Procès Matata: la présence inattendue du Sud-africain bouleverse tous les calculs

A peine ouvert, le lundi 25 octobre 2021, à la Cour constitutionnelle, le procès impliquant l’ancien Premier ministre, Matata Ponyo Mapon, a été renvoyé à deux semaines, soit le 8 novembre 2021. Pour cause : la présence inattendue à l’audience de Christo Grobler, directeur-gérant d’Africom Commodities, société gestionnaire du Parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo. Faute d’un interprète, la Cour a décidé de rapporter le procès pour combler ce vide. Que s’est-il réellement passé ? Comment la Cour n’a-t-elle pas mis en place au préalable ce dispositif d’interprétariat ? La raison est bien simple : la Cour n’avait pas prévu ce cas de figure. Elle ne s’attendait donc pas que le Sud-africain fasse le déplacement de Kinshasa pour se défendre. A la Cour constitutionnelle, le compteur est donc remis à zéro. Tout doit être refait pour charger Matata. Mais, comment y arriver lorsque Christo Grobler se dit prêt à éventrer le boa.

Il s’est passé quelque chose d’inattendu dans le procès impliquant l’ancien Premier ministre, Matata Ponyo Mapon. L’arrivée impromptue du Sud-Africain, Christo Grobler, celui-là même qui recevait les fonds de l’Etat congolais dans le cadre du Parc agro-industriel Bukanga-Lonzo, a bouleversé tous les calculs, obligeant la Cour constitutionnelle à réajuster son schéma du procès.

Selon l’acte d’accusation, qui était à peine articulé, l’ancien Premier ministre a été présenté comme le concepteur d’une opération visant à détourner des deniers publics. Le ministère public en voulait pour preuve des marchés passés de gré-à-gré, sans aucun respect de la procédure.

Mais en pleine présentation, la Cour a constaté l’arrivée, bien que tardive, du directeur général d’Africom Commodities, société gestionnaire du Parc, le Sud-africain Grobler Christo. Bien que n’ayant pas été notifié dans le respect des règles, ce chef d’entreprise a décidé de descendre en République Démocratique du Congo (RDC) pour se défendre des accusations portées contre lui et son entreprise.

Cette donne, personne ne l’attendait au niveau de la Justice! Du coup, l’assistance a senti de l’agitation, de la nervosité tant à la Cour que sur le banc de l’accusation.

Ce n’est pas pour rien que des termes dénigrants ont été utilisés juste – genre «avocat d’un certain niveau» – parce que le dispositif initial a été complètement déjoué.

Cette présence rassurante pour l’ancien Premier ministre est un élément imprévu pour ceux qui tiennent absolument à sa condamnation. Désormais, il y a quelqu’un qui dira à la barre avoir perçu de l’argent public et il dira également comment ces fonds ont été utilisés et qui aurait été bénéficiaire d’avantages indus.

Dans son argumentaire, reprenant les termes de l’Inspection générale des finances, le ministère public semble croire qu’il suffit d’aligner des accusations, sans apporter des preuves, que ce sera justice. On sait aussi que la Cour a fixé sa ligne d’attaque en évoquant éventuellement la thèse de «crime d’intellectuel ». Normal lorsqu’à la Cour institutionnelle siège celui-là qui a fait condamner Vital Kamerhe en se servant de cet argumentaire.

Si Kamerhe n’y a pas échappé, ce n’est pas le cas pour Matata qui n’a pas participé directement à la gestion du Parc de Bukanga-Lonzo, tout ayant été centralisé au niveau d’Africom, présent au procès par son directeur-gérant

Tout compte fait, Grobler Christo ne viendra pas charger un innocent parce que des officines politiques sont déterminées à avoir sa peau. Erreur! Parce que la plus haute Cour du pays, la Cour constitutionnelle, dont la crédibilité a été sérieusement entamée avec les élections générales de 2018, devra donner la preuve qu’elle peut beau être une Cour politique, mais elle sait dire le droit de la plus belle manière.

