Bras de fer Kinshasa-Kigali : le dilemme Kenyatta

Tshisekedi à Nairobi, Kagame, le grand absent

Le Rwanda, pays membre de la Communauté de l’Afrique de l’Est, en agresse un autre. En l’occurrence, son voisin occidental, la République Démocratique du Congo, le dernier membre en date de la même Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est (EAC). La présence de la Rwanda Defence Force (RDF) est dissimilée derrière la pseudo-rébellion du M23. Kigali ne s’en cache d’ailleurs pas, invoquant de son côté la collusion entre les FARDC et les rebelles rwandais du FDLR, son éternel fonds de commerce. Ou des tirs par les FARDC de roquettes sur le territoire rwandais. Ce lundi à Nairobi, une rencontre sur la RDC se tient à l’initiative du président kenyan, Uhuru Kenyatta. Le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, y sera. Pas le Rwandais Paul Kagame, occupé à accueillir à Kigali ses invités du sommet de Commonwealth.
Curieusement, et alors que la présence rwandaise, visible et déterminante dans la prise des localités congolaises par le M23 ne fait l’ombre d’aucun doute, aucune des capitales de l’EAC (Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est) n’a nommément condamné le Rwanda, se contentant de lancer aux parties en conflit des appels à l’apaisement.
L’Ougandais, Yoweri Museveni, en virtuose du double-jeu, pousse ses pions, le regard rivé sur les ressources de l’Est congolais. Et il n’est pas le seul dans ce cas; le Burundais Ndayishimiye y va de sa critique de la jeunesse congolaise qui dort, boit, danse et remplit les poches des pasteurs qui vivent le paradis à leur place. La Tanzanienne Hassan Sulu se tait et observe en silence…

UHURU KENYATTA CROIT ENCORE A LA PAIX
A quelques mois de la fin de son deuxième mandat présidentiel, le Kényan Uhuru Kenyatta pense avoir trouvé le sésame : en sa qualité de président en exercice de l’EAC, il propose la constitution d’une force régionale censée combattre les groupes armés locaux et étrangers qui sévissent au Congo. Si Kinshasa a accueilli favorablement le projet de Kenyatta, la question se pose de voir quels pays seraient disposés à fournir des troupes, étant entendu que le Rwanda, l’Ouganda et, dans une certaine mesure, le Burundi, en seront de fait exclus.
Uhuru Kenyatta se trouve en face d’une authentique quadrature du cercle; un dilemme insoluble : faut-il inclure des troupes rwandaises et ougandaises dans la force de l’EAC, alors que ces pays sont d’ores et déjà présentes en RDC, mais du mauvais côté de la barrière ?
En revanche, y aller sans eux fait courir le risque que la force régionale soit amenée à affronter un jour les RDF et UPDF coalisés pour la cause sur le sol congolais. Comme une triste réédition de la bataille de Kisangani qui opposa en 2000 Rwandais et Ougandais, et fit plus de 2000 morts.
Le président du Kenya peut cependant se faire bonne conscience; lui au moins aura tenté de défaire le nœud gordien congolais. Parrain des pourparlers de Nairobi où se côtoient plénipotentiaires congolais et des chefs de guerre, coupeurs de route ou simples aventuriers qui écument les Kivu et l’Ituri, Kenyatta se désole de voir son initiative faire du sur-place du fait de la désinvolture des différentes parties dont la priorité de fait ne semble pas le retour de la paix. Mais surtout de l’exclusion du M23, événement qui a précipité la reprise des hostilités de ce mouvement rebelle, cette fois sous le parapluie rwandais.
Défait en 2013 et dispersé par les FARDC au Rwanda et en Ouganda sous le président Kabila, le M23 effectue un retour en force, donnant du fil à retordre aux forces loyalistes.

RIEN SANS LES ETATS-UNIS ET LE ROYAUME-UNI
Le président kényan est par ailleurs conscient que les chancelleries occidentales sont parfaitement au fait de l’influence protectrice des Etats-Unis et du Royaume-Uni sur le régime de Kigali. Depuis le génocide des Tutsi et des Hutu dits modérés en 1994, le Rwanda vit sous le parapluie anglo-saxon. Paul Kagame, fait aux yeux de Washington, de Londres et dans une certaine mesure de Paris, figure de modèle de bonne gouvernance dans la sous-région, ayant détrôné l’Ougandais Museveni de son rôle de gendarme et de vigile des Occidentaux dans la sous-région des Grands-Lacs.
Sa convoitise des ressources naturelles dont regorge la RDC est tolérée des puissances occidentales qui, dans la foulée de la déclaration jadis de l’ancien président français Sarkozy, ou de l’Américain Peter Pham, ne verraient pas d’un mauvais œil « le partage » des richesses du Congo avec ses voisins.
En conséquence, ni les déclarations timides des Nations Unies, encore moins les positions timorées de l’Union africaine ou les médiations angolaise ou congolaise (de Brazzaville) ne sont de nature à pousser Kagame à changer de fusil d’épaule. Ses mentors qui n’on jamais digéré la présence envahissante des Chinois dans la quasi-totalité des secteurs de l’économie congolaise ne sont pas prêts à favoriser un climat apaisé dans un pays dont la classe politique semble dépassée par la succession des événements aux- quels, de toute évidence, ils n’étaient pas préparés en arrivant au pouvoir.

Econews