Hoschstein et Fernandez pour les minerais, Kerry pour les hydrocarbures

Le ministre des Mines, Antoinette N’Samba Kalambayi, a reçu, en août dernier, une délégation des Etats-Unis conduite par le sous-secrétaire d’État adjoint en charge de l’Economie et Environnement, Jose W. Fernandez.

Que veulent finalement les amis Américains de l’Est du Congo ? Entre-temps, certains leaders des provinces de l’Est abandonnent leurs terres ancestrales pour s’installer ailleurs au pays, comme pour suggérer aux Etats voisins de les occuper. Pourtant, sous ces terres-là, réside en partie l’avenir de la planète terre…
KINSHASA RESISTE !
Dernier homme d’État américain à séjourner à Kinshasa après Anthony Blinken avec Jose Fernandez en août et Amos Hoschstein en septembre, John Kerry est venu passer aux autorités congolaises un message très complexe et fort perplexe : pas question d’exploiter certains des blocs pétroliers et gaziers ayant pourtant fait tous l’objet d’appels d’offres lancés le 28 juillet dernier par le ministre congolais des Hydrocarbures, Didier Budimbu, et ce, malgré l’argumentation solide du Gouvernement soutenue par le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde et la VPM Eve Bazaïba en charge de l’Environnement et Développement durable.
Kerry a profité des travaux préparatoires de la 27ème conférence annuelle de l’ONU sur le climat (COP27) organisés à Kinshasa du 3 au 5 octobre 2022 pour doucher l’espoir des Congolais de profiter de leurs ressources selon les prescrits de l’article 58 de la Constitution, à savoir : «Tous les Congolais ont le droit de jouir des richesses congolaises. L’Etat a le devoir de les redistribuer équitablement et de garantir le droit au développement ».
C’est vrai qu’il n’est pas venu les mains vides. «Il y a eu une annonce par le président Joe Biden pour l’adaptation et la construction de la résilience. Il a proposé 12 milliards USD pour 5 ans et 3 milliards seront disponibles déjà cette année », a-t-il déclaré.
Combien pour la RDC cette année ? Et combien dans cinq ans ? A ce stade, on n’a pas à s’emballer pour des compensations qui peuvent ne pas venir. En 2009, Hilary Clinton avait annoncé USD 100 milliards restés sur papier.
Il faut plutôt plancher sur la capacité des Congolais de produire des hydrocarbures en quantité suffisante comme le font ses voisins de l’Ouest (Angola et Congo Brazzaville) et de l’Est (Soudan du Sud et Ouganda).
Bien entendu, Kinshasa fait de la résistance. D’abord avec le Premier ministre qui a déploré le fait que « … certains Etats pensent qu’ils sont libres de poursuivre avec leurs émissions, voire de les augmenter, et d’autre part, certains sont empêchés d’exploiter leurs ressources naturelles par simple crainte de l’aggravation des émissions mondiales de gaz à effet de serre». Ensuite avec Eve Bazaïba qui a considéré que « Personne ne peut nous faire pression (…) Aucune convention au monde, pas même l’Accord de Paris, n’interdit à un pays d’émettre du CO2 pour des raisons de développement», avant de rebondir avec cette phrase tranchante : «Autant nous avons besoin de l’oxygène, nous avons aussi besoin du pain».

