Le pavé de Papy Niango, député national de Bandundu-ville, Destitution du ministre de l’Économie : ces irrégularités qui pourraient sauver Jean-Marie Kalumba

Destitué par un vote favorable de l’Assemblée nationale, le ministre de l’Economie nationale, Jean-Marie Kalumba Yuma, attend toujours sa notification du Premier ministre pour déposer sa démission. Pour l’instant, celui qui reste jusqu’à preuve du contraire le patron de l’Economie nationale a engagé une bataille juridique avec l’Assemblée nationale en faisant mention d’un certain nombre d’irrégularités qui ont entaché sa procédure de destitution. Sans lien évident, Jean-Marie Kalumba vient de recevoir un appui de taille, celui de l’élu national Udps de Bandundu-ville, Papy Niango. Juriste, Papy Niango relève un certain nombre d’irrégularités qui rendraient nulle la procédure de destitution de Jean-Marie Kalumba de ses fonctions. C’est donc sans surprise que la notification de Jean-Marie Kalumba quant à sa démission ne lui est pas encore adressé à ce jour, la procédure ayant été biaisée à maints égards.

C’est un pavé dans la marre que vient de lancer Papy Niango, député national de Bandundu-ville, dans la procédure lancée à l’Assemblée nationale, sanctionnée dernièrement par un vote favorable à la destitution de Jean-Marie Kalumba Yuma.

Papy Niango est convaincu que la procédure a été biaisée de bout en bout. Et rien, selon lui, ne pourrait pousser Jean-Marie Kalumba à la démission.

« Le vote a eu lieu, oui. Mais quel est l’acte qu’on peut communiquer au ministre, au premier ministre et au Président de la République qui sanctionne l’autorité mise en question ? Ce n’est pas le procès-verbal de la plénière de ce soir. C’est plutôt la résolution que la plénière devait prendre pour sanctionner le ministre. La conséquence juridique est que tout ce à quoi on a assisté tout à l’heure n’était qu’une aventure… Les députés l’ont fait juste pour se faire plaisir. Juridiquement, techniquement, il (le ministre, ndlr) reste en fonction. Peut-être qu’il sera en fonction jusqu’aux élections de 2023 ».

Dix jours après cette  déclaration du député national Papy Niango sur la déchéance du ministre de l’Economie, aucune notification n’a encore été adressée à Jean-Marie Kalumba. Il reste toujours en fonction, sans pour autant jouir de toutes les prérogatives de ministre de l’Economie.

A l’Assemblée nationale, on commence à perdre patience, alors que dans l’entourage du ministre, on reste confiant. «Le ministre Jean-Marie Kalumba ne va pas démissionner», évoquent ses proches qui font allusion aux irrégularités qui ont entouré la procédure de sa destitution à l’Assemblée nationale.

Papy Niango, élu Udps de Bandundu-ville, avait tiré la sonnette d’alarme sur les vices de procédure de destitution de Jean-Marie Kalumba tels qu’enclenchée à l’Assemblée nationale. Juriste, il a cerné le problème, alimentant le doute sur le départ effectif de Jean-Marie Kalumba du Gouvernement Sama.

Papy Niango : « Je dénonce le complot organisé contre le ministre de l’Economie »

Vous avez déclaré récemment que le ministre de l’économie ne devrait pas démissionner. Plus de dix jours passés il n’a toujours pas déposé sa lettre de démission après sa déchéance. Comment réagissez-vous ?

Le fait que l’Assemblée nationale n’a pas voté la résolution sanctionnant le vote de la déchéance du ministre Jean-Marie Kalumba, juste après la plénière du mercredi 30 mars 2022, donne la possibilité à ce membre du Gouvernement Sama Lukonde de rester en fonction.

Jusqu’aujourd’hui, j’estime toujours que le vote du mercredi 30 mars aurait dû engager directement la responsabilité du Premier ministre et de tout son Gouvernement et non le ministre de l’Economie de manière particulière.

C’est quoi la suite à ce dossier puisque déchu il ne veut pas démissionner comme vous affirmez ?

La réponse à cette question se retrouve dans la Constitution. Il revient à présent à la justice d’éclairer ce dossier par rapport à ce qui est prévu dans le Règlement d’ordre intérieur de l’Assemblée nationale. Le Règlement est clair, la Constitution également. Le ministre ne démissionne pas et doit recouvrir sa fonction du ministre de l’Economie.

En prenant la défense du ministre, qu’est-ce qui justifie votre position?

Premièrement, je dois vous dire que je ne connais pas personnellement le ministre de l’Economie. Quand j’attendais Kalumba, je faisais allusion à mon ami Justin Kalumba, l’ancien ministre des Transports sous Matata. Je dois avouer ici que c’est au cours de la plénière de sa destitution à l’Assemblée nationale que j’ai appris à connaître le nom complet du ministre de l’Economie, Jean-Marie Kalumba. Je ne défends donc pas le ministre de l’Economie mais je suis à la défense des principes qui caractérisent l’Etat de droit par ce que vous vous souviendrez que la RDC, notre pays, est une démocratie constitutionnelle.

