Le coût des Jeux de la Francophonie fait polémique : l’OIF audite !

Combien ont coûté finalement les 9èmes Jeux de la Francophonie, organisés du 28 juillet au 6 août 2023, à Kinshasa ? Pour le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, ces Jeux ont coûté à la République sept fois plus que ce qui était prévu, soit 324 millions de dollars américains pour un budget initial de 48 millions USD. «Faux», rétorque Isidore Kwandja, directeur du Comité national des Jeux, qui estime que le ministre des Finances s’est trompé en confondant le budget des Jeux et les travaux d’infrastructures entrepris par le ministère des Infrastructures et Travaux publics. A l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie), co-organisatrice de ces Jeux, on voudrait y avoir aussi clair. A cet effet, une délégation de l’OIF est arrivée à Kinshasa pour mener un audit du budget opérationnel des 9èmes Jeux de Kinshasa, en pleine polémique autour du coût de l’événement.
Après la réussite des 9èmes Jeux de la Franco- phonie de Kinshasa, l’heure est à la reddition des comptes. Déjà, les premiers éléments d’informations ont été révélés par le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, qui a affirmé samedi que les Jeux de Kinshasa avaient coûté près de sept fois plus cher que ce qui était prévu.
«De 48 millions [de dollars US], on est arrivé à 324 millions», a déclaré Nicolas Kazadi, dont les propos ont déclenché, le 28 octobre, des commentaires acerbes sur les réseaux sociaux. «De 12 millions [de dollars] pour les opérations, on est arrivé à 78 millions. De 36 millions pour les investissements, on est arrivé à 246 millions», a détaillé le ministre des Finances.
Nicolas Kazadi estime que «le directeur national des Jeux, de son propre chef, a décidé d’augmenter des rubriques et des budgets sans l’aval du comité de pilotage». Selon le ministre des Finances, il aurait aussi «signé des ordres de paiement pour certains bénéficiaires que lui-même avait décidé de recruter, sans avoir la provision budgétaire nécessaire».
Directement visé, le directeur du Comité national d’organisation, Isidore Kwandja, n’a pas tardé à réagir via son compte twitter, se disant «surpris » des chiffres avancés par le ministre des Finances.
Sur son compte X (ex-twitter), Isidore Kwandja s’est fendu en conjectures, remettant en cause les chiffres avancés par le ministre des Finances.
«Nous sommes surpris d’apprendre sur les réseaux sociaux que les Jeux auraient coûté 324 millions de dollars alors que nous savons que le budget adopté par le Comité de pilotage et approuvé par l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) était de 66,9 millions d’euros», a répliqué le 29 octobre sur X (ex-Twitter) le directeur du Comité national des Jeux, Isidore Kwandja. Et d’ajouter : «Notre gestion de l’organisation des Jeux a été très rigoureuse, transparente et judicieuse (…) «S’il y a eu un dépassement du budget dont on parle, les raisons sont à chercher ailleurs, pas à la direction nationale des Jeux », en rappelant qu’il avait toujours travaillé en étroite collaboration avec l’Inspection générale des finances qui validait toutes les dépenses.
Isidore Kwandja se justifie : «La confusion créée par les propos du ministre des Finances tient au fait qu’il a mis dans le même panier les fonds alloués à la direction du CNJF pour l’organisation des Jeux et ceux attribués au ministère des ITP pour la construction des infrastructures. Ce dernier volet du budget ne relève aucunement de la direction du CNJF mais, bien du ministère des ITP et de celui des Finances qui avaient la responsabilité de la construction, de la réhabilitation et d’aménagement des infrastructures. Ces deux ministères peuvent donc mieux que la direction du CNJF expliquer l’affectation des 324 millions de dollars que le ministre Kazadi aurait déboursé pour les Jeux ».