Quel dirigeant pour la RDC ?

De ce procès, les Congolais attendent élucider juste une énigme : par la faute de qui ce projet s’était arrêté net ? Pourquoi n’a-t-on pas voulu qu’il puisse continuer et sortir la RDC de sa situation d’éternel importateur de riz, de maïs, de chinchards, de cuisses de poulet, etc. ?

On sait néanmoins que des lobbys qui savaient pertinemment bien que la réussite de ce projet mettrait en mal leurs juteuses affaires ont tout fait pour le stopper. C’est bien là la vérité !

Le tort de Matata Ponyo Mapon aura donc été d’avoir osé mettre le doigt en tentant d’arrêter l’hémorragie. Un message clair à tout Congolais qui oserait initier pareil projet. Le jeu est fait.

C’est dire qu’au-delà du procès Matata, c’est aussi le dirigeant congolais qui est interpellé. A l’exemple de Matata, quel est encore ce dirigeant congolais qui osera se lancer dans un projet qui ne subsistera pas à son départ ? Que restera-t-il encore à dire à celui qui hérite d’un mandat ? Autant dire que loin d’être judiciaire, le procès Matata est aussi pédagogique.

De ce procès émargera sûrement le nouveau type de dirigeants congolais : ceux qui osent et ceux qui croisent le bras, attendant la providence se charger du reste.

Les révélations de Christo Grobler

L’on se rappelle que, dans une interview accordée en juin 2021 à radio Okapi, Christo Grobler, patron de Africom Commodities, s’était exprimé sur la débâcle du Parc de Bukanga-Lonzo. Il avait rejeté en bloc les accusations des détournements de fonds, tout en déplorant des pertes énormes enregistrées par leur société.

Ces pertes, avait-il révélé, les avait poussés à saisir la Cour internationale de justice. Selon Christo Grobler, le projet agro-industriel de Bukanga-Lonzo a été victime d’un sabotage organisé et d’abandon du gouvernement congolais au profit des importateurs des vivres en RDC.

« Nous avions saisi la Cour à Genève pour une médiation parce que ce qui était arrivé et la façon dont nous avions quitté le pays, nous ne comprenons rien. Nous étions en partenariat avec le gouvernement et les travaux avancés très bien, les preuves sont là», avait indiqué Christo Grobler.

Selon lui, l’échec de Bukanga-Lonzo était lié au départ de Matata Ponyo de la Primature, car après lui, le financement a été arrêté.

«Quand Monsieur Matata Ponyo a quitté la Primature, les paiements sont allés en diminuant jusqu’à s’arrêter complètement. C’est aussi à cette période-là que nos bureaux étaient bombardés par des taxes. Nous étions harcelés», avait-il ajouté.

Pour rappel, le gouvernement congolais avait signé le 20 février 2014 avec Africom Commodities un contrat de gestion du Parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo.

Quatre ministres avaient représenté la partie congolaise : le ministre délégué auprès du Premier ministre et chargé des Finances Kitebi Kibol Mvul, la ministre du Portefeuille Munga Mesozi, le ministre de l’Industrie et PME, Rémy Musungayi Bampale, et le ministre de l’Agriculture et Développement rural, Chrysostome Vahamwiti, représenté, à l’occasion, par le ministre des Affaires foncières, Mbwinga Bila.

Une année plus tard, soit le 24 mars 2015, Christo Grobler et Peter Venter, administrateurs d’Africom Commodities, ont signé avec l’Etat congolais, représenté par la ministre du Portefeuille, Louise Munga Mesozi, une convention d’actionnaires créant les trois sociétés du groupe Parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo: société d’aménagement et de gestion du Parc (PARCAGRI S.A), société d’exploitation du Parc (SEPAGRI S.A) et Marché international de Kinshasa (MARIKIN S.A).

Econews