Après la rafle de l’Assemblée nationale, UDPS à l’assaut du Sénat

Le Parlement congolais va bientôt afficher complet dans l’imminence de l’élection des sénateurs. La démarche va de soi, dirait-on, en ce qu’elle est conforme aux prescrits de la constitution. Mais ce qui ne l’est malheureusement pas, ce sont les raccourcis politiques empruntés par les partis et regroupements politiques dans la désignation de leurs candidats à la chambre haute. Majoritaire avec sa constellation de partis satellites, l’UDPS/Tshisekedi à transmis la liste de ses candidats, sur laquelle figurent des élus aux législatives nationale et provinciales. En clair des députés nationaux et/ou provinciaux briguent par ailleurs un siège au Sénat. Une particularité bizarre inscrite dans la loi électorale qui ne tire pas par le haut les chambres législatives peuplées de suppléant.e.s recrutés dans le cercle familial. Les rares voix qui s’en offusquent se heurtent à un mur d’intolérance et de suspicions surréalistes.   

Le Parlement congolais s’apprête à afficher complet avec l’élection imminente des sénateurs. Une étape cruciale pour la démocratie en RDC, mais qui soulève des interrogations quant aux pratiques politiques employées par les partis et regroupements politiques.

En effet, si la démarche d’élection des sénateurs est en conformité avec la constitution, les méthodes utilisées pour désigner les candidats laissent à désirer. Des raccourcis politiques sont empruntés, mettant en lumière une pratique douteuse au sein de la classe politique congolaise.

L’UDPS, parti majoritaire avec ses partis satellites, a publié sa liste des candidats au Sénat, parmi lesquels se trouvent des élus aux législatives nationales et provinciales. Autrement dit, des députés nationaux et provinciaux aspirent également à un siège au Sénat. Cette particularité, bien que prévue par la loi électorale, soulève des questionnements quant à l’intégrité des chambres législatives, déjà peuplées de suppléants recrutés au sein du cercle familial.

GRANDES MANŒUVRES AUTOUR DU SENAT

Bon gré mal gré, l’Assemblée nationale issue des législatives du 20 décembre 2023 se met en place et s’achemine vers l’ouverture de sa toute première session de mars. Les passions soulevées par l’organisation «chaotique» des scrutins qui, dans certaines circonscriptions électorales se sont étalées sur une période de sept jours; l’invalidation par la Cour constitutionnelle de 82 candidats accusés de fraudes, de détention à domicile de matériel électoral ou de vandalisme s’estompent progressivement à force du temps qui passe.

Fataliste et impuissant, le peuple congolais a fini par se résigner et semble s’accommoder d’une classe politique qui consacre le règne des puissants qui n’hésitent pas à user de menaces, d’intimidations, de musèlement des médias et à la limite, d’incarcérations plus ou moins arbitraires d’opposants trop remuants.

Cependant, à l’approche de l’élection des sénateurs, la liste des candidats de l’UDPS signée de la main de son Secrétaire général Augustin Kabuya (lui-même élu député national et provincial) soulève quelques questionnements et une sourde désapprobation généralisée. Ce sentiment du fait accompli est d’autant plus évident qu’il est quasiment acquis que les candidats, une fois adoubées par le parti présidentiel sont d’office «désignées» pour siéger dans l’une ou l’autre des  chambres du parlement.

UNE «BOULIMIE» SANS PAREILLE 

La démarche pourrait sembler, à première vue, des plus légitimes. A l’instar de tout autre parti ou regroupement politique, l’UDPS est parfaitement fondée à aligner des candidats de son choix. Sauf que parmi les heureux candidats, plusieurs ont été élus députés nationaux et provinciaux, en vertu de la particularité congolaise qui autorise des candidatures multiples.

