A Marseille, le sommet international pour la protection de la nature tente de sauver une planète en danger

Des espèces menacées de disparition, des paysages ravagés par les flammes ou les pluies, la vie sauvage mise à mal par l’homme : la plus grande organisation de protection de la nature, l’UICN, réunit à Marseille son congrès, chamboulé par le Covid-19, au moment où la destruction de la nature s’accélère dramatiquement.

La nature «décline plus vite que jamais dans l’histoire humaine», avertissait l’UICN dès 2019. Un déclin, souvent qualifié de «sixième extinction de masse», qui met en péril les conditions même de l’existence humaine sur Terre. Comme le montre également la multiplication de catastrophes liées aux effets du changement climatique, lui aussi causé par l’activité des Hommes, tempêtes, inondations, sécheresses, incendies…

Il s’est ouvert, vendredi 3 septembre, à Marseille (France) la plus grande rencontre pour la protection de la nature : le Congrès mondial de l’Union Internationale pour la conservation de la nature (UICN). Objectif ? Donner un coup de fouet à la défense de la planète, mise à mal par l’Homme. En effet, selon les experts de l’ONU, la biodiversité s’effondre, avec jusqu’à un million d’espèces animales et végétales menacées de disparition. La nature «décline plus vite que jamais dans l’histoire humaine», avertissaient-ils déjà en 2019.

Le président français Emmanuel Macron a participé à l’inauguration du Congrès, qui durera jusqu’au 11 septembre prochain, sous un format «hybride» – en présence et en ligne –, Covid-19 oblige. Plus de 5.000 participants sont inscrits, dont 3.600 à Marseille, contre 15.000 espérés. «Notre objectif commun est d’inscrire la nature au sommet des priorités internationales – car nos destins sont intrinsèquement liés : planète, climat, nature et communautés humaines », a rappelé le chef de l’État.

Eau potable, air respirable, nourriture, énergie, médicaments… Les humains dépendent de la bonne santé des écosystèmes qu’ils sont en train de détruire. Des négociations internationales sont en cours pour tenter d’inverser la tendance, dans le cadre de la COP15 biodiversité qui se tiendra en Chine en avril 2022. Sans être un espace de négociations à proprement parler, le congrès de l’UICN y jouera un rôle, en réunissant différents acteurs et en définissant des priorités pour les prochainesannées.

Depuis sa dernière édition à Hawaï en 2016, les signaux d’alarme sur l’état de la planète se multiplient. Selon les experts biodiversité de l’ONU, l’IPBES, jusqu’à un million d’espèces animales et végétales sont menacées de disparition. La nature «décline plus vite que jamais dans l’histoire humaine», avertissaient-ils en 2019.

Des nouveautés pour cette année

Deux fois reporté à cause de la pandémie, le congrès s’inscrit dans un important cycle de négociations devant conduire à la COP15 biodiversité qui se tiendra en Chine en avril 2022. Lors de cette conférence, la communauté internationale doit adopter un texte visant à « vivre en harmonie avec la nature» à l’horizon 2050, avec des objectifs intermédiaires pour 2030. Sans être un espace de négociations à proprement parler, le congrès de l’UICN jouera un rôle important dans ce processus, en réunissant une large palette d’acteurs – gouvernements, ONG, société civile, entreprises – et en définissant des priorités. Dès ce samedi, la mise à jour de la Liste rouge des espèces menacées de l’UICN permettra d’ailleurs de prendre la mesure de la poursuite de la destruction de notre environnement.

L’UICN doit également voter une série de motions lors du congrès. Notamment une déclaration finale qui devrait porter sur «la place de la nature dans les plans de relance économique post-Covid», «une nouvelle stratégie mondiale de la biodiversité ambitieuse» s’accompagnant d’un «plan d’action mondial pour les espèces», et «la contribution de la nature à la lutte contre le changement climatique», a indiqué Sébastien Moncorps, directeur de l’UICN France, à l’AFP.

La question de la santé dans le rapport de l’Homme à la nature sera également un point essentiel, alors que l’hypothèse d’une transmission du virus Covid-19 de la faune sauvage à l’Homme est centrale pour expliquer l’origine de la pandémie.

Nouveauté de cette édition, les organisations des peuples autochtones, dont le rôle est de plus en plus reconnu pour protéger la nature, pourront voter. Mais la participation des pays en voie de développement sera réduite, faute notamment de vaccins.

Environnement : une autre protection de la nature est-elle possible ?

Les défenseurs des peuples autochtones tiennent enfin leur premier grand congrès international. Baptisé «Notre terre, notre nature», il rassemble du 2 au 3 septembre à Marseille une trentaine de scientifiques, juristes, militants et représentants des peuples autochtones – notamment du Congo, du Kenya et de la RD Congo – pour débattre sur « la manière de décoloniser la conservation de la nature». La date n’est pas anodine. Le 3 septembre, la cité phocéenne accueillera durant huit jours le congrès mondial de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature). L’enjeu du moment, à quelques semaines de la COP15 de la Convention pour la diversité biologique prévue à Kunming en Chine, est de renforcer la création d’aires protégées par les États. Avec un objectif de 30 % (moyenne mondiale) d’ici à 2030 (« 30 x 30 »), contre 24 % d’écosystèmes terrestres, eaux douces, eaux côtières et océans actuellement protégés et conservés, selon l’UICN.

