Terres rares, lithium, hydrogène vert : la Namibie bientôt incontournable ?

Au-delà d’un accord conclu avec l’Union européenne pour vendre ses terres rares, Windhoek veut se rendre indispensable dans la transition énergétique. Pendant qu’en République Démocratique du Congo, on se perd en conjectures sur le litihium de Manono, dans la province du Tanganyika, le monde – les pays les plus avisés – explore d’autres pistes. Dans cette course, la Namibie se positionne déjà, profitant de la distraction collective en RDC.
Alors que l’Europe cherche des alternatives
pour s’affranchir des énergies russes, les 27 pourraient trouver des débouchés importants en se tournant vers la Namibie, pays désertique d’Afrique australe. L’Union européenne (UE) va constituer «des réserves stratégiques» pour éviter les ruptures d’approvisionnement dans les matières premières «critiques» pour son industrie, notamment les terres rares et le lithium dont l’offre mondiale est contrôlée par la Chine, a annoncé la semaine dernière la Commission européenne.

L’Europe veut accéder aux minéraux de terres rares
La Namibie possède d’importantes réserves de minéraux de terres rares tels que le dysprosium et le terbium, un projet d’exploitation et de transformation est en cours de développement avec le Canadien NCM.
D’après les chiffres, les besoins en terres rares de l’UE vont être multipliés par cinq d’ici 2030. Quant aux besoins de lithium, ils s’envolent avec l’électrification de l’économie. Le lithium (composant crucial des batteries électriques) et les terres rares (métaux stratégiques nécessaires à la fabrication de puces, d’écrans LCD, d’équipements militaires ou d’éoliennes) «seront bientôt plus importants encore que le pétrole et le gaz», a affirmé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
«Nous devons éviter de nous retrouver à nouveau dans une situation de dépendance, comme pour le pétrole et le gaz», a averti von der Leyen lors de son «discours sur l’état de l’UE». Le problème est qu’actuellement, un unique pays contrôle la quasi-totalité du marché : près de 90% des terres rares et 60 % du lithium sont transformés en Chine.
Pour constituer ses réserves, l’Europe doit faire vite, faute de quoi des difficultés s’annoncent dès 2030, menaçant ses objectifs en matière d’autonomie comme de climat, alerte un rapport publié en avril dernier. Pour remplacer les hydrocarbures et atteindre la neutralité carbone en 2050, l’UE aura besoin à cette date de 35 fois plus de lithium qu’aujourd’hui (800 000 tonnes par an), ont calculé les chercheurs de l’université KU Leuven, pour Eurométaux, l’association européenne des producteurs de métaux.

Un hub pour les énergies renouvelables en gestation
La Namibie représente désormais une piste sérieuse. Windhoek vient dans ce sens de signer avec l’UE un accord provisoire pour vendre ses terres rares. Au-delà des minerais, la Namibie ambitionne de se positionner comme un hub des énergies renouvelables, notamment grâce à son vaste potentiel d’énergie solaire et éolienne pour produire de l’hydrogène vert.
Si l’UE compte produire 10 millions de tonnes d’hydrogène d’origine renouvelable d’ici à 2030, elle compte aussi sur 10 millions de tonnes d’importation pour remplacer charbon, pétrole et gaz dans certains secteurs de l’industrie et des transports. L’hydrogène vert (hydrogène produit à partir d’énergie renouvelable) est présenté comme une alternative propre aux combustibles fossiles qui pourraient alimenter l’industrie lourde et les transports. L’UE compte sur « le partenariat UE-Afrique en matière d’hydrogène » pour réduire son utilisation de gaz, et décarboner ses activités industrielles, à commencer par les grands ports où se concentrent des activités consommatrices de gaz naturel (sidérurgie, chimie…).
De son côté, la Namibie a lancé les opérations, en sélectionnant en novembre dernier les opérateurs de sa future première unité de production d’électricité solaire : le consortium Hyphen composé d’un fonds d’investissement international (Nicholas Holdings) et du groupe énergétique allemand Enertrag, qui devrait produire quelque 5.000 MW à partir de 2026 à Tsau Khaeb. Depuis, le groupe français HDF Energy a également annoncé un projet en Namibie pour produire de l’électricité solaire, puis de l’hydrogène à partir de l’électrolyse de l’eau désalinisée.
«En principe, nous nous sommes mis d’accord sur les conditions, quels que soient les matériaux, nous allons les traiter ici», a déclaré, jeudi dernier, Tom Alweendo, le ministre des Mines et de l’Énergie, à propos des approches adoptées pour s’assurer que le pays d’Afrique australe récolte les bénéfices de ses ressources.
L’équation sur laquelle se base le pays est simple : l’électricité solaire produite sur place servira, via un électrolyseur, à casser des molécules d’eau (dont le symbole est H2O) de mer désalinisée pour produire de l’hydrogène (H) dit vert, car issu d’électricité renouvelable.
Cet hydrogène sera ensuite mélangé à l’azote (N) contenue à l’état naturel dans l’air pour produire de l’ammoniac (NH3), qui peut aussi bien servir de carburant pour certains gros bateaux en cours de développement, qu’à fabriquer des engrais agricoles, ou simplement pour faciliter le transport d’hydrogène vers plusieurs pays.
À condition d’avoir suffisamment d’investissements – d’entreprises européennes notamment – pour y parvenir.
Avec une autosuffisance en électricité, «il se pourrait» que la Namibie devienne «un exportateur net» d’électricité, avançait en mai dernier, James Mnyupe, conseiller économique de la présidence de Namibie. «Or, actuellement 60 à 70 % de notre électricité est importée, essentiellement d’Afrique du Sud». Ce serait «le premier pas de l’émancipation économique». «Ce que nous essayons de faire en Namibie est de présenter un environnement incitatif pour le secteur privé afin qu’il prenne des risques appropriés pour construire des projets rentables» soulignait le responsable namibien. Les entreprises chinoises sont «en train de taper à nos portes et veulent être incluses», précise-t-il en ajoutant que son pays travaillerait «avec tous ceux qui sont alignés sur notre vision d’industrialiser la Namibie».

Econews avec Le Point Afrique