LES LEADERS DE L’EST A LA RECHERCHE DES NOUVELLES TERRES A L’OUEST
Le rapport avec l’Est, pour le titre, est facile à établir en ce que plusieurs blocs pétroliers et gaziers visés par l’administration américaine sont dans cette partie du pays. Il en est le même des minerais stratégiques.
On n’a pas à être analyste pour circonscrire les enjeux : Washington entend (re) mettre le grappin sur les minerais et les hydrocarbures du Katanga, du Kivu et de l’Orientale, trois des six provinces héritées de sa colonisation via la Belgique. Ces trois ex-provinces qui, en ajoutant le Kasaï, constituent l’espace qu’un certain discours discriminant autour de la CNS présentait en Zaïre Utile, comme pour suggestionner l’existence d’un Zaïre qui ne l’était pas où l’était moins.
Quand la lecture des enjeux inclut alors la situation sécuritaire dans l’Est, on comprend vite que le fameux schéma «Zaïre No Etat» promu de façon informelle en 1996 est en train de se dessiner sous les yeux des Congolais, mais aussi, et pire, avec leur complicité.
Pour rappel, ce schéma, prêté aux Américains qui s’en étaient défendus, consistait à rattacher plusieurs provinces de l’Est aux pays voisins à l’exception du Soudan dont le régime était islamiste blacklisté, les Etats, ci-après : Ouganda, Rwanda, Burundi et Tanzanie, étaient retenus pour « recevoir »  les régions zaïroises.
L’incapacité dans laquelle la Monusco/Monuc a été délibérément mise de ne savoir ni désarmer, ni neutraliser les groupes armés ougandais, rwandais et burundais opérant sur le sol congolais a pour effet planifié de maintenir le pays dans l’insécurité permanente.
Avec la énième agression rwandaise via le M23 – agression qui n’émeut nullement les États-Unis – il y a pis en ce qu’assistant impuissants à la confiscation des ressources naturelles (minerais et hydrocarbures) de leurs provinces, plusieurs leaders et ressortissants de l’Est quittent leurs terres pour s’installer à l’Ouest où la fronde des locaux est à redouter.
Coïncidence malheureuse : l’ex-Equateur voit ses terres rachetées à partir de la Centrafrique pendant que l’ex-Bandundu et le Kongo Central sont en ébullition à cause des terres rachetées on ne sait trop par qui. Si bien que les transplantations opérées autrefois par la Belgique et qui sont à l’origine de l’insécurité dans l’Est sont en train d’être dupliquées dans l’Ouest avec pour finalité de prendre tôt ou tard en étau l’ex-Kasaï…

A LA MANOEUVRE LES PARTENAIRES TRADITIONNELS
En attendant, force est de constater que l’Est du Congo vit un véritable drame pouvant se résumer en ceci :

  1. les Etats voisins, dont particulièrement l’Ouganda et le Rwanda, entretiennent à dessein l’insécurité qui affecte l’Ituri, le Nord-Kivu, le Sud-Kivu, le Maniema et le Tanganyika;
  2. la Force onusienne déployée dans ces provinces pour aider à la restauration de la paix, mais surtout assurer la protection de la population civile, peine à exécuter son mandat;
  3. l’armée congolaise (FARDC) n’a pas toutes les ressources nécessaires pour assurer sa fonction régalienne. D’ailleurs, elle est obligée de voir ses acquisitions en armements soumises par le Conseil de sécurité des Nations Unies à la traçabilité, et cela ne s’appelle pas embargo;
  4. les tentatives des autorités d’exploiter les ressources naturelles, dont les minerais et les hydrocarbures, sont systématiquement étouffées par des puissances étrangères avec, en tête, États-Unis passant pour les parrains de Yoweri Museveni et de Paul Kagame;
  5. plusieurs leaders de l’Est, comme relevé plus haut, quittent leurs terres ancestrales pour en acquérir des nouvelles ailleurs.
  6. au final, ces leaders abandonnent leurs terres à des Etats voisins qui vont les occuper facilement et exploiter à leur guise des richesses du sol (agriculture) et du sous-sol (minerais et hydrocarbures).
    Personne n’est dupe pour croire la population locale, délaissée par son leadership, organiser la résistance contre les occupants.
    Peut-on vraiment dire que ce qui se passe à l’Est soit dans l’intérêt premier de la RDC?
    On devrait plutôt prendre conscience du fait que le Congo est en train de perdre sa partie orientale avec, à la manœuvre, le premier de ses partenaires bilatéraux, dits traditionnels : les États-Unis d’Amérique.
    De quoi (nous) demander ce que ces derniers veulent finalement de l’Est et à l’Est.

EN DEUX MOIS, QUATRE HOMMES D’ETAT AMÉRICAINS
Petit rappel à ceux qui oublient vite : la mission des forces spéciales des États-Unis effectuée en août 2021 au Parc national de Virunga – site qui abrite certains blocs pétroliers et gaziers et certains minerais stratégiques «indexés» – avait été justifiée comme une opération de lutte contre les Adf-Nalu. La mission est rentrée aux USA sans les avoir neutralisés.
Il y a là de quoi pousser certains esprits à croire que l’Est du pays représente un enjeu déterminant connu des initiés.
De quoi surtout convaincre les connaisseurs que ceux des leaders des provinces orientales qui quittent leurs terres sont soit victimes de l’ignorance (ce qui est excusable), soit complices (ce qui relève de la haute trahison).
Les observateurs avisés notent, quant à eux, une première au cours de ces trois dernières décennies : en l’espace de deux mois, Kinshasa a vu passer Blinken, Fernandez, Hoschstein et Kerry.
Tous se sont préoccupés plus des ressources naturelles que de la sécurité de la RDC!
Si ce n’est pas pour une mise en garde, c’est pour quoi alors ?
Omer Nsongo die Lema (CP)