Kagame menace d’expulser des réfugiés congolais : coup de gueule de Kigali pour faire chanter Kinshasa

Depuis la reprise des violences fin 2021, perpétrées par les milices du M23 dans l’Est de la RDC, 72.000 personnes ont franchi la frontière rwandaise. Kigali n’en veut plus et menace de les renvoyer en République Démocratique du Congo.
En effet, le Rwanda ne peut plus accueillir de réfugiés en provenance de la République Démocratique du Congo, en proie aux violences de groupes armés dans l’Est du pays, a déclaré, lundi 9 janvier à Kigali, son président Paul Kagame. Cette annonce est le dernier épisode en date des vives tensions entre Kigali et Kinshasa.
«Nous ne pouvons pas continuer à accueillir des réfugiés» en provenance de RDC », a déclaré le président Paul Kagame, s’exprimant en anglais devant le Sénat rwandais, poursuivant : «Ce n’est pas le problème du Rwanda. Et nous allons faire en sorte que tout le monde se rende compte que ce n’est pas le problème du Rwanda». Et d’ajouter : «Je refuse que le Rwanda supporte ce fardeau».

Chantage de mauvais goût
Même si la déclaration n’a été suivie d’aucune déclaration du gouvernement congolais, à Kinshasa, on estime que cette énième sortie médiatique de Paul Kagame prouve à suffisance que l’homme de Kigali est aux abois.
«Il est acculé de toutes parts. Ses appuis occidentaux l’abandonnent. Comme un naufragé, il tente de s’accrocher sur tout ce qui se présente devant lui pour se sauver. En réalité, Kagame a peur. Il joue à la provocation. Il attend à ce que Kinshasa réplique en chassant tous les Rwandais qui se trouvent depuis 1994 sur son sol pour crier à la traque des Tutsi. Son jeu est connu. Il est dos au mur. Il est bon pour la poubelle de l’histoire », a fait savoir à Econews, sous le sceau de l’anonymat, un spécialiste de la région des Grands Lacs.
Dans l’Est de la RDC, région instable, riche en ressources minières, les combats entre forces gouvernementales et rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), une ancienne rébellion tutsi, ont exacerbé les tensions avec le Rwanda voisin, que la RDC accuse d’encourager la milice. Kigali nie toute implication.
Ces violences ont poussé de nombreux Congolais à migrer dans les pays voisins, dont le Rwanda. Selon le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (UNHCR), le Rwanda comptait en novembre 2022 quelque 72.000 réfugiés congolais.
Dans un rapport publié en décembre 2022, des experts mandatés par les Nations unies affirment avoir collecté des «preuves substantielles» démontrant «l’intervention directe des forces de défense rwandaises (RDF) sur le territoire de la RDC», au moins entre novembre 2021 et octobre 2022. L’Union européenne a appelé le Rwanda à «cesser de soutenir le M23».

Instrumentaliser le conflit
Le Rwanda a, à plusieurs reprises, imputé la responsabilité de la crise dans l’Est de la République Démocratique du Congo aux autorités de Kinshasa et accusé la communauté internationale de fermer les yeux sur son soutien supposé aux Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un mouvement de rebelles hutu rwandais dont certains impliqués dans le génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda.
Présentée comme une menace par Kigali, l’existence de cette milice et les violences qu’elle inflige aux civils ont justifié les interventions rwandaises passées en territoire congolais.
Le Rwanda a accusé la RDC, où la présidentielle est prévue en décembre 2023, d’instrumentaliser le conflit à des fins électorales et d’avoir « fabriqué » un massacre qui, selon une enquête des Nations unies, a été commis fin novembre par le M23 et a coûté la vie à au moins 131 civils dans les villages de Kishishe et Bambo, selon un bilan encore provisoire.
Des initiatives diplomatiques ont été lancées pour tenter de résoudre la crise de l’Est de la RDC où une force régionale est-africaine, dirigée par le Kenya, est en cours de déploiement.
Hugo Tamusa Avec AFP