Pacification de l’Est et reprise de Bunagana : entre la SADC et l’EAC, le choix dangereux de Kinshasa

Dans sa quête du rétablissement de la paix dans au moins quatre de ses 26 provinces affectées depuis plus de deux décennies par des conflits armés, le gouvernement de Kinshasa a résolu de requérir le concours de nouveaux alliés, se tournant vers les pays d’Afrique orientale réunis au sein de la Communauté de l’Afrique de l’Est (de son acronyme anglais EAC). De plus en plus, l’impression se dégage que le régime de Félix Tshisekedi est en passe de tourner le dos à la SADC, son partenaire traditionnel. La Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) a, en effet, joué un rôle décisif lors des guerres à répétition en RD Congo, consécutives à la chute du maréchal Mobutu en 1997. De Pretoria à Luanda en passant par Gaborone et Lusaka, on semble avoir réalisé l’éloignement de Kinshasa au profit de l’EAC après son adhésion de date récente. Le déploiement de la Force régionale de l’EAC prouve que, pour sa sécurité dans l’Est, Kinshasa s’est totalement dans les bras de l’EAC, la SADC devant se contenter d’un second rôle non autrement identifié.
En diplomatie, il est des signes qui ne trompent pas : dans son discours lors de la 77ème session de l’Assemblée générale de l’ONU, le président sud-africain Cyril Ramaphosa n’a pas mentionné une seule fois le drame qui se joue en République Démocratique du Congo. Ni proposé un quelconque schéma de sortie de crise. Ses collègues présidents des autres Etats de la SADC ayant pris la parole dans sa suite n’ont pas non plus abondé dans des condamnations d’une agression rwandaise pourtant de notoriété publique.
L’indifférence affichée par le poids lourd sud-africain, autant que la tiédeur angolaise devraient alerter Kinshasa qui semble avoir oublié le rôle joué jadis par la SADC dont l’intervention fut décisive lors de la deuxième guerre (1998) post-Mobutu. Déjà le Rwanda était aux manettes, tapi derrière la pseudo-rébellion du RCD.
L’intervention des corps expéditionnaires sud-africain, namibien, angolais, malawite et zimbabwéen à l’appel de Mzee Laurent-Désiré Kabila fut décisive dans la modération des ambitions expansionnistes du Rwanda, laissant sur les champs de bataille du Kivu, du Nord-Katanga, des dizaines de leurs combattants.
Les historiens retiendront que sans les efforts tant diplomatiques que militaires de la SADC, la RD Congo ne serait pas dans sa configuration géographique actuelle. A retenir également que les négociations ultérieures verront l’implication des sages de la SADC dont le Sud-Africain Thabo Mbeki ou le Botswanais Ketumile Masire.
De la configuration politique inédite en Afrique du gouvernement « 1+4 » à la promulgation de la Constitution du 6 février 2006, et jusqu’à l’organisation du premier cycle électoral à la fin de la même année, la SADC était omniprésente quoique bénéficiant de l’appui du Comité international d’accompagnement de la Transition (CIAT) constituée des ambassadeurs des pays membres du Conseil de sécurité des Nations Unies autour du Représentant spécial du secrétaire général de l’Onu William Lacey Swing.

Une alliance coupe-gorge
L’adhésion de la RD Congo à l’EAC a fait l’effet d’une surprise auprès de ses alliés jusque-là inconditionnels d’Afrique australe. Le simple fait que parmi les sept pays membres de la Communauté d’Afrique orientale, deux s’étaient non seulement illustrés dans un passé par des incursions armées à répétition en terre congolaise, mais au moment même de l’entrée de Kinshasa dans la communauté, le Rwanda entretenait des groupes rebelles dans l’Est du pays, tandis que l’Ouganda jouait un rôle indéfinissable.
C’est malheureusement auprès de ses nouveaux alliés de l’EAC que Kinshasa a préféré confier son sort pour un hypothétique retour de la paix dans sa partie Est, probablement ponctué la reprise de la cité de Bunagana des mains des terroristes du M23. Il y a cependant des zones d’ombre autour de ce nouveau deal qui s’établit entre la RDC et les pays de l’EAC.
En réalité, s’ils sont membres d’une même communauté sous-régionale, tous les pays de l’EAC – à majorité anglophone – ne partagent pas le même agenda quant à leurs rapports avec la RDC.
Depuis la rébellion de 1996, menée par les troupes de l’AFDL, appuyées et armées par l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi, à l’opposé de Bujumbura, Kigali et Kampala ont développé un vrai business sur le sol congolais, si bien que leur stabilité interne dépend de la situation permanente de crise en RDC. Curieusement, ce sont ces mêmes pays qui feront partie de la Force régionale de l’EAC pour combattre des groupes armés, dont le M23, qui écument l’Est de la RDC. Quelle contradiction ?
Contrairement aux pays de l’EAC, les pays de la SADC manifestent moins d’attraction sur les ressources naturelles de la RDC. Si bien qu’en 1998, leur intervention, en soutien à Laurent-Désiré Kabila, n’a pas été suivi de sérieux dommages collatéraux comme c’est le cas de ce qui se passe dans l’Est de la RDCdepuis que l’Ouganda et le Rwanda sont venus apporter leur appui à la rébellion de l’AFDL.
A tout prendre, Kinshasa n’a jamais tiré les leçons du passé. En optant pour l’EAC, en lieu et place de la SADC, il se tire visiblement une balle dans le pied et rend presqu’illusoire le retour imminent de la paix dans l’Est DU PAYS.

Econews