Mines artisanales en Ituri : l’illégalité au grand jour

La prolifération des mines artisanales avance à un rythme inquiétant. Dans sa dernière livraison, Econews a alerté l’Etat congolais à s’assumer pleinement en faisant respecter la loi minière. C’est dans la ceinture orientale de la République que prospère une exploitation artisanale sauvage, prenant en compte les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu, Sud-Kivu, du Tanganyika, du Haut-Katanga ainsi que la province du Lualaba. Qu’en est-il de la province de l’Ituri ? Econews s’est attelé à décrypter la liste des sociétés minières, publiée récemment par ACAJ (Association congolaise pour l’accès à la justice). En marge de cette publication, on se rappelle qu’ACAJ avait demandé au Gouvernement «d’amorcer une enquête administrative ; car exerçant leurs activités en violation des lois de la République». Les conclusions d’Econews sont sans appel : sur ces 30 entreprises minières de l’Ituri, 28 ne disposent d’aucun droit minier, alors que les deux autres exercent des activités industrielles tout en n’étant détenteurs que de Permis de recherche. Bref, en Ituri, la loi minière est violée au grand jour.

L’exploitation artisanale a la particularité de s’exercer en dehors du cadre légal. Et généralement, à côté d’une exploitation minière artisanale, il y a soit un groupe armé qui sert de soutien ou des notabilités locales ou nationales qui se servent de la plus belle manière.

Un acteur de la Société civile spécialisée, dans le secteur des ressources naturelles s’inquiète de la forte présence des groupes armés sur l’exploitation minière artisanale.

« Plusieurs sociétés minières ont des accords avec des groupes armés. Ces accords les obligent à payer mensuellement des groupes armés pour s’épargner des attaques aux fins d’exploiter des minerais en toute quiétude. Ces accords sont aussi la source de financement des groupes armés, qui, au-delà de les permettre de survivre, enrichissent les seigneurs de guerre et leur facilitent l’achat d’armements.

Nombreuses des sociétés avec leurs accords avec des groupes armés ont la possibilité de faire tout ce qu’elles veulent dans des mines. Il faut mettre fin à cette mafia. Il y a des chefs leaders des groupes armés qui nous disent qu’ils sont prêts à déposer les armes, mais c’est une hypocrisie. Quand je parle avec leurs adjoints ou leurs combattants, ils nous disent que leurs chefs ne sortiront jamais et qu’ils pensent seulement envoyer une partie de ses troupes, car ils bénéficient du paiement chaque mois d’une somme colossale de la part de ces sociétés minières».

Ituri : un Far-West minier

Pour ses premières investigations, Econews s’est penché sur la situation qui prévaut dans la filière minière artisanale de la province de l’Ituri, dans la suite de la liste publiée dernièrement par l’ONG ACAJ de Me Georges Kapiamba. En attendant de réunir plus d’éléments sur les provinces des Nord-Kivu et Sud-Kivu ainsi les provinces démembrées du Grand Katanga.

Pour le cas spécifique de l’Ituri, le constat est alarmant. Les exploitants artisanaux ont trouvé une belle manière de contourner la loi minière en se cachant derrière des coopératives minières qui, dans la plupart de cas, opèrent en dehors de la législation en vigueur.

Ainsi, sur les 30 coopératives suivies en Ituri, 28 ne disposent qu’aucun droit minier. Et quand elles peuvent disposer d’un quelconque droit minier, à peine deux coopératives sont détentrices des PR (permis de recherche) qui, suivant les dispositions du Code minier, ne leur aucun droit de passer à une exploitation industrielle. C’est dire, dans les deux cas de figure, que la loi minière est violée au grand jour. Ce qui se passe en Ituri n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan. Dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, c’est plutôt le chaos, sans oublier le Tanganyika où les groupes armés règnent en maîtres dans la filière minière artisanale.

Dans le Grand Katanga, l’arbitraire gagne également du terrain avec une dangereuse expansion de l’exploitation artisanale. Le cas le plus patent est le drame qui s’abat sur Boss Mining, une entreprise détentrice de PE (Permis d’exploitation), dûment acquis en vertu de la loi, mais qui voit sa concession minière être envahie par des artisanaux. Au grand dam de l’Etat congolais qui brille par son inaction.

Kinshasa n’est pas épargné

Le désordre qui s’installe est tel que Kinshasa n’est pas non plus épargné par la très forte présence chinoise dans les mines et carrières de la RDC. Pour illustration, à la cité du Fleuve, sur les abords du fleuve Congo, dans la commune de Limete, deux dragues installées par des entrepreneurs chinois exploitent le sable sur le fleuve qu’ils vendent dans les mêmes installations.

Alerté, le directeur des Mines du secrétariat général aux Mines, a dit, à une source approchée par Econews, ne pas connaître grand-chose sur cette affaire. « Aux dernières nouvelles, on nous a appris que ces Chinois ont obtenu l’autorisation du gouvernement provincial de Kinshasa. Pour le reste, on n’en sait rien », a-t-il dit, selon des propos rapportés par notre source.

Autrement dit, le désordre se propage sur l’ensemble du territoire national. On n’a donc pas besoin d’aller dans les provinces de l’Est ou dans le Grand Katanga pour constater que la RDC est en train de perdre le contrôle de ses ressources naturelles.

Econews promet de revenir sur toutes ces questions. Quant au désordre qui rogne le secteur minier artisanal, seul l’Etat congolais peut ramener de l’ordre dans la filière. Il n’y a qu’une seule et unique potion : faire appliquer la loi dans toute sa rigueur.

Faustin K.

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