Retombées du Sommet de l’UA d’Addis-Abeba : négocier oui, mais pas «à n’importe quel prix» avec le Rwanda

C’est Radio Okapi qui a relayé ce lundi 19 février à 10 h 38’ ces propos de Mme Tina Salama, porte-parole du Chef de l’Etat congolais, Félix-Antoine Tshisekedi. Selon elle, «Le Président Tshisekedi a souligné qu’il ne dialoguera pas avec le M23 mais avec le Rwanda, mais pas à n’importe prix ». 

On l’a compris, cette déclaration fait suite à la participation du président Tshisekedi au mini-sommet initié par le Médiateur João Lourenço en marge de la 37ème réunion des chefs d’Etat et de gouvernements de l’Union africaine à Addis Abeba en Ethiopie. Mini-sommet au cours duquel, on le sait, les deux dirigeants ont été reçus séparément par le président angolais. Et elle vaut son pesant d’or considérée naturellement à l’aune de l’escalade militaire dans la province du Nord-Kivu principalement.

Le revirement de Kinshasa sur le plan diplomatique dans la recherche de la résolution de la crise sécuritaire des l’Est du pays comporte tout de même une nuance de taille qu’il est important de relever d’emblée : négocier avec le Rwanda ne signifie pas nécessairement un tête-à-tête Tshisekedi-Kagame, le président congolais ayant juré urbi et orbi que jamais il ne rencontrerait Paul Kagamé dans cette vie terrestre. Peut-être au ciel un jour ou dans les dépendances célestes du paradis.

En attendant la prochaine rencontre de tous les espoirs à Luanda, annoncée avant la fin février, un double constat s’impose : d’abord, c’est la première fois depuis la résurgence du M23 en 2022 que Kinshasa ouvre, quoique avec une extrême circonspection, la fenêtre sur une négociation hier encore improbable. Ensuite, l’avancée meurtrière sur le terrain des opérations  des M23/RDF de ces dernières semaines sont accompagnées de fortes pressions internationales et l’usage des armes sophistiquées dans le conflit vient acculer le président rwandais dans les cordes.

DES GAINS DIPLOMATIQUES INDÉNIABLES

En dépit des résultats quelque peu mitigés dans les négociations indirectes au sujet du conflit dans l’Est de la RD Congo, Kinshasa n’en a pas moins engrangé quelques succès significatifs.  En effet, 42 pays membres ont donné leur voix à son admission au Conseil Paix et Sécurité (CPS) de l’UA au cours de l’exercice 2025.

Cette admission au plus important organe de l’organisation panafricaine après celui des chefs d’Etat, selon la porte-parole du président Tshi-sekedi, «vient faire échec à la campagne de dénigrement et d’isolement dont la RDC a souffert durant de longues année».

Le pays est de même officiellement endossé pour siéger au cours de l’exercice 2025 au Conseil de sécurité de l’ONU et une année plus tard pour représenter l’Afrique  au sein de la même instance onusienne pour le compte du continent.

FERMETÉ FACE À UNE «GUERRE IMPORTÉE» 

Malgré ce double «succès», le conflit au Nord-Kivu est demeuré au centre des préoccupations du président Tshisekedi constamment à la quête d’une condamnation unanime du régime de Kigali.  Il a notamment dénoncé une «guerre importée par le Rwanda qui cause de la souffrance au peuple congolais pendant près de trois décennies. Tout ceci à cause d’un individu», s’est-il indigné.

Resté ferme, ajoute sa porte-parole, le Président Tshisekedi a répété que le Rwanda n’est nullement engagé sur le chemin de la paix tel que prévu par la feuille de route de Luanda. «Alors, le président a dit qu’il ne dialoguerait pas avec le M23 qui n’est qu’un chiffon vide, mais plutôt avec le Rwanda. Il va dialoguer, mais pas à n’importe quel prix», a renchéri la porte-parole.

Il faut néanmoins s’attendre à ce que Kinshasa affiche la même intransigeance lors de la rencontre de Luanda dont la date n’est pas encore définie. Dès lors, le risque que la tiédeur vécue à Addis Abeba risque de se transporter dans la capitale angolaise, laissant alors la voie ouverte à une escalade accrue et une course aux armements entre les deux capitales qui ne lésinent plus sur les moyens de s’assurer la maîtrise au sol et dans le ciel du Kivu.

M.M.F.