Impasse politique en RDC : l’attente se prolonge pour la nomination d’un Premier ministre

Depuis le 7 février 2024, l’attente se fait longue en République Démocratique du Congo. L’Informateur-formateur désigné à cette date n’a toujours pas été en mesure de produire

un rapport définitif définissant la coalition majoritaire à l’Assemblée nationale. Ce retard a pour conséquence directe le report de la nomination d’un Premier ministre, deux mois après l’investiture du Chef de l’Etat à un second mandat, potentiellement son dernier. Augustin Kabuya, chargé de cette délicate mission, se retrouve face à des défis de taille. La définition d’une majorité parlementaire a été perturbée par les décisions de la Cour constitutionnelle remettant en question la proclamation de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Ces arrêts ont provoqué un véritable séisme politique en interne, avec des invalidations difficiles à accepter pour certains partenaires politiques.

Les jours et les semaines s’égrènent sans que l’Informateur-formateur désigné le 7 février 2024 ne soit en mesure de produire un rapport définitif définissant la coalition majoritaire à l’Assemblée nationale, retardant ipso facto la nomination d’un Premier ministre, deux mois après  l’investiture du Chef de l’Etat à un second et sans doute dernier mandat.

A la décharge d’Augustin Kabuya cependant, force est de lui reconnaître des circonstances atténuantes. La définition d’une majorité parlementaire a connu des perturbations liées notamment aux arrêts de la Cour constitutionnelle qui remettait en question la proclamation de la CENI (Commission électorale nationale indépendante) et provoquant un tsunami à l’interne avec des invalidations difficiles à accepter de la part de partenaires politiques.

La «guerre » entre les différents camps qui ambitionnent d’occuper le perchoir de la chambre basse du Parlement n’est pas non plus de nature à lui faciliter la tâche, en considérant le «poids politique» des proches alliés de Félix Tshisekedi. Des irréductibles du régime qui acceptent difficilement d’être abandonnés sur le bord de la route après avoir «fait réélire» le Chef de l’Etat dans leurs fiefs respectifs.

Plus d’un mois après sa désignation en qualité d’informateur chargé de dégager formellement une majorité à la chambre basse de laquelle sera issu le futur chef du gouvernement, Augustin Kabuya poursuit ses «consultations».

Recevant à tour de rôle les chefs des regroupements politiques alliés se réclamant principalement de l’Union sacrée de la nation, la plateforme à laquelle appartient le président de la République réélu, l’informateur (mué depuis en «formateur») donne l’impression de remettre constamment sa tache sur l’ouvrage au gré des fluctuations qui ont émaillé la publication définitive de la liste des députés véritablement élus.

UNE NOMINATION DANS LA PRECIPITATION

Nommé le 7 février pour un mois renouvelable une fois, l’informateur Augustin Kabuya reste en connexion avec la Cour constitutionnelle qui croule sous une multitude de dossiers en recours portant sur la correction des « erreurs matérielles » consécutive à ses arrêts sur les contentieux en rapport avec les législatives nationales de décembre 2023.

En effet, 49 députés proclamés élus à titre provisoire par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ont été dépossédés de leurs sièges et remplacés. Les plus en vue étant les deux benjamins au bureau provisoire. Serge Bahati et Tito Aje Matembo ont dû céder leur place mais ils n’en continuent pas moins de dénoncer le caractère arbitraire des décisions de la Haute Cour.

Connaissant le caractère ambivalent de la justice congolaise, il n’est pas exclu que certains députés ne soient «repêchés» pour des raisons de leur proximité avec le pouvoir. En pareil cas, l’Informateur sera dans l’obligation de revoir sa copie en urgence au cours de deux semaines qui lui restent de son « mandat.

Mais il se dégage tout de même l’impression que la nomination d’un informateur avant la publication officielle et définitive de députés élus s’est faite dans une précipitation que rien ne justifiait. Elle intervenait, en effet, à un peu plus de deux semaines après l’investiture du Chef de l’Etat pour son deuxième et dernier mandat.

DES LUTTES INTERNES A L’UNION SACREE  

Le 26 février, l’informateur-formateur a présenté son rapport préliminaire au Chef de l’Etat. Félix Tshisekedi lui avait alors demandé de finaliser ledit rapport «en y intégrant certains éléments structurants afin de faciliter la conclusion d’un accord de Gouvernement entre les membres de la coalition majoritaire portant sur la composition du gouvernement et sur les objectifs programmatiques qu’ils se fixent».

Même si la signification de «certains éléments structurants» à intégrer à son rapport demeure un mystère, l’Informateur n’en est pas moins informé de la bataille à peine voilée dans la course au perchoir de l’Assemblée nationale. Face à un Christophe Mboso qui ne cache pas son intention de rempiler, se dresse Vital Kamerhe déterminé à regagner un fauteuil perdu en 2019 à la suite d’un différend avec son parti de l’époque, le PPRD de l’ancien président Joseph Kabila.

Les partisans de l’un et l’autre, à la présence très remarquable sur les réseaux sociaux, n’hésitent désormais plus à user d’un langage d’une extrême virulence, allant jusqu’à la menace. Une attitude qui s’est soldée le vendredi 15 mars par le quasi-lynchage d’un anonyme qui avait eu le tort, lors de l’arrivée triomphale de Vital Kamerhe au Palais du Peuple, d’interroger à haute voix la destination prise par les fonds dans le cadre du Projet dit de 100 Jours du président de la République à l’orée de son premier mandat en 2019.

L’Informateur doit en plus gérer le probable mécontentement de Modeste Bahati, président du Sénat, qui n’a pas digéré la défection de son fils du bureau d’âge de l’Assemblée nationale, mais aussi la perte d’une dizaine de députés invalidés, faisant reculer significativement son regroupement politique AFDC-A qui a perdu sa deuxième place à la représentation nationale après l’UDPS, et désormais précédé de l’UNC de Vital Kamerhe.

Mis en perspective, tous ces éléments perturbateurs doivent interpeller l’Informateur qui, d’une part, doit prêter une attention toute particulière aux dissensions  internes à l’Union sacrée et d’autre part, jouer à l’apaisement des esprits  avant d’en référer à l’ «autorité morale» pour la sanction définitive.

LA BATAILLE DU PERCHOIR

La bataille pour le perchoir de la chambre basse du Parlement fait rage, alimentant les tensions entre les différents camps politiques. Les proches alliés de Félix Tshisekedi exercent une influence considérable, compliquant davantage la tâche d’Augustin Kabuya. Certains acteurs du régime, qui ont joué un rôle majeur dans la réélection du Chef de l’Etat dans leurs régions respectives, refusent d’être relégués au second plan.

Cette impasse politique souligne les divisions profondes au sein du pays et met en lumière les enjeux cruciaux liés à la formation du gouvernement. Tant que la question de la coalition majoritaire ne sera pas résolue, la nomination d’un Premier ministre restera en suspens, laissant le pays dans une incertitude politique préoccupante.

Il est désormais impératif que les différents acteurs politiques fassent preuve de responsabilité et de compromis pour surmonter ces obstacles et permettre au Congo de renouer avec la stabilité et la gouvernance démocratique.

Econews