Donc, vous défendez à vrai dire le principe de droit qui protège le ministre de l’économie ?

Si c’est cela votre compréhension, je suis d’accord du moment où le ministre de l’Economie, Jean-Marie Kalumba, se retrouve dans la droite ligne des principes que je défends. Je suis député national. Après ma déclaration lors de la séance plénière de sa destitution, le lendemain j’ai eu des réactions venant de partout et particulièrement de certains de mes amis libanais et d’autres qui sont à la FEC. Et directement j’étais curieux de comprendre les contours de ce dossier. Après avoir approché quelques députés, qu’est-ce que je n’ai pas appris sur la motion de défiance !

Concrètement qu’est-ce que vous dénoncez dans la procédure de destitution du ministre ?

Je dénonce le complot organisé en interne du Gouvernement contre le ministre de l’Economie. Jean-Marie Kalumba est tout simplement victime de la politique qu’il voulait imprimer au ministère. Tenez : le ministre de l’Economie paie le prix de sa volonté de faire respecter la Constitution, de faire respecter les prix des biens sur le marché tels que proposés par la réglementation. Il y a de dessous de cartes dans la destitution du ministre de l’économie.

Selon vous à qui profite la destitution du ministre de l’économie ?

Sans hésiter, je réponds qu’elle profite à ceux qui ont toujours voulu le voir tomber pour avoir refusé de s’inscrire dans la même logique que certains de ses prédécesseurs. Il s‘agit des expatriés libanais et indopakistanais qui détiennent aujourd’hui le monopole d’importation des produits surgelés, et ce, après avoir mis à genoux les nationaux par une concurrence déloyale, avec le concours de certains hommes forts de l’ancien régime. 

D’après les informations venant du ministère de l’Economie nationale, ces expatriés, gênés par la politique du « juste prix » instaurée par le ministre Kalumba, auraient tenté à plusieurs reprises de le corrompre, sans succès, pour obtenir son inaction face à une pratique des prix illicites imposés aux consommateurs congolais, en violation de la législation en la matière.

D’après les mêmes sources, la résistance du ministre de l’Economie nationale lui a valu de sérieuses menaces des «hommes forts» indopa-kistanais qui n’ont pas hésité de lui promettre une destitution. Et aujourd’hui, il est évident que cette menace a été mise à exécution, dans un pays où avec l’argent, tout est possible, un étranger est capable de dicter sa loi jusqu’ à obtenir la déchéance d’un ministre qui se bat pour l’amélioration du pouvoir d’achat de ses compatriotes.

Vous confirmez la thèse selon laquelle les députés nationaux ont été corrompus pour faire tomber le ministre de l’économie nationale ?

Je ne peux pas confirmer ce dont je ne détiens les preuves. Mais il n’est pas interdit à un citoyen congolais de réfléchir à haute voix, en fonction des éléments objectifs. La précipitation et les irrégularités constatées dans la procédure de destitution du ministre ne peuvent pas nous laisser indifférents. Jean-Marie Kalumba a été accusé de plusieurs griefs qui ne relèvent même pas de ses attributions, mais plutôt de la compétence du Premier ministre qui porte la politique économique nationale. Je vous renvoie lire l’ordonnance portant les attributions de différents ministères.

A titre illustratif, ce n’est pas à un ministre de l’Economie d’acheter les bateaux de pêche ! Ce n’est pas au ministre de l’Economie de développer l’agriculture pour inonder le marché ! Ce n’est pas au ministre de l’Economie de construire les routes de desserte agricole pour acheminer les produits agricoles vers les centres de consommation ! Il y a lieu de revenir à la question de savoir qui tenait autant à la tête de Monsieur Kalumba ?

D’après les analyses et investigations menées sur place et à l’étranger, il a été révélé une fraude généralisée pratiquée par les opérateurs économiques du secteur des produits surgelés à deux niveaux, avec une incidence considérable sur les prix.

Premièrement, une falsification des déclarations faites à la douane quant à la valeur CIF. Par exemple, pour juste les chinchards achetés en Namibie, ils déclarent 200 USD par tonne à la douane, au lieu de 1.200 USD (la vraie valeur). Par conséquent, la DGDA qui a droit à 10% de la valeur CIF ne perçoit que 20 USD au lieu de 120 USD. Ceci réduit, comme vous pouvez le comprendre, les recettes dues au Trésor public et d’autres structures de l’État telles que la DGDA, l’OCC, l’OGEFREM et la SCTP.

