Révision de la loi électorale : Cenco, ECC, Lamuka et FCC, unis autour du consensus

La révision de la loi électorale, inscrite en débat à l’Assemblée nationale, a fini par rapprocher des tendances longtemps opposées de la classe politique congolaise. Si la Cénco et l’ECC, deux poids lourds de la plateforme de « Confession religieuses » affichent depuis toujours leur unité autour d’un processus électoral consensuel et démocratique, Adolphe Muzito de Lamuka et le FCC de Joseph Kabila, qui se regardaient encore en chiens de faïence, se voient désormais associés à une même cause : le consensus avant tout. Finalement, Cenco, ECC, Muzito et FCC se sont engagés dans un combat commun pour un large consensus autour de la révision de la loi électorale.

Le débat autour de la révision de la loi électorale semble arrondir les lignes de grandes tendances des forces vives de la République Démocratique du Congo. Tous sont investis dans la recherche du consensus pour un processus électoral apaisé.

Dans une démarche conjointe, la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) et l’Eglise du Christ au Congo (ECC) ont sollicité du Parlement d’obtenir « un minimum de consensus » sur l’organisation des élections. Les deux principales églises du pays ont boycotté la désignation de Denis Kadima comme président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni). Une crise était née entre les églises du pays. Il restait très peu pour que la guerre des églises éclate.

Lors de la prise de flambeau de Lamuka, le nouveau coordonnateur Adolphe Muzito a plaidé en faveur de l’apaisement sur tous les plans. Quant aux élections, il est favorable à la recherche d’un vrai consensus pour organiser de bonnes élections.

Sur les ondes de la radio Top Congo Fm, Devos Kitoko, secrétaire général de l’Ecidé de Martin Fayulu, ne fait de mystère sur la position de Lamuka autour de la loi électorale en révision à l’Assemblée nationale. « Lamuka fera pression dans la rue (…) pour exiger un large consensus à travers des discussions directes entre les parties prenantes au processus électoral », annonce-t-il.

Lamuka s’est déjà fixé le cap : « Nous refusons d’accompagner des frappeurs qui assiègent les institutions et saignent les finances publiques (…) La population est plus puissante et plus forte que le groupe de frappeurs qui fait la loi actuellement au pays ».

Quant à un éventuel boycott du prochain cycle électoral, quelle que soit l’issue des discussions, Devos Kitoko exclut cette hypothèse : « Pas de boycott des élections », rassure-t-il.

De son côté, le Front commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila menace de ne pas prendre part aux prochaines élections dans les conditions actuelles. Mercredi, ses députés nationaux ont quitté la salle de plénière pour manifester leur désapprobation.

Dans la déclaration lue par le président du groupe parlementaire PPRD à l’Assemblée nationale, François Nzekuye, le FCC continue à clamer un large consensus pour des élections apaisées en 2023.

«Nous, députés nationaux, membres du Front Commun pour le Congo, (FCC, en sigle) tirons, une fois de plus, la sonnette d’alarme sur les dérives dictatoriales orchestrées par le Président de l’Assemblée nationale pour le compte de l’Union sacrée pour la nation, famille politique du Président de la République », pouvait-on lire dans leur déclaration.

Prenant la population à témoin, le FCC rappelle que « les réformes électorales doivent faire l’objet d’un très large consensus entre tous les acteurs concernés afin d’éviter au pays des élections chaotiques, sources de frustrations et de conflits ».

Considérant, par conséquent, leur « attachement aux valeurs démocratiques ayant conduit à la première passation pacifique et civilisée du pouvoir depuis l’indépendance de notre pays », les députés nationaux, membres du FCC, refusent «d’accompagner cette tricherie programmée qui ne pourra que déboucher sur des tensions supplémentaires dans notre pays déjà meurtri ».

Dénonçant cette tendance à la pensée unique qui émerge à l’Assemblée nationale, les élus nationaux FCC invitent les organisations citoyennes, les forces politiques et la Société civile dans toute sa diversité, œuvrant pour les élections transparentes, crédibles, démocratiques et apaisées, ainsi que la population congolaise dans son ensemble à «se lever comme un seul homme en vue de barrer la route aux jouisseurs sans vision qui animent actuellement les institutions politiques de notre pays, et leur demandons d’identifier les députés nationaux qui prendront part à cette messe noire contre notre pays afin de leurs réserver des sanctions exemplaires aux prochains scrutins qui pointent à l’horizon et pour lesquels nous n’accepterons aucun glissement. En le faisant, ils honoreraient nos martyrs a rendraient service à la nation pour laquelle le sang a coulé et nos enfants engagés sous le drapeau continuent de tomber sur le champ d’honneur ».

