en janvier, plusieurs anciens responsables d’Asie du Sud-Est ont parlé des efforts de dédollarisation en cours.
Les Émirats arabes unis et l’Inde sont en pourparlers pour utiliser les roupies pour échanger des matières premières non pétrolières en s’éloignant du dollar, selon Reuters.
Pour la première fois en 48 ans, l’Arabie saoudite a déclaré que la nation riche en pétrole était ouverte aux échanges de devises autres que le dollar américain.
Malgré ces mouvements, peu s’attendent à voir bientôt la fin du statut souverain mondial du dollar américain. Actuellement, les banques centrales détiennent encore environ 60 % de leurs réserves de change en dollars américain.

Conclusion
Finalement, si l’on souhaitait conclure sur ce qui n’est que le début d’un nouveau cycle économique augurant des rapports de forces économiques de plus en plus violents, les Etats-Unis semblent être pris à leur propre jeu de sanctions à vouloir imposer leurs lois à leurs partenaires.
Lors du Forum économique de Saint Petersburg en 2018, le Président Emmanuel Macron et le Président Vladimir Poutine échangeaient justement sur les problématiques que rencontrent les pays européens vis-à-vis de leur allié américain en matière de sanctions économiques considérables. Le Président Poutine déclarait alors : «il est nécessaire de mettre fin à ces pratiques. C’est inacceptable. […] Cela détruit l’ordre mondial existant. Nous devons convenir avec nos partenaires américains des règles de conduite communes». Et d’ajouter «La confiance : soit il y a de la confiance, soit il n’y en a pas ».
Par ailleurs, il est intéressant de noter que la stratégie de Pékin en matière de crypto-devise complète parfaitement son projet global des Nouvelles Routes de la Soie (Belt and Road Initiative), reliant la Chine à l’Europe en passant par les pays eurasiatiques, le continent africain et le Moyen-Orient, par la terre (chemins de fer, autoroutes) et par la mer (ports maritimes internationaux). Dans le cadre de ce projet titanesque dans lequel Pékin investit massivement, l’utilisation d’un crypto-yuan relié à un système de paiement 100% digital permettrait de faciliter à l’extrême les relations financières et commerciales.
L’on comprend parfaitement pourquoi la Russie avec son e-rouble, l’Union européenne avec son projet d’euro numérique et les Etats-Unis avec leur crypto-dollar souhaitent également aller vite dans le développement de ce nouveau type de devise afin de ne pas se faire supplanter purement et simplement par le e-yuan qui deviendrait alors la monnaie internationale de référence.
Explicité dans un rapport de mars 2021 publié par le Council on Foreign Relations dans un rapport indépendant, la Chine est en train de créer de véritables Routes de la Soie Digitales, dépassant de loin ce qui a pu être déjà construit entre les Etats-Unis et le reste du monde après la seconde Guerre mondiale.
Se servant de la crise sanitaire mondiale du COVID-19 pour redorer son image aux yeux des économies occidentales via le concept de HealthSilk Road, il conviendrait cependant de rester en alerte quant aux challenges futurs qui se présenteront si le yuan (ou bien e-yuan) devenait la devise prédominante dans les échanges économiques mondiaux.

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