L’OIF enquête
Où se trouve alors la vérité? Entre Nicolas Kazadi et Isidore Kwandja, qui dit vrai ? C’est l’énigme qu’une délégation de l’OIF, arrivée le week-end dernier à Kinshasa, tentera d’élucider. Il s’agit d’effectuer un audit du budget opérationnel des 9è Jeux de Kinshasa.
Cette mission d’audit, qui va durer cinq jours, était prévue de longue date et n’a pas été déclenchée par la polémique, qui a éclaté ce week-end, sur le coût des Jeux, soulignait le service de communication du Comité national d’organisation de ces Jeux de la Francophonie.
«Nous sommes en mission après les Jeux, je suis accompagnée par un commissaire aux comptes de la Direction générale des finances publiques françaises pour effectuer un audit sur le budget opérationnel» de ces Jeux, a déclaré dimanche soir à son arrivée à Kinshasa, Zeina Mina, directrice du Comité international des Jeux de la Francophonie, citée dans un communiqué.
«C’est ce budget-là qui fait l’objet de cette mission de l’OIF, qui va faire la reddition des comptes et voir comment cet argent a été géré», soulignait le communiqué.
Les 9e Jeux de la Francophonie avaient été attribués à la RDC en 2019 et auraient dû se tenir en 2021. Mais ils avaient été reportés à 2022 à cause de la pandémie de Covid-19, puis d’un an supplémentaire. Les travaux ont été achevés à la dernière minute et le doute a subsisté quasiment jusqu’à la cérémonie d’ouverture sur la capacité de Kinshasa à accueillir ces jeux, qui, au final, ont été considérés comme un succès.
Après la tenue de ces Jeux, l’OIF s’est dit surprise par la grande réussite de ce grand rendez-vous de l’espace saluant le «miracle congolais».
«Le miracle congolais…» Malgré les reports, les travaux à la dernière minute et les inquiétudes, notamment sur la sécurité, Kinshasa a «réussi» à organiser les 9e Jeux de la francophonie, qui s’achèvent dimanche, avait déclaré Zeina Mina, à la clôture de ces Jeux. Et de poursuivre : «Avec l’accompagnement des instances de la Francophonie, le pays hôte a relevé le défi et a réussi à organiser les 9e Jeux de la francophonie. Le taux de participation a été satisfaisant, malgré toutes les difficultés rencontrées, les inquiétudes, les incertitudes autour de cette édition et les deux reports (en 2021, puis 2022). Nous avons eu 3.533 participants, dont 1.810 sportifs et artistes [ayant pris part aux compétitions]. Trente-sept pays étaient représentés […] Au tout début, l’hébergement était compliqué, mais après, cela s’est mis en place. […] Nous avons eu plusieurs records de la francophonie battus en athlétisme, grâce notamment à la qualité de la piste, qui a été totalement rénovée. Il y a eu une grande ferveur autour des Jeux. Ce qui me frappe, ce sont les gens qui se bousculent pour voir quelque chose de nouveau. Ils ont adhéré, ils applaudissent tout le monde, que ce soit des Congolais, des Roumains, des Français, des Libanais…»
L’euphorie étant donc passée, l’heure est à la reddition des comptes. Et sur ce point précis, entre Nicolas Kazadi et Isidore Kwandja, il y a une guerre des chiffres qui ne laisse pas indifférente l’opinion publique.
Député national, élu de Kananga, Claudel-André Lubaya n’a pas caché sa colère (voir encadré).

Econews

Jeux de la Francophonie : un scandale de trop

En détournant 324 millions USD au prétexte de matérialiser la vision du Chef de l’État dans le cadre des jeux de la Francophone, le Gouvernement s’est rendu coupable de délinquance financière aggravée et, de ce fait, s’est placé du bon côté de l’indécence.

Présentés comme succès planétaire et référence historique, les jeux de la francophonie organisés par la RDC du 28 juillet au 6 août 2023 n’auront été, en réalité, à l’instar des autres projets initiés par le Gouvernement congolais, qu’un tombeau pour les finances publiques dont 423 millions de dollars américains ont été aspirés à des fins d’enrichissement illicite de différents intervenants.

Prévus pour un montant total de 48 millions USD, les jeux de la francophonie auront impunément couté à la République saignée, 324 millions USD. Aucun mot, aucune explication ni aucune théorie ne suffira pour justifier une telle augmentation si ce n’est la boulimie insatiable des différents intervenants. 

Avec ces chiffres effroyables, le pays a été escroqué tambour battant, dans un spectacle des jeux et lumières, au profit d’un noyau des politiques, fonctionnaires et autres prestataires, délinquants financiers, qui se sont insolemment enrichis en gonflant sans pitié, les chiffres de l’organisation.

Les révélations du ministre des finances, dont la responsabilité se trouve engagée en vertu de l’article 128 de la Loi relative aux finances publiques, mettent en lumière la légèreté avec laquelle sont gérées les finances publiques par les différentes autorités qui interviennent dans la chaine de dépense et, constituent au regard de l’article 129 de la loi précitée, une faute de gestion et un cas avéré de détournement de deniers publics. Les auteurs, co-auteurs et complices de ce scandale devront en répondre le plus tôt et le plus vite possible, pour que lumière soit faite et que les responsabilités soient établies.

Claudel-André Lubaya

 

Député national