Depuis Lubumbashi : Le front katangais anti-Tshisekedi se forme autour de Katumbi

Lubumbashi, chef-lieu de la province du Haut-Katanga, accueille, du 17 au 19 mai 2022, le Forum pour l’unité et la réconciliation des Katangais, une initiative de l’Assemblée épiscopale de la province ecclésiastique de Lubumbashi. Tous les notables katangais – en tout cas ce qu’il y a de plus représentatif – ont répondu à l’appel de Mgr Fulgence Muteba, archevêque de Lubumbashi. Dans le décor du Centre pastoral Mgr Jean-Pierre Tafunga que les Katangais de quatre provinces démembrées du Grand Katanga (Lualaba, Tanganyika, Haut-Katanga et Haut-Lomami) se sont donné rendez-vous pour sceller un nouveau pacte de l’unité et de la réconciliation. Joseph Kabila j’était absent, mais sa jumelle, Jaynet Kabila, était là. Tout comme ses principaux lieutenants. Moïse Katumbi, qu’on présente comme le grand gagnant de ce Forum, était bel et bien là, aux premières loges, assis aux côté de Jaynet Kabila. Un détail qui n’est pas passé inaperçu. Loin de Lubumbashi, c’est à quoi que le cercle de Tshikedistes suive de près ce qui se passe dans la ville cuprifère. Si Mgr Muteba a exclu d’avance tout rapprochement politique, on soupçonne qu’à Lubumbashi un front anti-Tshisekedi se met en place.
Le populaire et riche homme d’affaires Moïse Katumbi est le super gagnant de la réconciliation entre Katangais. Katumbi sortira ragaillardi de cette réconciliation qu’il a voulue, voire pilotée à travers Mgr Fulgence Muteba, archevêque de Lubumbashi
Tous les lieutenants katangais de l’ancien président Joseph Kabila sont au rendez-vous. Ils sont très engagés dans ce processus au point qu’un congrès du PPRD qui allait être organisé, a été recalé. Les extrémistes kabilistes n’avaient pas encore compris que leur leader était déjà favorable à un soutien inconditionnel à Moïse Katumbi. Oublier le passé afin de récupérer le pouvoir pour enfin redonner aux fils du Katanga, la possibilité de revenir légalement au-devant de la scène politique.
Dans la tête des participants, le plus important est de se remettre ensemble, puis de cheminer ensemble pour la bataille de la présidentielle de 2023 contre le président sortant Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.
C’est très clair que cette rencontre de réconciliation officiée par l’archevêque de Lubumbashi, le très respecté Mgr Fulgence Muteba, a comme justification plausible, barrer la voie du deuxième mandat à Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Si le prince de l’église catholique l’ignore, les observateurs, eux, ont vite fait le lien.

Katumbi présent, Kabila absent
Lors de la première journée, Moïse Katumbi rassuré était bien présent. Il a effectué le déplacement. Ses lieutenants katangais sont aussi nombreux à ce rendez-vous. Une chose se dégage du camp Katumbi : l’humilité. C’est une sorte d’assurance que tout va bien. Que le plan initial se déroule comme prévu.
Rassuré de l’issue des travaux et humble comme Job, le redoutable candidat opposé au président sortant construit sa victoire qui aura comme socle cette réconciliation entre Katangais.
Quant à l’absence de Joseph Kabila, elle est stratégique. L’ancien président de la République a, selon son entourage, un rendez-vous médical en Afrique du Sud.
Il soutient cependant la tenue de ce Forum. C’est dans un message posté sur son compte twitter que Mme Olive Lembe Kabila fait part de la position de son mardi
«Mon mari et moi katangaise par alliance, saluons l’initiative courageuse et louable de Mgr Fulgence Muteba, en ce 17 mai historique, celle de réunir les fils et filles du katanga et de mettre fin à ce tourbillon périlleux des divisions. Que l’amour et l’unité triomphent », a écrit l’épouse de Joseph Kabila, l’ex-Fisrt Lady.
Au dernier jour des travaux, des sources précisent que Joseph Kabila retrouvera Moïse Katumbi, son vrai tombeur, dans la salle pour une réconciliation sincère. C’est la stratégie mise en place.
Tout est fait pour donner la solennité qu’il faut à cette rencontre, annonciatrice du retour du Katanga au sommet de l’Etat par la voie des urnes.

Des voix discordantes
Autour de Mgr Fulgence Muteba, ce ne sont pas tous les notables katangais qui ont répondu. Certains, notamment ceux qui se réclament de l’Union sacrée de la nation, ont boycotté le Forum, ne se sentant pas concernés par ce qui se fait à Lubumbashi. D’autres, par contre, à l’instar de Richard Muyej, gouverneur non suspendu de la province du Lualaba, n’ont pas pu atteindre Lubumbashi, pour des raisons non élucidées.
Eddy Kapend, condamné, puis amnistié dans le dossier de l’assassinat de M’zee Laurent-Désiré Kabila, n’a pas fait le déplacement de Lubumbashi. Il a plutôt choisi cette journée du 17 mai, date de l’entrée triomphale des troupes de l’AFDL à Kinshasa, pour tenir une conférence de presse.
L’occasion faisant le larron, Eddy Kapend s’est désolidarisé de tout ce qui se fait à Lubumbashi. «Je n’y comprends rien. Des gens sérieux devraient s’interdire pareille réflexion », a-t-il dit, critiquant sévèrement le Forum de Lubumbashi.
Délivré de la geôle de Makala par le Président Félix Tshisekedi, Eddy Kapend soupçonne un agenda caché derrière le Forum de Lubumbashi : « S’il doit avoir la réconciliation, ça doit être la réconciliation entre les politiciens et le peuple. Ce peuple a faim. Les politiciens ont plusieurs mécanismes de réconciliation, le Parlement existe. Cette rencontre de Lubumbashi n’a rien de réconciliation ».
Le choix de la date du 17 mai, pour la tenue de ce Forum, le révolte : «Je ne comprends pas qu’on ait choisi cette date pour organiser le Forum interkatangais». Enfin de compte, il note que ce Forum porte la marque d’une «réconciliation à géométrie variable» et relève d’une «grosse manipulation ».

Le Camp Tshisekedi aux aguets
A Kinshasa, le camp Tshisekedi suit de près ce qui se dit à Lubumbashi. Si Mgr Fulgence Muteba, initiateur du Forum, exclut tout objectif politique, des observateurs pensent que l’unité et la réconciliation des Katangais a des visées bien plus politique qu’on ne le croit.
Un cadre de l’UDPS, le parti au pouvoir, ne va pas avec le dos de la cuillère : «Les Katangais n’ont jamais digéré l’arrivée au pouvoir de leurs principaux rivaux, les Kasaïens. A Lubumbashi, ils ont accepté de mettre de côté leurs divergences, enterrer leur hache de guerre pour s’unir autour d’un seul combat : reconquérir le pouvoir. On n’est pas dupe. Nous savons ce qui se passe. On n’est pas non plus naïf. En face, ils vont nous trouver sur leur chemin. Nous nous nous préparons aussi à conserver le plus longtemps possible ce pouvoir. Nous l’arracher ne sera pas une partie de plaisir ».

Econews