Apparemment, le FCC n’a pas prêché dans le désert. A l’Assemblée nationale, son président, Christophe Mboso N’Kodia Pwanga, a décidé de suspendre l’examen de la révision de la loi électorale jusqu’au mercredi 20 avril, espérant une pêche miraculeuse pur ramener les élus FCC à l’Hémicycle.

Inclusivité

Autour de prochaines élections, des parties prenantes sont invitées à s’impliquer dans son organisation.

En organisant de bonnes élections, Félix-Antoine Tshi-sekedi pourrait faire oublier la crise post-électorale avec les contestations de sa victoire. Muzito est d’avis que cette recherche de consensus n’a pas pour finalité de se partager des postes ou de mettre hors-jeu qui que ce soit.

Félix-Antoine Tshisekedi n’a aucun intérêt à aller seul aux élections et les gagner dans la contestation. Sa légitimité sera limitée et donc sans éclat. La participation de tous est une exigence fondamentale pour que son nom puisse rester dans les annales du pays. Il est une chose d’organiser des élections. Une autre est d’organiser de bonnes élections. De l’organisation des élections que dépendra la solidité de la gouvernance de la période 2023-2028. Le Président Tshisekedi voudrait-il d’élections sans enjeux et surtout qui ne lui permettront pas bien gouverner. Le risque serait que ce mandat consacre sa fin politique sur tous les plans.

Econews

Les innovations qui font l’objet de débat à l’Assemblée nationale

1. Suppression du seuil électoral et son remplacement par une condition de recevabilité des listes au prorata des 60% de sièges en compétition;

2. L’abandon de la proportionnelle et l’adoption du scrutin majoritaire simple;

3. Organisation de l’élection des gouverneurs au second degré au sein de l’assemblée provinciale à la suite d’un système de parrainage par les députés provinciaux indiquant au moment du dépôt de leur liste le ticket du candidat gouverneur pour lequel leurs voix sont décomptées en cas de leur élection;

4. Organisation de l’élection des sénateurs au second degré au sein de l’assemblée provinciale à la suite d’un système de parrainage par les partis, regroupements et indépendants présents à l’assemblée provinciale représentant au moins 10% des députés provinciaux;

5. Interdiction d’avoir dans une province plus d’un sénateur issu d’un même territoire, d’une même ville et de plus de deux dans un groupe des communes pour la ville de Kinshasa;

6. Interdiction de cumul des candidatures à deux scrutins du même degré;

7. Interdiction de porter comme suppléants, sous peine d’annulation de l’élection, des parents en ligne directe ou collatérale, ascendante ou descendante, jusqu’au deuxième degré inclus;

8. Interdiction de distribuer de l’argent, des biens ayant une valeur pécuniaire ou tout autre avantage ainsi que la sollicitation ou l’acceptation d’un don quelconque pendant la campagne électorale;

9. Prise en compte de la dimension genre dans la constitution des listes conformément à l’article 14 de la Constitution;

10. Distinction des inéligibilités définitives pour les crimes graves (génocide, crimes contre l’humanité, crime de guerre) des celles temporaires pour les autres infractions;

11. Définition d’un régime légal exhaustif pour le vote électronique;

12. Obligation de publier la cartographie électorale avant la publication du calendrier électoral;

13. Obligation de publier les résultats bureau par bureau au niveau du centre de vote et de le consolider dans un résultat provisoire au centre local de compilation des résultats au fur et à mesure de la réception des données, avant traitement;

14. Institution d’un système transparent de gestion des résultats par leur traçabilité, segmentation, et numérisation dans le cadre du centre national de centralisation et de publication des résultats, CNPR qui publie progressivement au fil de leur transmission;

15. Obligation de remettre les PV des opérations de vote à tous les témoins et observateurs;

16. Institution de la sanction contre le président de la CENI et ceux qui interviennent dans la transmission et la centralisation des résultats en cas de refus de la publication des résultats bureau par bureau;

17. Obligation de recomptage des voix dans tout contentieux électoral, partant du pli des résultats réservé à la cour, sans exiger aux parties d’exhiber les PV;

18. Obligation d’afficher tous les résultats bureau par bureau sur le site dans les dix jours qui suivent la tenue des élections sous peine d’annulation du scrutin.