«Si on veut vraiment protéger la nature, il faut arrêter les émissions de CO2 et changer radicalement de mode de vie. Sauf que cela revient à faire des choix impopulaires. Donc plutôt que de remettre en question le modèle économique des pays riches, on choisit des solutions qui impactent les populations du Sud», déplore Fiore Longo. Pour cette responsable de la campagne «Décoloniser la protection de la nature» de Survival, le projet des 30 x 30 pose de nombreuses questions : «Comment vont être créées ces 30 % d’aires protégées ? Qu’est-ce qui se passe dans les 70 % restants? Quelles garanties seront apportées aux peuples autochtones qui vivent dans les zones où seront créées des aires protégées ? Tout cela reste flou dans les documents du cadre global pour la biodiversité». À ses yeux, ce projet s’annonce « catastrophique sur le plan de la justice sociale».

En Afrique, la création d’aires protégées – qui a pris racine durant la colonisation, notamment pour organiser des réserves de chasse – est source de divers conflits. «Le premier conflit que nous rencontrons au Congo, c’est entre l’homme et la faune, et le deuxième, c’est entre les communautés locales et les écogardes », explique, par exemple, Maixent Agnimbat, administrateur général du Forum pour la gouvernance et les droits de l’homme (FGDH) à Brazzaville. 13,2 % du territoire congolais, faiblement peuplé (environ 5 millions d’habitants), est recouvert d’aires protégées. Les écogardes – parfois des rangers lourdement armés dans d’autres zones du continent –, chargés de la surveillance, reçoivent une succincte formation militaire, «mais pas de formation civique», regrette Maixent Agnimbat. «Et ils considèrent l’homme comme étant le problème dans la conservation de la nature. Ils ne font aucune différence entre un braconnier et un petit paysan qui tente de survivre dans son terroir. Il est assimilé à un délinquant», résume-t-il.

En 2009, un conflit entre un garde-forestier et un villageois ayant prélevé du petit gibier dans le parc national de Conkouati-Douli, a créé un affrontement à l’issue duquel trois villageois ont péri. Cette aire protégée, comme celle de Nouabalé-Ndoki, a été façonnée par l’ONG américaine Wildlife Conservation Society au début des années 1990. Mais les représentants des communautés locales comme les militants des droits de l’homme peinent à communiquer avec les ONG de conservation de la nature. Le gouvernement congolais n’est guère plus réceptif aux rapports envoyés par l’OGDH. Les problèmes, pourtant, abondent.

Communautés locales lésées

« Là où on crée un parc, il y a à l’origine un village. Or, le parc amène de nouvelles restrictions, de nouvelles normes de gestion, et les communautés sont sommées de se soumettre à ces nouvelles réglementations et d’intégrer des changements de comportement quasiment du jour au lendemain. Nous observons des problèmes de champs piétinés, par des éléphants ou des félins. Les villageois ne peuvent donc plus cultiver. La chasse et la pêche deviennent aussi interdites… Dans le nord du pays, on estime qu’environ 100.000 paysans ont été privés de leurs principaux moyens de subsistance ces vingt dernières années», décrypte Maixent Agnimbat. Selon lui, ces aires protégées sont une opportunité pour l’État de capter des financements et de redorer son image lors des grands rendez-vous mondiaux pour la protection de l’environnement.

Au Congo encore, six communautés bakas riveraines du Messok Dja, un projet d’aire protégée encadré par le Fonds mondial pour la nature (WWF), ont déposé une plainte auprès du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) en 2018, à la suite des violences d’écogardes. Survival enquêtait depuis plusieurs années sur les persécutions dont étaient victimes les Bakas et appelait le WWF à « cesser de financer les brigades anti-braconnage».

À l’issue d’un audit, l’Union européenne a décidé de sanctionner le WWF en juin 2020 et de suspendre une partie de ses financements pour «violation des droits fondamentaux des peuples autochtones». «Les Bakas sont des chasseurs-cueilleurs qui dépendent totalement de la forêt. Sans elle, ils sont privés de leur identité, de leurs moyens de subsistance.

Ils ont été traumatisés par ces violences. Et pourtant, ce ne sont pas eux qui détruisent l’environnement», remarque Fiore Longo. Et de blâmer en premier lieu les ONG de conservation de la nature, qui, grâce à de lourds investissements, «négocient leurs conditions et les imposent aux États, y compris des dictatures». «Nous devons décoloniser notre pensée, sortir du discours raciste et paternaliste», conclut-elle, sans détour.

Econews avec AFP