Huawei : la directrice financière, assignée au Canada, a été libérée

La saga diplomatico-judiciaire a pris fin. Après plusieurs années de détention, dans ce qui a été qualifié de « diplomatie des otages », la directrice financière du géant chinois des télécoms Huawei, Meng Wanzhou, a été libérée par le Canada. Depuis Vancouver, samedi 25 septembre, elle a pris l’avion, après trois ans d’assignation à résidence dans cette même ville. De cette façon, elle a échappé à une extradition vers les États-Unis, qui voulaient la juger pour fraude bancaire. Dans le même temps, les Canadiens Michael Spavor et Michael Kovrig, emprisonnés en Chine, ont été libérés.

Ces «trois dernières années, ma vie a été bouleversée», a déclaré devant la presse Meng Wanzhou, 49 ans, surnommée la «princesse » de Huawei, qui a toujours nié les accusations et a plaidé «non coupable» ce vendredi. De son côté, Huawei a affirmé qu’il «se défendrait» contre les allégations de la justice américaine selon lesquelles il a contourné les sanctions contre l’Iran, après l’abandon par les autorités américaines des accusations de fraude à l’encontre de la cadre supérieure Meng Wanzhou. « Huawei continuera à se défendre contre ces allégations devant le tribunal du district Est de New York », a déclaré l’entreprise dans un communiqué, alors que celle-ci rentrait en Chine.

«Un incident purement politique»

Depuis son avion, Meng Wanzhou a posté un message sur les réseaux sociaux chinois remerciant « le parti et le gouvernement ». « C’est cette nuance de rouge brillant chinois qui […] me conduit sur le long chemin du retour », a-t-elle écrit. Quant aux «deux Michael », comme ils sont appelés dans leur pays, c’est le Premier ministre Justin Trudeau qui a annoncé vendredi à la presse la fin de leur détention. « Il y a 12 minutes, Michael Kovrig et Michael Spavor ont quitté l’espace aérien chinois, en route pour la maison », a-t-il dit, sans vouloir donner de détails sur les circonstances de leur libération, car « c’est une opération actuellement en cours ».

Les deux Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor sont arrivés au Canada ce samedi matin, où ils ont été accueillis par le Premier ministre Justin Trudeau. Les deux hommes, relâchés peu après le départ de Meng Wanzhou pour la Chine, ont atterri à Calgary, dans l’ouest du pays. D’après les images diffusées par la chaîne CTV, le Premier ministre les a enlacés sur le tarmac.

Les «deux Michael» ont été arrêtés quelques jours seulement après Meng Wanzhou pour ce qu’Ottawa a qualifié d’accusations d’espionnage « inventées de toutes pièces ». De son côté, Pékin a qualifié le cas de Meng Wanzhou d’« incident purement politique ». Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a rapidement salué la décision des autorités chinoises de libérer les deux Canadiens après leur détention «arbitraire ».

«Une épine de moins»

Le départ de Meng Wanzhou pour la Chine est la concrétisation d’un accord spectaculaire rendu public ce vendredi par un tribunal de New York entre le ministère de la Justice et le mastodonte chinois des télécoms. Lors d’une audience publique du tribunal fédéral de Brooklyn, le représentant du ministère de la Justice David Kessler avait proposé de « reporter » jusqu’au 1er décembre 2022 les « poursuites » engagées depuis fin 2018 contre Meng Wanzhou, notamment pour « complot» en vue de commettre une «fraude bancaire».

L’accord, entériné et qualifié de «sérieux» par le tribunal fédéral de Brooklyn – que le Wall Street Journal a été le premier à dévoiler – prévoyait aussi que Washington recommande à Ottawa de faire «libérer» Meng Wanzhou et abandonne de facto toute demande d’extradition. La justice américaine accusait le numéro 2 du géant chinois des télécoms d’avoir menti à un cadre de la banque HSBC lors d’une rencontre à Hongkong en 2013, à propos des liens entre le groupe chinois et une filiale nommée Skycom qui vendait des équipements à l’Iran, exposant l’établissement à des sanctions américaines.

«La diplomatie des otages fonctionne»

Selon le ministère de la Justice, Meng Wanzhou a reconnu qu’elle avait fait à l’époque «de fausses déclarations» et «dissimulé la vérité» au cadre de HSBC sur les «activités de Huawei en Iran». Si l’accord en justice n’est pas contesté ou rompu d’ici le 1er décembre 2022, les poursuites seront définitivement abandonnées, selon Washington. En Chine, le fait que Meng Wanzhou a reconnu les faits a été effacé d’internet.

L’agence de presse d’État Xinhua a déclaré qu’elle rentrait en Chine «grâce aux efforts incessants du gouvernement chinois », tandis que le rédacteur en chef du journal d’État Global Times l’a déclarée « libérée après avoir plaidé non-coupable». Les médias d’État n’ont pas mentionné la libération des deux Canadiens.

Pékin de son côté a qualifié ce samedi les accusations portées contre Meng Wanzhou d’inventées, assurant qu’il s’agissait de « persécution politique». «La soi-disant allégation de fraude contre Meng Wangzhou est totalement inventée», a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, cité par la chaîne d’État CCTV.

Même si les liens entre le Canada et la Chine «ne reviendront probablement pas à ce qu’ils étaient auparavant», estime l’ancien ambassadeur canadien en Chine, Guy Saint-Jacques, la résolution de cette affaire signifie «une épine de moins» dans les relations bilatérales. Mais le fait que la libération de Michael Kovrig et Michael Spavor coïncide avec celle de Meng Wanzhou «confirme bien qu’il s’agissait d’une diplomatie des otages», considère-t-il.

«Je pense que cela enverra probablement la mauvaise leçon à la Chine», renchérit Lynette Ong, professeure associée de sciences politiques à l’université de Toronto, «que la diplomatie des otages fonctionne».

Huawei a déclaré samedi, dans un communiqué, qu’il «continuera à se défendre» contre les allégations de la justice américaine selon lesquelles il aurait contourné les sanctions contre l’Iran.

Econews