Face au M23, Félix Tshisekedi opte pour la guerre et exclut tout dialogue

 «Nous sommes prêts à faire face à toute menace»

La participation du chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, à la 78ème session de l’Assemblée générale de l’ONU fera date. Non seulement en raison de sa dénonciation de «l’agression» de son pays par le Rwanda d’une part, et du travail de lobbying auprès des instances de décision américaines d’autre part,  elle lui aura surtout fourni l’occasion de faire entendre le souhait longtemps réfréné du peuple congolais, à savoir celui de passer enfin à l’offensive en vue de déloger les forces d’occupation M23-RDF des zones occupées depuis 15 mois sur une partie de la province du Nord-Kivu. Et au-delà, d’intensifier les opérations militaires contre la centaine de groupes armés dont les Ougandais des ADF en Ituri.

S’adressant à un panel de journalistes en marge de la 78ème session de l’Assemblée générale de l’ONU, le président RD congolais n’y est pas allé par le dos de la cuillère. Face aux menées belliqueuses du Rwanda, Félix Tshisekedi a lâché : «Nous sommes prêts à faire face à toute menace». En clair, le moment est venu de passer à l’offensive avec pour objectif de débarrasser le pays des troupes rwandaises opérant sous le couvert du M23 dans les territoires de Rutshuru, de Masisi et une partie du Nyiragongo.

La déclaration du Chef de l’Etat intervenait quelques heures après que le président rwandais a déclaré que la force régionale de l’EAC présente au Congo n’avait pas pour mission de combattre le M23, mais son mandat consisterait plutôt à décourager par la force toute velléité, d’où qu’elle viendrait, de mettre en péril le cessez-le-feu éventuel. 

Une sortie malencontreuse ou une manœuvre stratégique de désorienter l’opinion nationale et internationale, il n’en reste pas moins que Paul Kagamé, fragilisé par les dernières sanctions américaines qui consistent en la réduction, à partir du 1er octobre 2023, de la coopération militaire avec le Rwanda et la fourniture d’armes à ce pays chercherait une nouvelle voie de sortie de crise en mettant en avant son éternelle thèse qui consiste à présenter le conflit dans l’Est de la RDC comme une affaire congolo-congolaise. 

Que les Etats-Unis sanctionnent le Rwanda pour, entre autres, l’enrôlement d’enfants-soldats dans les rangs du M23 appuyé par les RDF constitue un point de marqué par Kinshasa qui cherche à s’engouffrer dans la brèche et mettre un terme à un conflit qui a jeté sur les routes des milliers de familles qui vivent dans une extrême précarité dans des camps éparpillés aux portes de Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu. 

PASSER ENFIN À L’OFFENSIVE

En décidant enfin de passer à l’offensive, Félix Tshisekedi envoie en réalité un triple message. Le premier est adressé à ses partenaires de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC). Le Kenya, l’Ouganda, le Soudan du Sud (hormis le Burundi) n’auraient dès lors plus de raison de garder leurs troupes au Nord-Kivu, leur mandat n’ayant plus aucune chance d’être renouvelé. Les atermoiements de la force de l’EAC régulièrement accusée par le Chef de l’Etat congolais de composer avec les M23-RDF.

En second lieu, il adresse un message d’apaisement au peuple congolais qui réalise difficilement que les forces armées loyalistes (les FARDC) continuent à ronger leur frein plus d’une année après l’occupation de Bunagana par les forces coalisées M23-RDF, alors que les forces d’occupation installent une administration parallèle dans les zones occupées, exploitant les ressources naturelles au profit du Rwanda.

Troisièmement, il exprime aux capitales de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) l’urgence du déploiement de  sa force en attente sur un terrain débarrassé de l’EAC, aux côtés des FARDC et de l’armée burundaise, celle-ci semblant avoir les faveurs des autorités congolaises.

LEVER LA LOURDE HYPOTHEQUE SUR LES ELECTIONS

Il serait trompeur de considérer que le séjour américain de Félix Tshisekedi et sa suite était essentiellement centré sur des efforts diplomatiques dirigés contre les visées hégémoniques du Rwanda. Encore moins sur la sollicitation continue aux investisseurs intéressés par l’exploitation des immenses richesses naturelles du Congo.

Un autre enjeu, et de taille, est resté omniprésent dans les esprits : celui de l’organisation des élections générales projetées en décembre 2023. Des scrutins largement hypothéquées par l’insécurité généralisée dans des zones sous occupation, où des milliers d’électeurs n’ont pas été enrôlés.

Dans le cas où la situation ne connaitrait pas un retournement favorable dont la libération des territoires occupés et le retour des déplacés dans leurs milieux, la RDC verrait alors un deuxième cycle électoral privé de larges strates de ses électeurs à l’exemple de Beni-Territoire en 2018.

Il y a donc urgence : à défaut de compléter le fichier électoral avec les déplacés de guerre revenus dans leurs terroirs respectifs, au moins l’engagement des FARDC avec l’appui de la population serait un signe de décrispation après des décennies d’incertitude.

Econews