63 ans après l’indépendance, les Congolais essoufflés n’entrevoient pas le bout du tunnel

Au-delà des beaux discours assaisonnés de sel de l’optimisme pour les épater, les Congolais ne croient plus aux promesses faites par des responsables politiques. La duperie s’éternise et le rêve des pères de l’indépendance, celui de «bâtir un pays plus beau qu’avant », s’est évanouit. Les Congolais ont cru en cette illusion, mais tout ce qu’ils ont obtenu en retour, c’est la souffrance et la tristesse. Les attentes des Congolais, loin d’être comblées, se sont transformées en véritable cauchemar. Singulier paradoxe pour un pays dont les habitants sont pauvres alors qu’il possède des richesses naturelles abondantes.
Soixante-trois ans après l’indépendance, les Congolais continuent de broyer du noir, se battant pour leur survie. Le rêve des pères de l’indépendance, celui de « bâtir un pays plus beau qu’avant», c’est-à-dire plus humain et plus juste, totalement libéré de l’exploitation, de l’exclusion sociale…, s’avère inaccessible. Pourtant, l’indépendance acquise, le 30 juin 1960, après 75 années de conquête et de colonisation belges, avait donné aux Congolais des raisons de croire qu’ils allaient jouir de grands avantages liés à l’abondance des ressources naturelles exceptionnelles que possède le pays qualifié d’un scandale géologique.
L’engagement des différents régimes qui se sont succédé depuis le coup d’État portant le président Mobutu au pouvoir, le 24 novembre 1965, et ayant promis d’apporter du bonheur et de l’espoir au cœur des Congolais, s’est transformé en calvaire. Des laissés-pour-compte condamnés à vivoter aux marges d’une société où la plupart de la population ne profite pas des richesses du pays.
Des valeurs et comportements qui vont contre l’éthique sont aujourd’hui érigés en système : la corruption, le tribalisme, le népotisme, le détournement de fonds publics, la course effrénée vers l’argent et le pouvoir, l’extrême concentration de la richesse dans des mains pas trop nationalistes, l’iniquité du système judiciaire, l’absence de civisme et d’État impartial, etc.
Tous les secteurs de la vie nationale sont affectés par une crise sans précédent essentiellement causée par l’inexistence de l’État : l’éducation, la santé, l’énergie, l’économie, le sport, l’art et la culture, les infrastructures routières… Le hic est que malgré toutes ces difficultés, les autorités congolaises ne semblent nullement être angoissées et tout porte à croire que le malheur du peuple ne les offusque pas. Toutes les promesses de faire de la RDC un pays vertueux sont simplement bafoués. «Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent», avait déclaré, en son temps, l’ancien président du Conseil des ministres de France (trois fois sous l’IVème République), Henri Queuille (1884-1970).
PAYS MIS À GENOU
Soixante-trois ans après l’indépendance, les Congolais essoufflés n’entrevoient pas le bout du tunnel. Comment comprendre que le Congo, un pays dont l’histoire est vantée par son peuple, fier de sa souveraineté, riche en sol et sous-sol n’arrive pas à se développer ? Cette question vaut son pesant d’or. Car, force est de reconnaitre que le pays se porte très mal. Les Congolais souffrent dans leur âme et dans leur chair. Dire cela n’est pas une posture d’un malveillant. Cinquante-huit ans de l’irresponsabilité des gouvernements successifs ont mis le pays à genou.
Sur le plan économique, par exemple, le pays ne tient encore sur ses deux pieds que grâce à la résilience de son peuple et à l’apport important de sa diaspora qui constitue, aujourd’hui, un levier majeur pour relever les défis d’un pays en crise. Mais jusqu’où ira cette résilience ou l’intervention de la diaspora ? Personne ne peut vraiment le savoir. Si on consulte les documents économiques internationaux, notamment ceux de la Banque mondiale, dans son dernier rapport de l’année 2022, on peut constater que les Congolais, dans leur écrasante majorité, souffrent et sont plongés dans un profond désarroi. L’économie qui devrait être la base de la richesse est à terre, avec comme conséquence la rareté des ressources financières, et surtout l’exacerbation de la crise sociale.
Aujourd’hui, nul ne peut contester la crise économico-financière que traverse la RDC à cause de la mauvaise gouvernance. Quand l’économie se porte mal, les finances en pâtissent. C’est un phénomène assez classique. Rares sont les chefs de ménages en RDC qui peuvent satisfaire aux besoins quotidiens des membres de leurs familles. Ils sont confrontés à la vie chère, ils subissent la loi de l’inflation. Les produits de grande consommation ne sont pas à portée des mains de la grande majorité de la population, à cause de leurs prix exorbitants face à des revenus extrêmement faibles. À cela s’ajoute le taux de chômage qui bât son plein.
La RDC s’enfonce chaque jour un peu plus dans la misère et le sous-développement. Le pays est en train de basculer vers l’abîme. La grande inquiétude est qu’il n’y a aucune perspective ni vision de la part des gouvernants qui pourraient faire espérer sur un lendemain prometteur.

UN RENOUVELLEMENT DE LA CLASSE POLITIQUE S’IMPOSE
La RDC est agressée dans l’Est par la milice armée rwandaise appelée M23. Cette région orientale connait depuis plus de deux décennies des massacres des populations au vu et au su de la communauté internationale, avec la présence remarquée de la Monusco et récemment des troupes de la communauté de l’Afrique de l’Est (EAC). Pendant ce temps-là, les multinationales américaines, européennes et chinoises continuent d’exploiter les ressources du sous-sol…et comme un malheur ne vient jamais seul, les affres de la désolation s’approchent de façon inéluctable de la capitale du pays, avec des affrontements entre les peuples Yaka et Teke qui se livrent, depuis quelques mois, aux massacres des uns et des autres alors qu’ils ont toujours cohabité dans le passé.
De ce fait, il est triste de constater l’impuissance des acteurs politiques majeurs du pays (politiques, civiles et militaires) à mettre leur intelligence collective à contribution pour faire face aux groupes armés qui sèment instabilité et désolation dans le pays. D’ailleurs, cela fait penser à certains qu’ils sont complices de l’insécurité permanente qui sévit sur toute l’étendue du territoire national.
Au vu de la situation actuelle, il est difficile de sortir la RDC du gouffre dans lequel elle est plongée depuis l’arrivée au pouvoir de l’AFDL, le 17 mai 1997, d’autant plus que le régime en place ne fait pas mieux. Dès lors, le combat pour le changement, dans le but d’améliorer les conditions de vie des Congolais et réaliser l’idéal de «bâtir un pays plus beau qu’avant», s’avère plus compliqué voire impossible. Seule parade à ce sentiment largement répandu : c’est le renouvellement de la classe politique. Il s’impose. Il ne consiste pas à remplacer des vieux par des jeunes, mais à renverser l’échelle des valeurs afin de remplacer l’immoralité par la moralité, la malhonnêteté par l’intégrité, la traitrise par le patriotisme. Voilà le vrai renouvellement. Et surtout, braver la peur pour donner un sens à l’indépendance chèrement acquise, le 30 juin 1960.
Robert Kongo (CP)