A titre de rappel, au cours de la législature précédente, l’alors député national Delly Sesanga, soutenu par le clergé catholique, avait introduit un projet de loi qui tendait à reconsidérer cette disposition qui jetait le discrédit sur la parlement où siégeaient des membres de familles de députés et sénateurs préalablement inscrit au titre de suppléants. Une proposition qui fut rejetée à une large majorité des députés de la toute nouvelle Union sacrée de la nation née sur les cendres de la coalition FCC-CACH.

La pratique qui veut que le père de famille élu choisisse de siéger à l’Assemblée nationale, au sénat ou dans une assemblée provinciale aussitôt remplacé par des membres de sa famille est en voie de se perpétuer à un degré jamais atteint. Le plus hallucinant est le constat que cette antivaleur – car c’en est une – qui jette le discrédit sur le système législatif congolais soit exacerbé par la soudaine «boulimie» un parti politique qui s’enorgueillit de ses trois décennies de lutte en voie de l’établissement d’un «Etat de droit».

Il se trouve tout de même des voix qui s’élèvent pour fustiger une dérive qui ôte tout caractère sérieux dans des hémicycles sensés légiférer au bénéfice du peuple.  Me Jean-Claude Katende, président de l’ASADHO, est parmi les premiers à tirer la sonnette d’alarme : «La cupidité des acteurs politiques congolais me rend malade. Certains acteurs déjà élus députés nationaux, députés provinciaux, sont encore candidats aux élections des sénateurs ! Même du temps de Mobutu que nous avions tous condamné, on n’avait pas vécu une telle gourmandise. Est-ce que c’est le souci de servir qui les pousse à agir ainsi ou c’est celui de contrôler le pouvoir et de gagner plus d’argent ? Il faut qu’un jour le peuple congolais mette fin à ce système égoïste et diabolique. Il me semble clair, aujourd’hui, qu’aucun parti politique ne peut y mettre fin».

UN PARLEMENT DE CELLULES FAMILIALES

La pratique des candidatures multiples n’est certainement pas une invention de l’UDPS. Dès l’organisation des premières élections multipartites en 2006, des parlementaires appelés au gouvernement devant céder leur siège à leurs suppléants avaient été remplacés par leurs conjoint.e.s.

Le jeu malsain des chaises musicales s’est accentué dès 2011, où des pères de familles ont siégé dans différentes assemblées avec femmes et enfants. Certains se vantant même de former «la famille la mieux élue de Kinshasa».

Les derniers scrutins de 2020 sont venus consacrer désormais la constitution des assemblées nationale et provinciales et d’un sénat constitués de petites cellules familiales où la compétence, l’intégrité, le degré élevé de nationalisme ne seront plus que des vœux pieux. Seul compte l’appât du gain, même au prix du plus abject des soumissions et la capacité à applaudir même les lois les plus iniques.

BRISER LA GLACE

L’UDPS, majoritaire avec ses partis satellites, a soumis sa liste de candidats, parmi lesquels figurent des élus aux législatives nationales et provinciales. En d’autres termes, certains députés nationaux et provinciaux aspirent également à un siège au Sénat. Cette particularité étrange est inscrite dans la loi électorale, mais elle ne contribue pas à élever le niveau des chambres législatives qui sont déjà remplies de suppléants recrutés dans le cercle familial.

Les rares voix qui critiquent cette pratique se heurtent à une intolérance et à des suspicions surréalistes. Il est crucial de remettre en question ces pratiques politiques qui pourraient compromettre l’intégrité et l’efficacité du Parlement congolais. Il est essentiel que les représentants élus soient choisis pour leur compétence et leur dévouement envers le bien-être de la nation, et non pour des considérations politiques opportunistes.

Il est temps que les citoyens et les acteurs politiques exigent des processus de sélection transparents et équitables pour garantir une représentation démocratique authentique au sein du Parlement congolais. Les législateurs doivent être des modèles de probité et de responsabilité, et non des pions manipulés par des intérêts partisans.

Liste des candidats sénateurs de l’UDPS/Tshisekedi