Rébellion du M23 : une guerre aux relents de pétrole et de gaz

En moins de 72 heures, les événements se sont accélérés sur le front de l’Est. Des informations faisant état de la prise par le M23 épaulé par les forces régulières rwandaises de quelques localités du territoire de Rutshuru ont enflammé la Toile. Et la réunion du Conseil supérieur de la Défense convoquée en urgence par le chef de l’Etat dans l’après-midi de samedi est venue confirmer la gravité de la situation. Le communiqué final dénonçant la duplicité du Rwanda et annonçant la mesure d’expulsion de l’ambassadeur Karega a consacré une sorte de situation de non-retour sur la voie des inévitables affrontements, quoique Kinshasa réaffirme sa volonté de laisser la porte ouverte à toute initiative diplomatique. Mais la véritable question sur les motivations du Rwanda par le M23 interposé n’apparaît pas avec clarté. Une chose au moins est sûre : les ressources naturelles de cette partie de la RDC sont au centre de toutes les convoitises.
Il est de notoriété publique depuis un quart de siècle que l’Est de la RDC est en proie aux exactions des groupes armés locaux et étrangers, ces derniers ont établi leurs « bases » dans les zones riches en ressources naturelles. L’or et le coltan exploités illégalement sont acheminés au Rwanda devenu même l’un des premiers exportateurs de ce minerai stratégique, et l’un des éléments essentiels de l’industrie électronique. Le bois précieux non plus n’est pas en reste, alimentant les exportations ougandaises vers les pays d’Asie du Sud-Est.
L’armée congolaise, malgré l’appui de la Monusco présente depuis bientôt 23 ans sur le sol congolais, n’est pas parvenue à éradiquer le fléau, sur un terrain où les groupes armés essaiment et renaissent chaque fois que l’on croit les avoir éliminés. Approvisionnés en armes et logistique par certains voisins qui profitent de la confusion, les groupes rebelles dont certains de cachent sous la fausse appellation de « groupes d’autodéfense » perpétuent les violences au prix de milliers de morts et de centaines de milliers de déplacés internes.

Puis vinrent le pétrole et le gaz
L’instauration en mai 2021 de l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, malgré des ratés à l’allumage, a semblé porter quelques fruits, un état de choses renforcé par la conclusion de l’Accord instituant une force régionale sous l’égide de la Communauté de l’Afrique de l’Est. Jusqu’au moment où le gouvernement congolais émet le projet de mise aux enchères d’une trentaine de blocs pétroliers et gaziers présents sur le territoire.
Il serait en effet trompeur de ne pas établir une corrélation entre l’annonce de la vente des blocs pétroliers et gaziers et la recrudescence des combats lancés par le M23 pourtant vaincu et dispersé en 2013 par l’armée congolaise. La réapparition de ce mouvement rebelle doté d’une logistique et d’un armement dignes d’une véritable armée régulière au point de faire peur au Secrétaire général des Nations-Unies interroge. Que les « rebelles » notoirement appuyés par l’armée rwandaise n’aient été réactivés que pour faire obstacle au projet congolais auquel s’opposent les puissances occidentales sur fond de guerre en Ukraine, mais surtout de l’omniprésence des investissements chinois en Afrique centrale.
On se souvient que lors de la réunion préparatoire de la Conférence des Nations Unies sur le climat prévue à Sharm el-Sheik (Egypte) du 6 au 18 novembre, organisée à Kinshasa le 3 octobre, Le représentant du président américain sur les questions du climat avait clairement exprimé l’opposition des Etats-Unis. John Kerry avait en effet déclaré que l’exploitation des ressources naturelles ne peut se faire concurremment à la création d’emplois, à de bonnes politiques économiques et au renforcement de l’économie. Il craignait que «la mise en vente aux enchères ne puisse briser l’équilibre entre l’exploitation des ressources naturelles et la création d’emplois dans le bassin du Congo».
John Kerry et la position des Etats-Unis ont été rejoints par des ONGs environnementales qui s’opposant au projet, arguant que certains blocs empièteraient sur des zones et aires protégées tels les parcs nationaux des Virunga et de l’Upemba ainsi que la grande tourbière tropicale dont le forage pourrait libérer dans l’atmosphère jusqu’à 6 milliards de tonnes de dioxyde de carbone.

L’intransigeance du Gouvernement
Aux griefs américains et ceux émis par des ONGs essentiellement britanniques, le gouvernement a réservé une réponse d’une fermeté qui ne s’est pas démentie. Devant les délégués à la Precop 27, la VPM et ministre de l’Environnement n’a pas fait dans la dentelle. «Nous avons besoin d’exploiter nos ressources naturelles et trouver du pain à nos enfants, ou les laisser mourir de faim?», interrogeait Eve Masudi.
Et le président Tshisekedi lui-même, s’exprimant du haut de la tribune des Nations Unies à la 77ème session de l’Assemblée générale, réaffirmait qu’un pays qui a besoin de se développer ne devrait pas être empêché d’exploiter ses ressources naturelles.

M.M.F.