Embargo sur les armes : tous ont voté contre la RDC

La République Démocratique du Congo ne pourra importer des armes, sans l’avis préalable du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cette décision, qui a eu l’effet, d’une bombe, a suscité un profond sentiment de désarroi dans l’opinion publique. Et les commentaires – très virulents vis-à-vis des Nations Unies – sont allés dans tous les sens, fustigeant un complot international. En s’abstenant contre cette résolution, portée par la France, des pays tels que la Russie et la Chine ont attiré la sympathie de la plupart des Congolais. Mais, en prenant un certain recul, on comprend que la République Démocratique du Congo y est pour beaucoup dans la position des Nations Unies. Pour un pays en proie à plusieurs groupes armés, principalement dans sa partie Est, il est plus qu’urgent de se doter d’instruments modernes de gestion et de traçabilité de l’arsenal. Certes, la Russie et la Chine se sont abstenues, mais elles n’ont pas soulevé leur véto pour bloquer cette Résolution. C’est tout dit. Bref, au Conseil de sécurité des Nations Unies, la RDC s’est retrouvée seule. Tous ont voté contre. Pour la levée de son embargo sur les armes, Kinshasa a encore une année pour rattraper et répondre aux exigences des Nations Unies.

C’est avec grande émotion que la décision de prolonger le régime d’embargo sur les armes a été accueillie dans le pays. Sans trop réfléchir, des prises de position virulentes contre ceux qui avaient voté ont été enregistrées. Le Ghana, le Gabon, le Kenya, la Russie et la Chine qui s’étaient abstenus sont présentés comme des amis sûrs et valeureux.
A première vue, cela apparaît comme normal lorsqu’on est face à des réactions épidermiques. Mais en réalité tous les États membres du Conseil de sécurité ont voté contre la République démocratique du Congo dont les autorités et l’élite doivent cesser d’être naïfs, voire ridicules. Qu’en est-il au juste? Lors du vote, lorsqu’on adhère totalement à une résolution, on vote « OUI ». Lorsqu’on est contre une résolution l’Etat concerné vote « NON ».
Par contre, lorsqu’une résolution pose des questions, les États qui s’opposent globalement à son contenu, votent abstention. Ces États ne s’opposent pas à la résolution mais soulevent des observations sur la pertinence de la résolution, tout en la laissant produire ses effets. En des termes limpides, ces États n’ont pas voulu faire obstruction à la résolution parce que sur l’essentiel, le contenu n’est pas un grand problème. Quelques lignes par contre posent des problèmes mineurs, à leurs yeux.

Russie et Chine des amis ?
La question vaut la peine d’être posée face à la grande euphorie enregistrée parmi les Congolais. Si la Chine et la Russie étaient opposées à la résolution, ils auraient sorti leurs droits de veto. Ces deux pays membres permanents du Conseil de sécurité ne l’ont pas fait. Elles ont franchi un pas, mais un pas hésitant qui a eu certes le mérite de soulever à la face du monde l’injustice face à laquelle la RDC est soumise.
L’argument avancé est idéologiquement défendable. Sa faiblesse réside sur le fait que ces États n’ont pas opposé des arguments techniques. Sur ce point, la RDC n’est pas excusable.

Criante irresponsabilité
En matière de gestion de la circulation des armes légères, il existe des standards acceptés sur toute la planète. Une commission nationale a la charge d’en assurer le suivi au quotidien et de faire rapport. Premier couac, le serveur de cette commission serait hors service. Lors de la présentation du rapport, les données ne bénéficient d’aucune fiabilité. Au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, cette commission n’a pas de bureaux.
Plus grave pour le pays, la législation en la matière date de 1985. Les nouvelles technologies sont inconnues de la loi congolaise. Il est bon d’accuser les pays amis de jouer le jeu de l’ennemi. Quelle est notre part de responsabilité depuis 2008 après que le gouvernement a été sorti de l’embargo? Les Congolais ont le droit d’être édifiés.
Position du Conseil de sécurité
En adoptant aujourd’hui par 10 voix pour et 5 abstentions sa résolution 2641 (2022), en application du Chapitre VII de la Charte, le Conseil de sécurité a reconduit jusqu’au 1er juillet 2023 son régime d’embargo sur les armes et de sanctions relatives à la République démocratique du Congo, mais en le modifiant, afin d’alléger le dispositif d’embargo sur les armes et d’étendre les motifs d’impositions de sanctions. Le mandat du Groupe d’experts prévu par la résolution 2360 (2017) a également été reconduit pour un an, jusqu’au 1er août 2023. Les trois membres africains du Conseil –A3 Gabon, Ghana et Kenya–, la Chine et la Fédération de Russie se sont abstenus.
La résolution reconduit le dispositif prévu aux paragraphes 1 à 6 de la résolution 2582/ (2021) mais supprime l’obligation de notification établie dès la résolution 1807 (2008) pour les envois d’armes et de matériels connexes à destination de la RDC, à l’exception des armes indiquées dans une annexe, dont la livraison reste soumise aux procédures de notification. Il s’agit de tous les types d’armes d’un calibre allant jusqu’à 14,5 mm, des mortiers d’un calibre allant jusqu’à 82 mm, des lance-grenades et lance-roquettes d’un calibre allant jusqu’à 107 mm et de leurs munitions/ respectives, ainsi que des systèmes portables de défense antiaérienne (MANPADS) et des systèmes de missiles guidés antichars. La notification est également supprimée pour la fourniture de matériel militaire non létal et destiné uniquement à des fins humanitaires ou à des fins de protection, aux services connexes d’assistance technique ou de formation technique.
La résolution étend par ailleurs les motifs de sanctions applicables –gels des avoirs, interdictions de voyager…- aux personnes et entités désignées par le Comité des sanctions sur la RDC qui ont participé à la production, à la fabrication ou à l’utilisation d’engins explosifs improvisés en RDC, ont commis ou préparé des attaques utilisant de tels engins, les ont commanditées, s’en sont rendues complices, y ont pris part ou les ont appuyées de quelque manière que ce soit. Le dernier rapport en date du Secrétaire général sur la République démocratique du Congo signalait 14 attaques à l’engin explosif improvisé entre la mi-mars et la mi-juin, attribuées aux Forces démocratiques alliées (ADF), suspectées par ailleurs d’entretenir des liens avec les réseaux terroristes.
La résolution souligne par ailleurs que les mesures qu’elle impose « n’ont pas pour objet d’avoir des conséquences humanitaires négatives pour la population civile », comme l’a rappelé le représentant du Brésil, qui a souligné que les sanctions prévues dans la résolution ne visent pas le Gouvernement de la RDC, mais des individus qui, par leurs agissements destructeurs, déstabilisent l’Est du pays.

Econews