Deux femmes aux commandes de mission de paix de l’ONU en Afrique Centrale

Après Bintou Keïta à la Monusco, la Rwandaise Valentine Rugwabiza à la Minusca
Après la Guinéenne Bintou Keïta en RDC, c’est à la Rwandaise Valentine Rugwabiza que l’ONU a fait recours pour la conduite de sa mission de paix en Centrafrique (Minusca).
L’ancienne ambassadrice du Rwanda auprès de l’ONU remplace le Sénégalais Mankeur Ndiaye. Cette diplomate expérimentée prend la tête d’une mission dont le président Paul Kagame avait récemment critiqué l’efficacité.
La nomination de Valentine Rugwabiza à la tête de la Mission de maintien de la paix de l’ONU en Centrafrique (Minusca) a été officialisée par un communiqué, le 23 février. À 58 ans, cette diplomate chevronnée succède donc au Sénégalais Mankeur Ndiaye, en poste depuis février 2019. Selon nos informations, le mandat de ce dernier ayant été étendu d’un mois, Valentine Rugwabiza ne devrait officiellement entrer en fonction qu’en avril.

De Genève à New York
En poste à New York depuis 2016 en tant qu’ambassadrice du Rwanda auprès de l’ONU, Valentine Rugwabiza est l’une des diplomates rwandaises les plus expérimentées. C’est auprès des Nations Unies, à Genève, que cette diplômée en économie obtient son premier poste de représentation, en 2002. Elle devient alors aussi coordinatrice du groupe des ambassadeurs africains à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Trois ans plus tard, elle est nommée directrice adjointe de l’OMC, où elle restera huit ans en poste et laissera une bonne impression – Pascal Lamy, l’ancien patron de l’organisation, parlait d’elle comme de «l’un de ses meilleurs recrutements ».
Elle retourne ensuite à Kigali pour prendre la tête du très stratégique Rwanda Development Board. Cette agence gouvernementale créée en 2008 est l’un des piliers de la stratégie du Rwanda pour attirer des investisseurs. Avant de revenir dans l’appareil onusien, elle servira deux ans, entre 2014 et 2016, en tant que ministre des Affaires étrangères chargée de l’East African Community (EAC). Valentine Rugwabiza a également été l’une des premières collaboratrices de la Première dame, Jeanette Kagame, au sein de l’Imbuto Foundation, par laquelle de nombreux membres du cabinet présidentiel sont aussi passés.

Axe Kigali-Bangui
La nomination d’une diplomate rwandaise en Centrafrique est loin d’être anodine. Voilà plusieurs années que Kigali développe une coopération accrue avec Bangui sur le plan sécuritaire. Engagé depuis 2014 au sein de la mission de maintien de la paix déployée en Centrafrique, le Rwanda est aujourd’hui son principal contributeur : en novembre 2021, 1696 militaires et 505 policiers rwandais étaient déployés dans le cadre de la Minusca. À cet engagement au sein de l’ONU est venu s’ajouter une coopération sécuritaire d’État à État, puisque Kigali envoie aussi des troupes à titre bilatéral, sur un terrain où sont déjà présents les mercenaires de la société Wagner.
Interrogé par Jeune Afrique sur ce double engagement en 2021, le président Kagame avait justifié ce choix tout en se montrant critique sur l’efficacité de la mission onusienne. «Il y a une force sur place qui est censée maintenir la paix, mais elle est pieds et poings liés, comme en 1994 au Rwanda […]. Par moment, les rebelles sont parfaitement libres de circuler ou de tirer sur les troupes de l’ONU», avait-il fustigé.
Depuis la visite de Paul Kagame à Bangui, en octobre 2019, la coopération s’est aussi étendue au domaine économique, avec la signature de plusieurs accords, notamment dans le secteur minier, et avec l’implantation prochaine du puissant fonds d’investissement Crystal Ventures.

L’épineuse équation des mercenaires russes
Diplômée de l’ancienne Université nationale du Zaïre, campus de Lubumbashi, la nouvelle cheffe de la Minusca hérite d’une mission délicate marquée, notamment par la présence sur le territoire centrafricain d’une mission militaire russe.
Parlant anglais, français, swahili et kinyarwanda, Valentine Rugwabiza arrive donc aux commandes de la Minusca à un moment où les relations sont à couteaux tirés entre la force multidime-nsionnelle et le pouvoir centrafricain. Mais elle a un atout. Avec près de 1.700 soldats et 500 gendarmes, les Rwandais forment le plus important contingent des 12.000 casques bleus déployés par l’ONU en Centrafrique. L’ancienne directrice adjointe de l’OMC peut aussi s’appuyer sur la coopération sécuritaire d’Etat à Etat qu’entretiennent Kigali et Bangui. Des soldats rwandais sont déployés dans la capitale centrafricaine au niveau bilatéral pour faire respecter l’Accord de 2019, signé par le gouvernement et quatorze groupes armés pour «la paix et la réconciliation en République centrafricaine».
Reste à cette diplomate chevronnée un défi à relever avant tout en posant ses valises à Bangui : résoudre l’épineuse équation des mercenaires russes de la société Wagner présents dans le pays dont les relations avec la Minusca sont particulièrement tendues. Et ce n’est pas le moindre des challenges, comme le magazine Enjeux Africains, édité depuis Paris.

Econews avec JA