Et pour combler les déficits dus à cette fraude, ils surchargent des structures des prix par de nombreux éléments non incorporables au regard de la règlementation en la matière.

Deuxièmement, ces expatriés indopakistanais et libanais font supporter aux consommateurs le poids de leur fraude à l’importation en pratiquant des prix illicites qui confisquent une part importante du pouvoir d’achat du modeste citoyen.

Cette fraude coûte à l’État et aux consommateurs au minimum 194 millions de dollars américains par an, et ce, pour les chinchards seulement. Si elles étaient captées par le Trésor public, ces recettes auraient pu utilement servir à soutenir le secteur productif en générant de nombreuses opportunités d’emploi pour notre jeunesse.

Et une autre révélation : le ministre Jean-Marie Kalumba avait accentué la pression sur ces opérateurs économiques véreux afin d’obtenir le paiement de plus de 150 millions de dollars US dus au trésor public. Malheureusement, son intransigeance lui a coûté son poste au sein du gouvernement. 

Mais le ministre de l’Economie est aussi accusé d’avoir arnaqué la population avec cette affaire des chinchards de la Namibie. On l’accuse même d’avoir détourné les six millions de dollars destinés à l’achat du quota des chinchards dans les eaux namibiennes.

Si je ne me trompe pas, ce dossier a été adopté à la réunion de la conjoncture économique dirigée par le Premier ministre et finalement au Conseil des ministres dirigé par le Chef de l’Etat. J’ai même appris qu’une mission gouvernementale a été dépêchée en Namibie pour matérialiser ce projet. S’il s’avère que le projet a échoué, je pense que cela est de la responsabilité du Premier ministre, chef du Gouvernement, plutôt que du ministre de l’Economie qui n’a fait que proposer une solution conjoncturelle.

Il y a des choses qui n’ont pas été dites sur la place publique, peut-être au nom de la solidarité gouvernementale ! Le projet a été soumis au Gouvernement depuis le mois de mai 2021. Mais l’argent pour l’obtention du quota de pêche ne sera débloqué qu’au mois de novembre, tout en étant conscient que le quota devrait expirer le 31 décembre de la même.  Et pire encore, nous apprenons par les mêmes sources que le décaissement des fonds pour les opérations de pêche n’a pas suivi. Le ministre de l’Economie nationale ne gère pas les finances publiques ! Et d’après les explications fournies par le ministre Kalumba à l’Assemblée nationale, toutes les opérations financières ont été effectuées à travers le Trésor public en toute transparence et traçabilité sur ordre de l’autorité compétente.

Et finalement la Namibie a accédé à la demande faite personnellement au Chef de l’Etat congolais à son homologue namibien pour le report du quota de pêche jusqu’au 31 décembre 2022.

Qui doit-on accuser de la hausse des prix des produits de première nécessité sur le marché quand on sait que le ministre de l’Economie nationale et l’autorité de régulation des prix sur plan national ?

Nous ne devons pas oublier que la RDC dépend structurellement de l’extérieur, faute d’une politique nationale de production. En effet, au niveau international, depuis la reprise économique après le confinement, il est constaté une augmentation substantielle des coûts du fret maritime. À titre d’illustration, le coût de transport d’un conteneur sur l’itinéraire Shanghai-Europe était inférieur à 1.000 USD en juin 2020, avant de s’élever à environ 4.000 USD en décembre 2020, puis finalement à 7.395 USD à fin juillet 2021. Ce qui équivaut à une hausse de plus de 700% dans l’intervalle d’une année. Le fret maritime étant une composante majeure des coûts commerciaux des importateurs, une hausse de ce dernier se répercute sur les prix à la consommation finale.

Il faut aussi noter des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, mais aussi le conflit en Ukraine. Cela accentue la pression sur les prix internationaux de certains produits essentiels à travers le monde. Il ne s’agit pas d’une situation propre à la RDC. Quel pays du continent africain n’est pas affecté par la hausse des prix des produits de première nécessité ?

Il est temps que le Gouvernement tire ses responsabilités au lieu de chercher des bouc-émissaires. La solution durable demeure le développement d’une bonne politique de production nationale et cela dépend de plusieurs secteurs et non, du seul ministère de l’Economie nationale, dépouillé de ses attributions traditionnelles sous d’autres cieux. Et là, j’insiste que si quelqu’un devrait répondre de cette situation, ce serait le Premier ministre et non le ministre de l’Economie. 

En définitive, le ministre Jean-Marie Kalumba est tout simplement victime de sa bonne foi face à un réseau maffieux d’expatriés. Il a tout simplement été sacrifié par ceux qui devraient l’appuyer pour mettre fin à cette aventure de mauvais goût et donner des solutions aux problèmes de la population dont le pouvoir d’achat a été confisqué par une bande de Libanais et Indopakistanais.

CP